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Qu’est-ce que le pointillisme ?
Les termes de pointillisme, de divisionnisme ou de chromoluminarisme sont souvent utilisés pour décrire un mouvement pictural qui se nomme en réalité néo-impressionnisme.
Le néo-impressionnisme, dont Seurat est le chef de file, propose une nouvelle approche dans la perception des couleurs : les peintres opèrent par juxtaposition de petites touches de couleurs pures, légèrement espacées, non pas en mélangeant des teintes sur la palette ou directement sur la toile. Cette technique picturale leur vaut le nom de « pointillistes », parfois employé de façon moqueuse par les critiques.
Ce mouvement est incarné par un petit nombre de peintres, essentiellement Georges Seurat, Paul Signac, Henri-Edmond Cross et Maximilien Luce qui sont rejoints brièvement par Camille Pissaro, le grand maître de l’impressionnisme. Ces artistes pointillistes, autant liés aux nouvelles théories scientifiques des chimistes et des physiciens qu’aux idées anarchistes, ouvrent un champ d’expérimentations picturales bien plus vaste que leur nom ne laisse paraître.
Sources et théories néo-impressionnistes
Félix Fénéon et la mort de l’impressionnisme
En 1886 a lieu une huitième et dernière exposition impressionniste, organisée par Berthe Morisot. Monet, Renoir et Sisley n’y figurent plus, à leurs places, des artistes affiliés au salon des indépendants : Signac, Pissaro, Seurat, Degas, Cassatt, Gauguin et Guillaumin. L’absence des grands maîtres impressionnistes secoue le monde de l’art et ses critiques, dont Felix Fénéon, qui écrit dans la revue Vogue « Avec cette exposition, l’impressionnisme est définitivement mort. ».
Certains artistes décident néanmoins de poursuivre les recherches initiées par les impressionnistes et sont bientôt qualifiés de néo-impressionnistes par le même Félix Fénéon, exégète passionné des théories picturales de Seurat et proche des mêmes milieux politiques que ce dernier. Il contribue ainsi à faire connaître les théories et les œuvres des néo-impressionnistes dans un milieu artistique parisien encore très marqué par le naturalisme de la fin de siècle.
La science comme loi
Le groupe de peintre constitué autour de Gorges Seurat et Paul Signac souhaitent dépasser le regard de l’artiste impressionniste sur la nature qui l’entoure et ont le souci de mettre la science au service de leur art. Ils s’enthousiasment ainsi des théories d’Eugène Chevreul publiées en 1839 dans De la loi du contraste simultané qui explique que toute couleur diffuse autour d’elle sa complémentaire : un objet bleu colore son environnement en orange, un objet jaune en violet tandis que les abords d’une tache rouge sont verts.
Les peintres appliquent assidûment ces théories dans leurs œuvres en s’appuyant sur un autre principe fondamental, se référant à la Grammaire des arts du dessin, de Charles Blanc : le mélange optique qui se fait dans l’œil et le cerveau du spectateur. C’est selon ce principe que les néo-impressionnistes transposent dans leurs œuvres des tons juxtaposés de couleurs pures qui révèlent bien plus fortement l’éclat d’une peinture qu’un mélange préalablement effectué sur la palette. Leurs peintures, formées d’une accumulation de petits points de couleurs sont ainsi surnommées pointillistes. Georges Seurat est profondément imprégné de ces théories, il est d’ailleurs surnommé « le notaire » par Edgar Degas qui moquait le sérieux avec lequel il peignait.
Un horizon plus large que ce qu’il n’y paraît
Applications des théories en peinture
Georges Seurat dévoile ses nouvelles théories picturales dans plusieurs toiles aujourd’hui considérées comme de véritables chefs-d’œuvre dont la première, Un après-midi à la Grande Jatte est exposée pour la première fois en 1886 durant la huitième exposition impressionniste, où elle fait sensation.
Dans Le Cirque, une toile réalisée l’année de sa mort et conservée au musée d’Orsay, il a totalement assimilé les lois du contraste simultané et du mélange optique et couche sur la toile les nouvelles théories de la psychologie des sensations développées par Charles Henri. Celui-ci tente de décrypter les lois implicites de l’art selon lesquelles les lignes ascendantes suscitent la joie, les descendantes la tristesse tandis que les couleurs, selon leur vivacité, évoquent l’euphorie ou le malheur.
Le peintre est également attentif au cadre, qu’il veut plat, simple, et peint avec la même technique que le reste de la toile. Selon le principe des couleurs complémentaires, le bleu du cadre tranche avec la tonalité orangée de la toile. Après la mort de Seurat en 1891, Signac reste le principal représentant du mouvement qu’il théorise en 1889 dans un ouvrage resté célèbre, D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme. A cet ensemble de systèmes, les peintres néo-impressionnistes mêlent aussi des préoccupations sociales.
Art et anarchie
Les peintres néo-impressionnistes côtoient des personnalités anarchistes comme Émile Pouget ou Louise Michel. Paul Signac notamment s’intéresse aux idées révolutionnaires de son temps : l’un de ses chefs-d’œuvre Au Temps de l’harmonie, réalisé entre 1893 et 1895 était initialement intitulé Au temps de l’Anarchie.
Camille Pissaro est proche lui aussi des militants anarchistes à qui il apporte un soutien financier. Il s’engage aussi contre l’antisémitisme lors de l’affaire Dreyfus. Selon lui, une belle œuvre est un défi au goût bourgeois, il est donc favorable à l’art pour l’art. Il écrit ainsi dans Les Temps nouveaux, en 1895 :
Pissaro croit fermement à la liberté et à l’épanouissement individuel, son recueil de vingt-huit dessins à la plume intitulé Turpitudes Sociales, 1989 est un témoignage intéressant de son anticléricalisme, sa compassion sociale et sa haine des bourgeois. Pour autant, il n’est pas favorable aux représentations misérabilistes de l’art comme en témoigne l’un de ses chefs-d’œuvre, Gelée blanche, jeune paysanne faisant du feu, une huile sur toile de 1888 conservée au musée d’Orsay, véritable manifeste pour la poésie et la beauté du quotidien.
Le néo-impressionnisme, au contraire de ce que sous-tend son nom, n’est en rien un mouvement revival inscrit dans le passé comme l’ont été les néo-gothiques de la première moitié du XIXe siècle. Les artistes qui le constituent font corps avec les théories les plus novatrices de leur époque, sur le plan scientifique, politique, social et pictural. En cela, les néo-impressionnistes sont déjà pleinement lancés dans les grandes batailles artistiques et politiques qui secoueront le siècle à venir.
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