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Les paysagistes français du XVIIIe siècle : entre fêtes galantes et néoclassicisme
La peinture française évolua durant tout le XVIIIe siècle, en passant d’un style rococo à un style néoclassique.
La peinture de paysage — genre peu admiré jusqu’alors — ne connut pas les évolutions majeures des XVIe et XVIIe siècles précédents. Toutefois, selon les modes deux grands types de paysages peuvent être distingués : les fêtes galantes d’Antoine Watteau (1684-1721) et les paysages arcadiens des artistes ayant résidé à Rome.
Antoine Watteau et les fêtes galantes
Ce peintre d’origine flamande opéra une synthèse entre scènes de genre et paysages d’inspiration flamande et hollandaise grâce à ses fêtes galantes.
Une formation artistique en marge de l’enseignement académique
Jean-Antoine Watteau vit le jour en 1684 à Valenciennes, ville flamande jusqu’en 1678. Il débuta son apprentissage de la peinture à l’âge de dix ans auprès du peintre valenciennois Jean-Albert Gérin (1632-1702).
À la mort de ce dernier en 1702, Watteau s’installa à Paris et poursuivit ses études aux côtés du graveur et décorateur de théâtre Claude Gillot (1673-1722) qui lui transmit son goût des personnages de théâtre et des fêtes galantes.
Par la suite, vers 1707-1708, il rejoignit l’atelier du graveur Claude III Audran (1658-1734). Watteau découvrit alors le peintre flamand Pierre-Paul Rubens (1577-1640) et fit des copies de ses œuvres.
En quête d’une reconnaissance institutionnelle, Watteau fut reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1712.
L’initiateur d’un genre nouveau
Antoine Watteau présenta Embarquement pour l’Ile de Cythère à l’Académie en 1717. Cette composition marqua l’avènement d’un genre nouveau : la fête galante. Des amants sont représentés dans un paysage enchanté, attendant de monter dans une gondole dorée partant pour l’île. Les tons sont chauds, la lumière diffuse, les personnages heureux et les vêtements précieux. Antoine Watteau puisa dans l’enseignement de Claude Gillot toute l’inspiration nécessaire à la réalisation de ses compositions. La commedia dell’arte et ses personnages en sont les principaux représentants. Ses compositions idylliques illustrent une vie de songe consacrée à de douces conversations dans des parcs, de belles femmes et des amants charmants. L’atmosphère est douce et mélancolique, la lumière fait chatoyer les étoffes des costumes.
Watteau s’éteignit en 1721 à l’âge de trente-sept ans seulement. Toutefois, son œuvre — dont l’essentiel fut accompli en une dizaine d’années — bouleversa le cours de la peinture du XVIIIe siècle tant en France qu’en Angleterre. Le thème de la fête galante devint l’emblème du goût français en Europe et fut réinvesti par les romantiques au XIXe siècle à travers la réalisation de fêtes désenchantées.
Nicolas Lancret (1690-1743) et Jean-Baptiste Pater (1695-1736) reprirent à leur compte la fête galante et enrichirent ainsi l’œuvre du maître tout en réussissant à dégager un style propre.
Les paysages arcadiens néoclassiques
De nombreux paysagistes français ont résidé en Italie et notamment à Rome. L’influence de ce séjour est perceptible dans l’œuvre de chacun.
Joseph Vernet et ses tempêtes
Claude Joseph Vernet (1714-1789) partit étudier le travail de ses prédécesseurs à Rome en 1734. Il s’empeigna notamment de l’œuvre de Claude Lorrain (1600-1682) et de ses marines.
Vernet réalisa pour le roi Louis XV une série de quinze tableaux des ports de France entre 1753 et 1765. Cette série représente les ports de Marseille, Bandol, Toulon, Antibes, Sète, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Rochefort et Dieppe. Véritables témoignages de la vie des ports de l’époque, les compositions illustrent les activités spécifiques de chaque région au premier plan.
L’artiste travailla les effets de lumière au coucher et au lever du soleil. Une grande place est accordée au ciel dans ses compositions. Dans l’immensité du paysage, des personnages et scènes de la vie quotidienne sont représentés. Certains de ses tableaux illustrent également des tempêtes et naufrages.
Joseph Vernet fut reconnu de son vivant comme l’un des plus grands peintres de marines.
Pierre-Henri de Valenciennes et ses paysages historiques
Pierre-Henri de Valenciennes se rendit en Italie pour la première fois en 1769 et vécue à Rome de 1777 à 1781.
À la fois peintre et théoricien, il étudia la perspective et notamment la peinture en plein air. Sous l’impulsion de Valenciennes de nombreux peintres se mirent à réaliser leurs compositions sur le vif. Afin de réussir un paysage, ce dernier prônait une réalisation en plein air dans un laps de temps réduit afin de bénéficier de la même lumière tout au long de l’exécution.
Dans son atelier Valenciennes forma la nouvelle génération de paysagistes : Jean-Victor Bertin (1767-1842) et Achille Etna Michallon (1796-1822), eux-mêmes futurs maîtres de Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875).
Véritable référence de la peinture de paysage, Valenciennes fut également le fondateur en 1816 de la section peinture de paysage historique du Prix de Rome. Ce genre mêlant peinture sur le motif et composition historique fit de Valenciennes un précurseur du paysage moderne.
Hubert Robert et ses caprices
Arrivé à Rome en 1754, Hubert Robert (1733-1808) y resta onze ans. Il se forma à l’Académie de France au palais Mancini alors dirigé par Charles Joseph Natoire (1700-1777). Il rencontra des artistes ayant acquis une formation solide tels le peintre Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) et le sculpteur Augustin Pajou (1730-1809).
Réalisant de nombreuses copies d’après l’antique, les premiers travaux de Robert sont marqués par l’influence de Giovanni Paolo Pannini (1691-1765). L’architecte et graveur Giovanni Battista Piranesi (1720-1778) eut une incidence certaine sur l’œuvre de Robert eu égard sa parfaite maîtrise de la perspective.
Robert fut officiellement reçu pensionnaire de l’Académie de France à Rome en 1759. Enfin, il rapporta de nombreux dessins de sa visite à Pompéi en 1760, constituant ainsi un répertoire pour ses paysages de ruines.
De retour à Paris en 1765 le succès fut immédiat. En effet, Robert fut agréé et reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture dès l’année suivante grâce à son tableau Vue du port de Ripetta à Rome (1766) qui fit l’unanimité. Il obtint en 1778, à la suite du décès du sculpteur Jean-Baptiste Lemoyne (1704-1778), un logement au Louvre.
Hubert Robert renouvela l’art du paysage français du XVIIIe siècle. Ses dessins d’Italie lui permirent d’élaborer des compositions mêlant ruines et personnages. Il fut dès lors surnommé « Robert des ruines ». Contrairement à Giovanni Paolo Pannini qui représentaient des scènes bibliques sur fond de ruines, Hubert Robert plaça dans ses tableaux des promeneurs et des lavandières. La lumière douce qui enveloppe les compositions de Robert est un héritage de Claude Gellée dit le Lorrain.
Robert réalisa également plusieurs tableaux de la grande galerie du Louvre, dont Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines (1796), lointaine étude préparatoire à la conception architecturale de la grande galerie. En effet, Louis XVI désirait réaliser des travaux afin de rendre les collections royales plus accessibles au public. Hubert Robert ne cessa de peindre jusqu’à sa mort survenue en 1808.