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Qui sont les « peintres de la modernité » ?

Cette formule de peintre de la modernité est associée à l’ouvrage de Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, publié en 1861, où il y définit la modernité selon deux principes, “l’éternel et le transitoire”. Cette expression de la modernité se retrouve dans la fin du XIXe, depuis le Salon des refusés de 1863, et se poursuit dans les revendications artistiques des peintres jusqu’aux Surréalistes.

Le tournant vers la modernité

Le moment Impressionniste

La recherche de la modernité passe notamment par le refus de l’Académie, exprimé par plusieurs peintres et artistes depuis le XIXe siècle.

Edouard Manet, Le déjeuner sur l'herbe
Edouard Manet, Le déjeuner sur l’herbe, 1863, Musée d’Orsay, Paris

La consécration de ce refus est éclatante lors du Salon des refusés de 1863, où Manet présente son Déjeuner sur l’herbe. Le refus de ce tableau dans le Salon officiel va cristalliser l’opposition entre les peintres du neuf et les suiveurs de l’académisme, avec autour de Manet la constitution du cercle des « Impressionnistes », ainsi nommés par la critique.

On y retrouve Paul Cézanne, Claude Monet, Auguste Renoir, mais aussi des écrivains comme Emile Zola, engagé dans la critique littéraire. De ces artistes se dégage une nouvelle esthétique, qui refuse la mimésis de la nature et lui préfère l’expression du sentiment intérieur, de l’impression rendue par une scène sur l’observateur ou l’artiste. Cela se retrouve dans les tableaux de nombreux artistes, dont ceux de Monet.

Le cas Gauguin et ses suiveurs

Par la suite, de nombreux courants se forment autour de figures singulières. C’est le cas de Gauguin, dont l’œuvre picturale est résolument non-mimétique et cherche justement une innovation picturale. Autour de lui, notamment à Pont-Aven, va se développer un courant dont on peut identifier le chef de file dans la figure de Paul Sérusier.

Paul Sérusier, Le Talisman
Paul Sérusier, Le Talisman, 1888, Musée d’Orsay, Paris

Il s’agit du groupe des Nabis, qui emploient notamment une peinture non-mimétique, définie par des aplats de couleurs et une simplification des formes. Cette déformation de la réalité permet d’en appeler aux sensations visuelles, en rejetant toute idée de réalisme pour se concentrer sur l’expression du sentiment intérieur propre de l’artiste. 

Les Néo-impressionnistes

Enfin, au tournant du XXe siècle, se réunit un groupe cherchant à renouveler la peinture impressionniste qui est alors dominante : ce sont les Néo-impressionnistes. Représentés par Georges Seurat, ils composent notamment avec une nouvelle conception picturale influencée par les théories de la couleur du chimiste Michel-Eugène Chevreul.

Paul Signac, Golfe Juan
Paul Signac, Golfe Juan, 1896, Worcester Art Museum, Massachussetts

Ces lois chimiques font qu’ils vont s’efforcer de composer en juxtaposant les couleurs, pour donner un effet d’optique où l’œil du spectateur assemble ces coloris pour donner une uniformité. Parmi eux figurent des artistes comme Signac, dont la pratique picturale repose également sur les contrastes colorés.

L’obsession géométrique, de Cézanne aux Cubistes

La leçon de Cézanne

La peinture de la modernité est aussi celle de la recherche des formes, d’une expression géométrique de la nature. Cette recherche et décomposition des formes naturelles est perceptible dès les productions de natures mortes de Cézanne dans la fin du XIXe siècle, mais devient encore plus perceptible dans les derniers tableaux de l’artiste.

Paul Cézanne, Les Grandes Baigneuses
Paul Cézanne, Les Grandes Baigneuses, 1906, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie

La géométrisation des corps et des formes est en effet explicite dans l’œuvre Les Grandes Baigneuses, datée de 1905. Cette dernière œuvre de Cézanne montre l’aboutissement d’une lente géométrisation des corps, adaptée à des triangles composés par les arbres et la rivière. Dans ces lettres, l’artiste évoque lui-même avoir voulu traiter “la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective ».

Le duo Picasso et Braque, l’élément moteur du cubisme

C’est dans cette fascination que Picasso et Braque vont, dès 1907-1908, constituer une réflexion inspirée de Cézanne et de sa recherche des formes. Par la suite, les deux artistes vont de 1908 à 1914 chercher une géométrisation toujours plus grande, qui donne le premier cubisme, divisé en trois phases : le cubisme cézannien (1908-1910), cubisme analytique (1910-1912), cubisme synthétique (1912-1914).

Pablo Picasso, Portrait d'Ambroise Vollard
Pablo Picasso, Portrait d’Ambroise Vollard, 1910, Musée Pouchkine, Moscou

Ce moment du cubisme voit les plus grandes recherches et avancées dans la recomposition du monde par les formes. Des œuvres comme Fernande sont datées de cette période et illustrent ce nouveau rapport au monde.

Marcel Duchamp, Nu descendant un escalier n°2
Marcel Duchamp, Nu descendant un escalier n°2, 1912, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie

On date de ces périodes les plus influentes représentations de ces artistes. Ces recherches vont aussi influencer des suiveurs dès les années 1912, lors du Salon de la Section d’Or ou encore dans les productions des avant-garde, qui compte Fernand Léger, Albert Gleizes ou encore les frères Duchamp.

L’élan vers l’abstraction

Les avant-garde

Il demeure difficile de dater les premières pièces véritablement abstraites. Car si cette ouverture vers l’abstraction est initiée par Picasso et Braque, elle prend multiples formes.

Que ce soit par la place de la couleur chez les Delaunay, dans les compositions linéaires et géométriques de Piet Mondrian ou encore dans l’effacement de la forme chez Malevitch, on voit au cours XXe siècle un art qui rejette la fonction représentative de la peinture.

Piet Mondrian, Composition II en rouge, bleu et jaune,
Piet Mondrian, Composition II en rouge, bleu et jaune, 1930, Kunsthaus Zürich, Zürich

Les artistes se concentrent sur sa matérialité propre, sur la couleur ou sur la surface qu’elle occupe, la toile. Ce sont eux qui proclament dans leurs œuvres une liberté de la peinture, qui ne doit pas simplement illustrer le réel, mais au contraire séduire par ses caractéristiques propres.

Dada et les Surréalistes

Dans ce jeu de renversement des normes, il faut aussi noter les mouvements Dada et Surréalistes, qui s’affranchissent des représentations traditionnelles. Jeu de cadavres exquis, collages, écriture automatique, grattage, toutes les techniques sont bonnes pour effacer le sens de l’art.

On cherche ici non pas à comprendre la représentation mais à expérimenter ce qu’elle offre de surprenant, ce qu’elle nous apprend de l’état inconscient de l’homme ou du langage. C’est ce que cherchent les artistes comme Tristan Tzara, Miro, Man Ray, Sophie Taeuber-Arp et son époux Jean Arp ou encore Max Ernst.

Max Ernst, La grande forêt
Max Ernst, La grande forêt, 1927, Kunstmuseum, Basel

Ces artistes, dont certains seront considérés comme des artistes « dégénérés » au moment du IIIe Reich, montrent un art qui s’illustre par sa diversité, son appel au regard du spectateur pour comprendre l’œuvre. C’est peut-être là que réside l’objectif de ces artistes, faire du sens là où la nature n’en a pas créé, ou donner à voir ce que l’homme ne peut percevoir dans le monde naturel.