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Qu’est-ce que l’hyperréalisme en art ?

L’hyperréalisme est un mouvement artistique né aux États-Unis, principalement pictural, bien qu’il ait aussi des applications en sculpture. Il est parfois considéré comme une branche du photoréalisme puisqu’il consiste en la création d’une œuvre au réalisme illusionniste.

Le terme français est popularisé dès 1973 par le galeriste belge Isy Brachot, qui l’emploie comme titre d’exposition dans sa galerie bruxelloise qui expose alors des photoréalistes américains. Dès lors, le terme est repris et diffusé pour qualifier des artistes s’appuyant sur les principes esthétiques du photoréalisme. Est-ce là tout ? Une simple imitation de l’imitation de la nature ? En décrivant, brute et sans filtre, la société de notre temps, les hyperréalistes se constituent en miroir de la vie quotidienne et en dévoilent les défauts cachés.

Naissance et source du mouvement

Le mouvement hyperréaliste dérive d’une longue tradition picturale américaine, notamment celle du précisionnisme caractérisé par les tableaux d’Edward Hooper dans leurs couleurs lisses et crues, le sens exacerbé des détails et la froide distance prise avec le sujet. Le mouvement hyperréaliste se situe aussi à la croisée de deux autres influences, le Pop Art qui le marque dans sa critique de la société de consommation américaine, et l’expressionnisme abstrait contre lequel le mouvement se dresse en faisant resurgir la figuration.

 N. Rockwell
N. Rockwell, A problem we all live with, 1964, Norman Rockwell Museum.

L’un des grands précurseurs du courant hyperréaliste est Norman Rockwell, un peintre et illustrateur américain dont le processus créatif est bien connu grâce à deux livres autobiographiques. Il y explique son travail d’après des photographies dont il tire des toiles qui feront son succès, comme A problem we all live with, une œuvre réalisée en 1964 et qui représente une petite fille escortée par des agents fédéraux sur le chemin de l’école.

Cette illustration fait écho à un évènement réel : l’entrée dans une école blanche de la nouvelle Orléans de Ruby Bridge, une petite fille noire américaine qui fut violemment attaquée, insultée et lapidée par les citoyens blancs de la ville. Norman Rockwell travaille ici d’après les photographies des journaux relayant l’évènement. En plaçant le spectateur à la place de la foule déchainée, face à la représentation réaliste de l’évènement, Norman Rockwell interroge nos propres comportements, en faisant basculer un événement historique dans la réalité immédiate.

Techniques

Les techniques picturales

On ne peut pas tricher, on est obligés d’y passer trois mois à raison de quinze heures par jour

Jean-Olivier Hucleux

La production hyperréaliste est une véritable mise à l’épreuve au service de la beauté du geste pictural, puisque les photographies sur lesquelles s’appuient les artistes sont généralement disponibles au public. L’utilisation de la photographie diffère légèrement selon les artistes, certains prennent leurs propres photographies, comme Chuck Close ou Richard Estes, d’autres les choisissent dans les journaux en noir et blanc ou les magazines en couleur.

 Chuck Close
Chuck Close réalisant Fanny/Fingerprint, 1985. Crédits photos Pace Gallery

Nombreux parmi eux transposent l’image sur la toile par épiscope, dessinant le contour des objets ou directement l’image projetée à l’aide d’outils divers : pinceau, aérographe, brosse, etc. Certains artistes poussent l’imitation photographique à l’extrême, comme Chuck Close, qui superpose à partir des années 70 des couches de bleu cyan, de rouge et jaune dans des densités variables. Il ne cessera d’imiter et recréer les procédés techniques de la photographie, en usant d’empreintes de pouces, de pastilles, de faux pixels… Ces artistes se saisissent de ces techniques pour transcrire l’aspect photographique dans ses moindres détails, rendant les effets du changement de focale, des reflets, des zones de flou, etc.

Les techniques sculpturales

Les sculptures hyperréalistes se font plus rares que les peintures et sont d’autant plus déstabilisantes et fascinantes pour le spectateur. Les techniques de création varient selon les artistes, Duane Hanson par exemple travaille par moulage sur modèle vivant et réalise ses sculptures en fibre de verre et résine.

Marc Sijean
Marc Sijean, Embrace, 2015. Credits photos : Artsper Magazine.

Ron Mueck, formé à l’art par sa belle-mère Paula Rego, refuse le moulage sur nature puisqu’il réalise des sculptures à différentes échelles, monumentales ou minuscules, également faites de fibres de verre, de silicone et de résine. D’autres, comme Patricia Piccinini accentue la véracité de leurs œuvres grâce à des matériaux organiques, poils humains ou animaux, cheveux, ongles, etc. Le rendu illusionniste des chairs et des couleurs est le but recherché. Marc Sijan, qui moule d’après nature, applique ainsi plus de vingt-cinq couches successives de peinture et de vernis pour atteindre la profondeur et la translucidité recherchée, au plus proche d’une peau humaine.

Les grands thèmes de l’art hyperréaliste

Le portrait

Le portrait est l’un des thèmes privilégiés de l’art hyperréaliste, particulièrement exploité par Chuck Close, qui s’y consacre exclusivement depuis les années 1960, optant toujours pour un cadrage serré au niveau du visage, se portraiturant lui-même ou ses amis. Ses œuvres, souvent monumentales, présentaient au début un aspect hiératique ensuite compensé par la diversification des techniques et matériaux employés qui lui valent les catégorisations d’artiste minimaliste, hyperréaliste ou expressionniste. Comme lui, de nombreux artistes hyperréalistes portraiturent de manière froide et distancée leurs modèles, mettant en lumière la vacuité et la solitude de l’existence humaine.

La critique de la société

La représentation mimétique des aspects de la société occidentale, et notamment américaine, permet la mise en lumière évidente de ses défauts et de son absurdité. C’est là l’essence des sculptures hyperréalistes de Duane Hanson, qui transpose dans l’écrin aseptisé du musée des scènes de la vie quotidienne, représentant tantôt une critique de la société de consommation avec la célèbre Supermarket Lady, au caddie plein et au regard vide, tantôt les laissés-pour-compte du rêve américain qui semblent, dans Bowery Bums, avoir été transposés de la rue au musée.

Duane Hanson
Duane Hanson, Bowery Bums, 1969-70.

L’acte sexuel

L’acte sexuel, dans son aspect le plus cru, a été l’un des sujets les plus traités de l’art hyperréaliste. La morale occidentale a néanmoins longtemps empêché la diffusion de ses œuvres, comme dans le cas des peintures hyperréalistes pornographiques de Betty Thompkins, Fuck Paintings, refusées à la douane française en 1973. Il faudra attendre 2003 pour que ses toiles soient enfin exposées à Paris, soit treize ans après que l’américain Jeff Koons ait exposée la série Made in Heaven, à la Biennale de Venise. Ces scènes de copulation avec la Cicciolina avaient alors reçu une consécration officielle, témoignant de la rigueur de la sentence moralisatrice appliquée aux artistes femmes.

Outre les sujets qu’ils abordent, les artistes hyperréalistes par leur promotion d’un art fondé sur l’imitation poussée à l’extrême de la réalité et ancré dans un très long processus créatif est un acte de rébellion en soi, à l’heure de la reproductibilité immédiate et à outrance des images photographiques.

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