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Quelles sont les règles pour les œuvres volées pendant la guerre ?
L’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg du Troisième Reich, ou ERR, était le principal organisme impliqué dans le pillage systématique des trésors culturels dans les pays occupés par les nazis. Hitler a ordonné que tout l’art pillé soit mis à sa disposition personnelle. Ces trésors pillés et cet or étaient cachés dans des châteaux comme le château de Neuschwanstein à Hohenschwangau, en Allemagne, et dans des mines de sel comme celles de l’Altaussee en Autriche et de Merkers en Allemagne.
En temps de guerre, le vol d’œuvres d’art est une question de domination et de destruction de l’identité. Près de 70 000 maisons de Juifs et de résistants français à la guerre ont été vidées pendant la Seconde Guerre mondiale – 38 000 à Paris.
Rapatriées après la guerre, environ 2 000 œuvres sont dispersées dans les musées français, non réclamées jusqu’à ce que les descendants des propriétaires puissent ressusciter l’histoire de leur famille et les documents nécessaires pour faire valoir leurs droits. Ce n’est pas un processus facile.
Le régime juridique des œuvres spoliées
D’une part, on parle de nullité des actes accomplis par les possesseurs successifs. En effet, deux ordonnances permettent au propriétaire de reprendre le bien exempt de toute charge dont les acquéreurs successifs l’auraient grevé, même après la fin de l’Occupation.
Par ailleurs, il existe une procédure et les délais de forclusion (perte de la faculté de faire valoir un droit en raison de l’expiration du délai imparti pour l’exercer). D’un point de vue procédural, l’ordonnance du 21 avril 1945 donne compétence aux juridictions civiles statuant en la forme des référés pour connaître des demandes de restitution. Si la demande n’est en principe plus recevable à l’expiration d’un délai de six mois après la cessation des hostilités, le juge peut en vertu de l’article 21 alinéa 2 de l’ordonnance relever de cette forclusion le propriétaire dépossédé qui démontre avoir été dans l’impossibilité d’agir dans ce délai, même en l’absence de force majeure.
Les mécanismes étatiques visant à la restitution et à l’indemnisation
Au-delà de la voie contentieuse permettant de demander en justice la restitution d’un tableau détenu par une personne privée, il existe également des mécanismes de restitution et d’indemnisation mis en place par l’État français, ainsi que des initiatives visant à identifier les ayants droit en l’absence de toute demande de restitution.
D’une part, sont mis en place des mécanismes de restitution et d’indemnisation. Lorsque les œuvres spoliées ont été répertoriées parmi les MNR (Musées Nationaux Récupération) par les musées nationaux français, il est possible d’adresser directement une demande de restitution au Service des musées de France de la Direction générale des patrimoines. Cette demande doit impérativement être accompagnée d’éléments de preuve visant à établir la propriété de l’œuvre ainsi que le lien généalogique avec le propriétaire spolié.
Les musées où des œuvres MNR sont conservées sont en principe tenus d’assurer l’accessibilité au public de l’œuvre, d’utiliser un préfixe spécifique dans le numéro d’inventaire et d’apposer une mention indiquant la provenance de l’œuvre, dans le but de faciliter les demandes de restitution. Il existe en outre des bases de données gouvernementales telles que la base Rose Valland, qui permet de déterminer la localisation des œuvres MNR.
Pour les œuvres d’art qui ne sont pas répertoriées comme MNR, il convient de s’adresser à la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), qui est compétente pour indemniser les victimes de spoliation à caractère antisémite.
Par ailleurs, des efforts complémentaires d’identification sont mis en place par le Ministère de la Culture. Ce processus est fondé sur un effort spontané d’identification des héritiers des œuvres MNR préalablement à l’existence d’une demande de restitution. Le ministère de la Culture a ainsi établi en 2015 un partenariat avec l’organisation professionnelle Généalogistes de France afin de retrouver les propriétaires des œuvres spoliées conservées dans les musées publics français.
La persistance d’une lenteur dans les restitutions
Obtenir la restitution d’une œuvre d’art spoliée demeure un processus long et complexe malgré l’existence d’un cadre légal et institutionnel spécifique, comme en témoigne le faible nombre de restitutions effectuées ces dernières années.
Il est nécessaire que le Ministère de la Culture renforce les mesures et le budget destinés à l’efficacité du processus d’identification des œuvres conservées dans les collections publiques, qui pourraient ainsi permettre l’accélération des restitutions aux héritiers légitimes.
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