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Quel est l’état du marché de l’art en ligne ?

La crise sanitaire a métamorphosé le visage du marché de l’art depuis mars 2020. En empêchant la tenue des ventes aux enchères et en forçant la fermeture des lieux culturelles et des galeries d’art, le Covid-19 a mis un coup d’arrêt brutal au monde de l’art. En un instant, le marché en ligne est devenu le seul canal de promotion et de vente pour une grande partie du secteur. Comment la technologie numérique révolutionne le marché de l’art ?

La part des ventes en lignes sur le marché de l’art

Le marché de l’art en ligne a connu une énorme croissance de 106% en 2020 en raison de l’épidémie du Covid-19. Les ventes d’art en ligne ont plus que doublé sur un an, passant de 6 milliards à 12,4 milliards de dollars. 

Observons les années précédentes afin d’avoir un aperçu concret de la situation du marché de l’art en ligne. Depuis 2013, les ventes n’ont cessé de croître à un rythme important : +42% en 2014, +24,1% en 2015 et plus récemment, + 9,8% en 2018. C’est bien la preuve que les ventes online possèdent un véritable intérêt économique pour le marché de l’art. D’ailleurs, en 2013, Sotheby’s a vendu pour 107 millions de dollars d’œuvres en ligne, contre 250 millions en 2019. Les ventes ont été multipliées par 2,3 en 5 ans ! Si la hausse est plus faible chez Christie’s (+20% sur la même période), elle n’en révèle pas moins l’envie croissante des maisons de vente de se digitaliser. 

graphique vente auxenchères

Malgré tout, le graphique ci-dessous ne manque pas de montrer un ralentissement de la croissance depuis 2016. Cela n’induit pourtant pas le déclin de la digitalisation des salles de vente. Bien au contraire. En effet, cette croissance très relative depuis 2016 s’explique avant tout par le freinage global du marché de l’art sur plusieurs années : Sotheby’s, Christie’s et Phillips ont ainsi enregistré une baisse de valeur de 20% de leurs ventes aux enchères en 2019 et les ventes mondiales d’art ont chuté de 5% sur la même période. Dans ce contexte général, c’est d’autant plus impressionnant de constater que la vente en ligne ne cesse de croître malgré tout ! Enfin, les prédictions situent 2020 comme une année charnière : l’éventuelle réticence des acteurs à entrer sur le marché digital a surement été dépassée dans ce contexte d’épidémie, ce qui laisse envisager une croissance encore plus forte dans les prochaines années. 

Zoom sur le détail des ventes en ligne 

Les œuvres d’art représentent 32% des ventes en ligne d’œuvres d’art et d’objets de collection en 2019. Elles sont largement devant les bijoux et les montres qui pèsent pour 23% du marché, et les arts décoratifs à 12%. Cette répartition n’est pas la même selon les acteurs étudiés. Ainsi, les œuvres d’art atteignent une part moyenne de 51% des ventes en ligne pour les 3 grandes maisons Christie’s, Sotheby’s et Phillips. A l’inverse, la plus grande maison de vente aux enchères en ligne, Heritage Auction, a une proportion de 3% d’œuvres d’art dans son chiffre d’affaires ! Concernant les agrégateurs de ventes aux enchères tels qu’Interenchères et les plateformes dédiées à la vente telles que Catawiki, 25% de leurs ventes sont des bijoux et montres tandis que les œuvres d’art n’atteignent pas les 20%. 

graphique répartition ventes

Le boom de la vente en ligne en 2020 dans les grandes maisons de vente aux enchères

En 2019, le chiffre d’affaires en ligne de Christie’s, Sotheby’s et Heritage atteint le milliard de dollars. Cela représente une augmentation de 58% des ventes depuis 2015 (où le montant était de 636 millions de dollars). Mais les situations de ces trois maisons de vente diffèrent considérablement et méritent d’être analyser.

Sotheby’s

Une restructuration conséquente a lieu chez Sotheby’s depuis 2019. En effet, si les ventes aux enchères en direct resteront son activité principale, la maison de vente datant de 1744 songe à développer de nouveaux canaux de vente : les places de marché, le e-commerce et même la vente au détail sont envisagés. L’effet de cette nouvelle stratégie s’est rapidement fait ressentir : Sotheby’s est passée de 17 ventes en ligne en 2016 pour un chiffre d’affaires de 6,5 millions $ à 129 ventes en ligne en 2019 pour un chiffre d’affaires de 80 millions $. Avec le Covid-19, ce chiffre a explosé, le second trimestre 2020 voyant ses résultats multipliés par 8 ! Ses ventes en ligne concernent l’ensemble des catégories d’œuvres d’art et d’objets de luxe. Surtout, Sotheby’s innove sur leurs formats, à l’instar des ventes hebdomadaires de montres en ligne où une nouvelle sélection d’objets est mise en vente chaque semaine. 

ventes sotheby's

Christie’s

En 2011, Christie’s a été l’une des premières maisons de vente à proposer des ventes en ligne. De sorte qu’entre 2016 et 2019, elle a proposé plus de 85 ventes en ligne chaque année. En 2020, pour faire face au Covid, la maison anglaise a annoncé un plan d’extension de ses activités en ligne. Elle a notamment proposé une grande innovation lors du mois de juillet : la vente aux enchères ONE, A Global Sale of the 20th Century. C’était la première vente mondiale en direct. Elle s’est étendue sur 4 heures et 4 places globales du marché de l’art – Hong-Kong, Paris, Londres et New-York – atteignant les 420 millions d’euros.

ventes Christie's

Heritage Auctions

En termes de ventes en ligne, Heritage Auctions est l’entreprise leader de la vente d’art et d’objets de collection au monde. Son chiffre d’affaires en 2019 était ainsi de 484 millions $ en 2019. Cette domination est dûe à son statut de pionnière : elle a pénétré le marché des ventes en lignes dès 1999. C’est ainsi que les ventes en ligne ont représenté 58% du total des ventes d’Heritage en 2019, contre 4.4% pour Sotheby’s. 

ventes Heritage Auction

La réaction au Covid chez les autres acteurs du marché de l’art : musées, galeries, foires d’art, artistes

L’explosion de la digitalisation du marché de l’art en 2020 ne s’arrête pas aux maisons de vente. L’ensemble des acteurs du marché ont été durement touchés par la crise sanitaire et économique, et ont dû prendre des mesures pour restructurer leur offre. Cela concerne aussi bien les musées que les galeries, les foires d’art et les artistes eux-mêmes. 

Musées

La digitalisation du marché de l’art a été véritablement entamée par les grands musées en 2016. Cela coïncide notamment avec le développement de Google Arts and Culture (Google Arts & Culture), qui a collaboré avec plus de 500 musées dans le monde pour offrir des visites virtuelles en ligne. Aujourd’hui, le nombre de musées qui postent des archives numériques et des vidéos sur Youtube ne cesse d’augmenter. Le Louvre ne compte pas moins de 4,6 millions d’abonnés sur Instagram, en faisant le musée d’art ancien le plus suivi au monde. C’est le MoMA qui domine le classement général avec 5,4 millions d’abonnés. On peut également citer le réseau social Twitter sur lequel la communauté des musées fait de nombreux posts, en témoigne le succès du hashtag #museumfromhome.

Google Art
L’accès à plus de 2000 musées directement via Google

Galeries

Quelques années après les maisons de ventes aux enchères, les galeries d’art ont commencé à mettre en place une stratégie de digitalisation dès 2017, et la situation sanitaire va probablement asseoir durablement ce développement des ventes en ligne. La galerie David Zwirner puis la galerie Gagosian sont les premières à avoir mis en place des salles d’expositions en ligne en 2018. Depuis, le marché de l’art en ligne est arrivé très rapidement sur le devant de la scène avec un nombre conséquent d’œuvres qui se vendent au-delà du million de dollars. Les utilisateurs sont très optimistes pour le futur : selon eux, ces salles en ligne s’amélioreront encore dans les années à venir en facilitant l’expérience utilisateur, en rajoutant du contenu (expertise en ligne, etc…) ou en innovant sur le format des ventes (des sessions en temps limité, etc…). La grande question qui persiste consiste à prévoir l’impact de ces technologies sur les petites galeries. Celles-ci ont-elles les ressources nécessaires pour accrocher les wagons de la digitalisation ? Nous pouvons déjà y répondre positivement : de nombreuses solutions permettant de créer des expositions en ligne simplement et pour un prix raisonnable sont en train d’apparaître. On peut notamment citer le service lancé par la société Artlogic pour 120 dollars par mois. 

Foires d’art

Dès le mois de mars, la situation sanitaire a empêché la tenue de foires d’art du monde entier. En réaction aux confinements puis plus largement au monde de la distanciation sociale, beaucoup de foires ont trouvé des alternatives en ligne. Art Basel Hong Kong fut l’une des toutes premières à réagir en proposant des salles d’expositions en ligne pour chacune des galeries dont les travaux devaient être exposés. En une semaine, 275 000 visiteurs ont été recensés sur le site. 3 mois plus tard, un substitut digital à la foire de Bâle a donné lieu à des ventes dépassant les plusieurs millions de dollars. Le plafond de la vente d’art en ligne qui inquiétait les acteurs du marché il y a quelques années est en train de disparaître avec le Covid-19. De là à faire des foires virtuelles la nouvelle norme ? Il n’y a qu’un pas, et il est en train d’être franchi. 

Artistes

Lorsque l’on en vient à parler des artistes pendant l’épidémie, il est impossible de ne pas évoquer les réseaux sociaux. Ceux-ci sont devenus les alternatives phares aux expositions physiques, que ce soit Twitter, Instagram ou Facebook. Par exemple, en mars, l’artiste Matthew Burrows a créé le hashtag #artistsupportpledge sous lequel les artistes publiaient des photos de leurs œuvres se vendant à moins de 200 £ afin de développer un marché virtuel entre artistes et aficionados. Cela a généré environ 15 millions £ de ventes, notamment car les réseaux sociaux permettent une ouverture à davantage de personnes que les canaux d’achats traditionnels. Enfin, les artistes se tournent également vers les plateformes de financement participatif en ligne comme Patreon, qui fonctionne sur la logique des « mécènes ». Ce mode de fonctionnement fait voler en éclat l’entre-soi traditionnel du marché de l’art où seule une poignée de collectionneurs participe. Les prochaines années seront déterminantes : ces nouveaux modèles d’ouverture du marché sont-ils destinés à durer ? Ou sont-ils de simples alternatives bientôt révolues ? 

Matthew Burrows
L’artiste britannique Matthew Burrows

Sources

Le marché de Global Online Art Market – Statista

Marché de l’art en ligne 2020 – Hiscox

Art & Finance Report 2019 – Deloitte ArtTactic