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Quels sont les grands styles de mobilier du XVIIIe siècle ?

Le mobilier est au XVIIIe un sujet de prédilection de l’aristocratie et de la bourgeoisie montante sous les règnes de Louis XV et Louis XVI. Exemple parfait des plaisirs et des affects de l’aristocratie au XVIIIe siècle, le mobilier se métamorphose tout au long du siècle des Lumières. Dans ce domaine, la France fait figure d’exemple dans les cours européennes et le style né en France s’exporte dans les autres pays, qui adaptent les nouvelles formes et mouvances de l’art quotidien dont s’entourent les élites.

La nature invitée dans les intérieurs

Tout au long du XVIIIe, la vision de l’homme sur la nature se modifie, et elle tend à envahir l’espace de vie, que ce soit dans les tableaux ou bien dans les intérieurs bourgeois. Cette ouverture à la nature débute lors de la régence du duc d’Orléans, à la suite de la mort de Louis XIV en 1715.

Durant ces années et les débuts du règne de Louis XV, va germer un nouveau style, le rocaille. Il puise dans un répertoire décoratif naturaliste, comprenant des coquilles, éléments aquatiques et rinceaux végétaux. Ce style va s’imposer durant la première moitié du règne de Louis XV, jusqu’à parfois prendre le nom de style Louis XV. C’est ce qu’ailleurs en Europe va porter le nom de rococo.

Bénitiers rocaille
Jean-Baptiste Pigalle, Bénitier

Ce style se subdivise en trois périodes, que sont le rocaille pittoresque, le rocaille symétrisé, et le rocaille symétrisé classicisant. La caractéristique de ce mobilier est sa sinuosité, qui contraste fortement avec le grand style qui caractérisait le règne de Louis XIV.

Le mobilier de la conversation

Initialement dévolu aux arts graphiques, ce style iconographique est inspiré des éléments naturalistes et végétaux qui envahissent le mobilier. Pour regarder un fauteuil de ce style, on peut noter la présence majoritaire de la ligne courbe et des contre-courbes qui donne un aspect moins rigide au mobilier.

Nicolas Quinibert Foliot, Fauteuil
Nicolas Quinibet Foliot, Fauteuil pour la duchesse de Parme, 1749, Hermitage, Saint-Pétersbourg

Les ornements qu’on observe sur ce mobilier font montre de fantaisie et d’imagination, et dénotent du goût également du plaisir et du confort qui est propre au XVIIIe. Les sièges notamment se développent, avec de larges assises qui sont caractéristiques de l’art de la conversation en ce siècle où priment les salons privés, notamment à Paris. Ce style s’assagit progressivement, dans sa composition puis dans ses motifs à la moitié du XVIIIe siècle, face aux critiques des penseurs comme Diderot ou Jean-François Blondel.

La postérité outre-Manche

Ce style connaît une postérité dans le Regency style en Angleterre. Dans les années 1811-1820, les rachats de meubles français vendus par les révolutionnaires se trouvent dans les intérieurs anglais. Ils se parent de pièces rocailles, mais aussi de style plus sobres, et dont la Crimson Drawing Room est une représentation parfaite.

Crimson Drawing Room
Crimson Drawing Room

La fascination pour l’Orient

Un autre aspect du mobilier au XVIIIe siècle est la multiplicité des influences qui s’y retrouvent.

Les nouveaux modèles issus d’Orient

En effet, grâce aux grandes compagnies de commerce, l’Europe a accès à des productions venues de Chine, du Japon, d’Inde et de l’Empire ottoman. Les importations de motifs et d’œuvres entières se retrouvent sur les mobiliers des aristocrates et bourgeois du XVIIIe, qui chérissent ce qu’ils perçoivent comme de l’exotisme.

Badminton Bed, William and John Linnell
William and John Linnell, The Badminton Bed, Victoria & Albert Museum

Ce goût se révèle dans des productions, notamment anglaises, qui en réinterprétant les formes chinoises, donnent un mobilier fantaisiste à motifs non-européens. Des artistes tel William Chambers vont ainsi créer des recueils de motifs chinois à intégrer dans du mobilier. Ensuite, les artisans comme John & William Linnell réalisent ces modèles pour les intérieurs des aristocrates anglais.

Incorporer des matériaux dans le mobilier

L’autre manifestation de ce goût pour l’ailleurs est visible dans l’intégration des motifs orientaux dans les mobiliers européens.

C’est le cas du laque, issue d’une résine extraite d’un arbre qui en plusieurs couches forme cette matière appréciée des européens. Elle provient de Chine et du Japon, avec une qualité différente et une couleur spécifique : celui de Chine est de teintes rouges, noires et or, tandis que celui du Japon est essentiellement noir et or avec une composition picturale jouant sur les vides et le pleins. Ces laques sont importés sur des objets comme des paravent ou des coffres, puis dépecés et intégrés à des meubles européens sur des surfaces moindres.

Commode Bernard II van Risen Burgh
Bernard II Van Risen Burgh, Commode pour Mary Leczinska, musée du Louvre, Paris.

On le retrouve dans les meubles des cours royales notamment, avec des artistes comme Bernard II van Risen Burgh ou Jean-Henri Riesener qui réalisent des commandes pour Marie Leczinszka ou Marie-Antoinette.

La qualité de ces laques va être approchée par les frères Martin, qui mettent au point le vernis Martin en 1728 avec une européanisation du décors, sans approcher le luxe des laques asiatiques. L’appréciation de ces techniques rend donc le mobilier européen perméable aux influences extra-européennes, dans un désir de luxe et d’exotisme typique du XVIIIe siècle.

Le retour à l’antique : d’Herculanum à l’Empire

Dans la moitié du XVIIIe siècle, le mobilier européen suit une nouvelle inflexion, conforme aux recommandations des critiques et penseurs du siècle.

Les apports de l’archéologie

Avec la découvertes des ruines de Pompéi et d’Herculanum, les artistes et aristocrates vont être fascinés par les décors retrouvés dans ces ruines. Un nouveau style émerge ainsi en Angleterre, qu’on appelle le néo-étrusque. Ce style présente des imitations de rinceaux végétaux tels qu’on les trouve dans les peintures murales de grotesques des villes comme Pompéi, mais aussi par une volonté d’imiter le mobilier.

Robert Adam, Pièce Etrusque
Robert Adam, Osterley Park, Pièce étrusque, 1761

C’est ce que font Robert et James Adam dans la Pièce étrusque d’Osterley Park, où décors et mobilier semblent imiter les intérieurs des villas romaines. En France, en réaction au mobilier rocaille et enjoint par la critique va se développer d’abord un style imitant l’art grecque, notamment par des motifs comme les figures géométriques, les pattes de lions et les triglyphes. Des ébénistes comme Jean-François Oeben vont notamment mettre en œuvre des pièces pour la cour, qui témoignent de lignes verticales, avec un décor restreint et maîtrisé.

Joseph Baumhauer, Bureau
Joseph Baumhauer, Bureau en cartonnier pour Ange-Laurent de La Live de Jully, 1754, Chantilly, musée Condé. 

Le néo-classicisme

C’est ce style qui va évoluer vers la fin du siècle vers le néo-classicisme, avec un mobilier qui est devenu rigide, symétrique, et qui abandonne toute courbe et souplesse pour privilégier également un décor antiquisant. Ces pièces sont notamment celles du règne de Louis XVI, avec les artistes comme Riesener ou Jean-Baptiste Claude Sené. Leurs ouvrages sont poursuivis par Georges Jacob et son fils qui sont les précurseur du style Empire du début du XIXe.

Georges Jacob, Fauteuil
Georges Jacob, Fauteuil à la reine, 1781, château de Versailles

C’est par le retour à l’antique que renaît une forme plus stricte et géométrique dans le mobilier européen, inspiré par les fouilles archéologiques et sous l’impulsion des penseurs. On retrouve alors à la fin du siècle une rigueur dans les compositions et dans le langage décoratif. C’est ce qui devient par la suite le langage de l’Empire et qui s’exporte dans l’Europe lors des campagnes napoléoniennes.

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