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Comment identifier un albâtre ?
Histoire et propriétés de l’albâtre
Le mot « albâtre » vient du nom grec « Alabastros », qui a donné en latin « Alabaster ». Il est très utilisé dès l’Antiquité, en Orient et en Europe : il est notamment employé en Irak dès le IVe millénaire, à Sumer au IIIe millénaire, mais aussi en Égypte, en Grèce et en Italie (l’albâtre de Volterra témoigne, par exemple, d’une utilisation très ancienne de ce matériau par la civilisation des Étrusques). Néanmoins, le terme albâtre a été longtemps utilisé pour évoquer des sculptures caractérisées par un aspect laiteux et translucide sans prendre en compte la composition chimique de la pierre, la réalité de son utilisation est donc peut-être plus restreinte.
L’attrait des sculpteurs et de leur clientèle pour l’albâtre s’explique par les propriétés exceptionnelles de ce matériau ; son principal atout est sa ressemblance visuelle avec le marbre, pierre d’éternité, très recherchée et très coûteuse. Ainsi, si le polissage de la pierre a finement été exécuté, il est presque impossible de les distinguer à l’œil nu, seul un examen scientifique permet d’apporter une réponse définitive. Tout comme le marbre, il se prête très bien à la polychromie. Néanmoins, l’albâtre présente de nombreux avantages par rapport au marbre, il est en effet bien moins coûteux, et permet donc une plus grande production destinée à une large clientèle. De plus, il est bien plus tendre que le marbre et donc plus facile à sculpter.
Ces caractéristiques expliquent l’attrait de l’albâtre dont la production se développe en Europe dès la fin du Moyen-Âge ; les exemples les plus précoces se trouvent en Angleterre dès le début XIVe siècle. La France, l’Espagne et les villes du nord comme Malines produiront des œuvres en albâtre principalement au XVe siècle et au XVIe siècles, puis leur succès se tarira face aux nouveaux marbres modernes. Enfin, au XIXe siècle, la production d’albâtre connaît un renouveau, notamment dans les arts décoratifs (lampes et bibelots) qui exploitent la variété de ses teintes naturelles (blanchâtre, gris clair, ondé de rouge…).
Comment différencier un albâtre de Nottingham d’un albâtre de Malines ?
Deux types de productions en albâtre sculpté se retrouvent très fréquemment sur le marché de l’art : les sculptures en albâtres de Nottingham et les albâtres de Malines. Il est donc essentiel de bien savoir les distinguer.
Les albâtres de Nottingham sont sans nul doute ceux dont la production a été la plus prolifique. En effet, pendant plus de deux siècles, du XIVe au XVIe siècle, les ateliers anglais de Nottingham ont fourni des albâtres à toute l’Europe, notamment à la France. On peut les retrouver jusqu’en Islande et en Europe de l’Est. Les productions sculptées de Nottingham peuvent être divisées en deux groupes, le relief et la statue. Les deux sont ornés d’une grande polychromie et de dorures (dont on conserve souvent les traces) et caractérisés par un style refouillé et animé. Les reliefs sont marqués à partir du XVe siècle par une production presque sérielle de petites scènes religieuses qui peuvent être transportées facilement et assemblées pour en faire de grands retables. Puis, après la Réforme, les reliefs sont plutôt destinés à fournir des ensembles funéraires, à l’iconographie plus tournée vers la mythologie. La collection du Victoria and Albert Museum de Londres est riche de très nombreux exemplaires, qui en font une des plus grandes collections d’albâtre de Nottingham dans le monde.
La production des albâtres de Malines est quant à elle plus restreinte. La ville se spécialise dès le XVIe siècle dans de petites plaquettes représentant des sujets religieux ou mythologiques qui s’insèrent souvent dans un décor architectural sculpté ; elles sont encadrées et marquées d’un monogramme identifiant le sculpteur de la corporation. Au contraire de celui de Nottingham, l’albâtre de Malines est principalement réalisé à des fins de dévotion privée. Le musée d’Ecouen en conserve, en France, une des plus belles collections.
Le renouveau du goût et des études sur l’albâtre
Depuis quelques années, les grandes institutions de recherche en histoire de l’art se sont lancées dans de larges programmes d’étude sur l’albâtre et son emploi en France au Moyen Âge et à la Renaissance. En effet, si l’albâtre de Nottingham est relativement bien connu depuis le début du XXe siècle, l’albâtre français reste assez peu étudié. Pourtant, il est utilisé pour une production sculptée dès le XVe siècle, certainement sous l’influence des exportations anglaises. L’usage de l’albâtre en France est semblable à celui du marbre : il concerne les ensembles funéraires, les statuettes religieuses, plaquettes mais aussi les grands bas-reliefs et statues.
Parmi les exemples les plus fins, citons les pleurants du tombeau du duc de Berry. Deux d’entre eux ont été d’ailleurs été préemptés par le Louvre chez Christie’s à Paris en 2016 pour plus de 5 millions d’euros ! Le goût pour les albâtres anciens ne se dément pas, même en province, ainsi en 2017 a été adjugée dans un hôtel des ventes du Havre une petite plaque de Nottingham datant du XVe siècle plus de 6800 euros. C’est pourquoi, en tant que vendeur, il est absolument nécessaire de s’assurer d’une bonne estimation de votre objet, afin d’en tirer le meilleur parti possible.
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