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Qu’est-ce que l’art brut ?
L’art brut, terme inventé et théorisé par Jean Dubuffet, prend sa source dans « l’art des fous » avec lequel il est souvent confondu. L’art des fous, c’est-à-dire les productions d’artistes marginaux rejetés par le corps social et souvent aliénés, commence à être étudié à la fin du XIXe siècle non pas pour ses valeurs artistiques, mais d’un point de vue social et médical pour sa propension à représenter l’imaginaire hors des cadres de pensée généralement admis.
Peu à peu, il gagne en reconnaissance, grâce au corps médical et aux artistes d’avant-gardes qui l’étudient, le théorise et l’expose. L’art du fou, rejeté et ignoré, gagne alors sa place sur les cimaises des musées. Et pourtant, l’artiste brut, parfaitement étranger aux règles qui régissent le marché de l’art, ne recherche ni gloire ni fortune.
Définition de l’art brut
L’appellation « art des fous » est totalement rejetée par Dubuffet qui considère qu’il n’y a pas plus d’art des fous que « d’art des malades du genou ». Celui-ci établissant que la fonction de l’art étant partout la même, certaines formes de création ne doivent pas être seulement imputées à des problèmes psychopathologiques. Il lui préfère donc la dénomination d’« art brut » qu’il formule pour la première fois en 1945. Selon lui, l’art brut recouvre « des productions de toute espèce — dessins, peintures, broderies, figures modelées ou sculptées — présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l’art coutumier ou des poncifs culturels, et ayant pour auteurs des personnes obscures, étrangères aux milieux artistiques professionnels », Notice sur la compagnie de l’art brut, 1963.
Les artistes bruts se situent dans la même position de marginalité que les fous, comme le précise par Michel Thévoz dans son ouvrage de référence, Art brut, psychose et médiumnité en 1990 :
L’art brut se place donc en opposition avec l’art culturel : le mimétisme de la nature et des grands maîtres n’y a pas sa place. Il n’y a donc pas de style, de techniques ou encore de théories communes aux artistes bruts.
Dubuffet et l’art brut
La compagnie de l’art brut
En 1947-48, la galerie Drouin offre ses espaces d’exposition à Jean Dubuffet qui y installe un « foyer de l’art brut », réunissant les œuvres d’Adolf Wölfli, Aloïse Corbaz, Joseph Crépin et autres. Parallèlement, Dubuffet se met en relation avec le cercle médical suisse et visite un grand nombre d’hôpitaux psychiatriques suisses et français, comme l’hôpital de Saint-Alban où réside Paul Eduard ou celui de Rodez, où s’est réfugié Antonin Artaud. Ces visites de prospection lui permettent de rencontrer nombre d’artistes qu’il exposera par la suite, comme Aloïse Corbaz, mais aussi de se rapprocher de psychiatres aux rôles déterminants dans les processus de mise en valeur et d’évolution de l’art brut, tel Marcel Réja, alias Paul Meunier.
En 1948, Jean Dubuffet crée la Compagnie de l’Art Brut, dans laquelle il est assisté d’André Breton, de l’écrivain et éditeur Jean Paulhan, des collectionneurs et marchands d’art Charles Ratton et Henri-Pierre Roché et du critique d’art Michel Tapié. Cette compagnie se consacre principalement à l’organisation d’expositions dans un local rue de l’Université et à l’édition de fascicules. Elle sera dissoute trois ans après sa fondation.
Le musée d’art brut de Lausanne
Les collections de la compagnie de l’art brut regroupent près de 1200 œuvres d’une centaine d’artistes. Elles sont oubliées pendant presque onze ans avant de réapparaitre lors de deux expositions d’importance, en 1962 dans un hôtel particulier rue de Sèvres et en 1967 au musée des arts décoratifs de Paris. L’exposition des Arts Décoratifs connait un succès retentissant sur lequel Dubuffet souhaite s’appuyer pour la création d’une fondation dédiée à l’art brut. Face à la lenteur des administrations françaises, Dubuffet se tourne vers la Suisse, un choix déterminé par la nationalité de deux des plus grands représentants de l’art brut, Aloïse et Wölfli. La toute nouvelle fondation s’établit donc au château de Beaulieu, à Lausanne, où elle est inaugurée en 1976. Michel Thévoz, conservateur depuis les débuts, en assure désormais seul la direction depuis la mort de Jean Dubuffet en 1985. La collection d’art brut du musée de Lausanne regroupe aujourd’hui les ouvres de plus de 400 artistes.
De l’art brut à l’art singulier
En 1972, Alain Bourbonnais, un architecte collectionneur, rencontre Jean Dubuffet. La confrontation de leurs idées théoriques donne naissance à deux nouvelles acceptations de l’art marginal qualifié d’« art hors -les -normes » et « d’art singulier ». Huit ans plus tard, Bourbonnais et Michel Thévoz produisent une grande exposition au musée d’Art Moderne de Paris intitulée Les singuliers de l’art , qui contribue largement à faire connaitre au grand public les subtilités de cette production. L’art singulier, parfois qualifié de post-art brut, d’art cru ou de création franche, regroupe des artistes autodidactes très marqués par leur vécu émotionnel qu’ils transcrivent dans des créations d’une grande spontanéité.
Gaston Chaissac par exemple, souvent qualifié d’artiste singulier, revendique un nouveau langage témoignant, tout comme les artistes de l’art brut, de l’existence d’un large panel de sensibilités artistiques libérées des carcans officiels de l’art. Ces œuvres n’échappent pas en revanche à la marchandisation et à l’inflation de l’art en témoignent l’envolée des enchères comme pour cette Composition à deux personnages, adjugée 27 850 euros chez Christie’s Paris en 2007.
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