Le journal

Toute l'actualité de Mr Expert et du marché de l'art

Vous avez des questions ?

Mr Expert

01 83 77 25 60

Comment reconnaître Salomé, fille d’Hérodiade ?

Salomé était une princesse juive, morte vers 72 de notre ère. Fille d’Hérodiade et d’Hérode Philippe, elle était également la petite fille d’Hérode le Grand, le cruel roi de Judée initiateur du massacre des Innocents. 

Sources textuelles et traditions

Salomé est évoquée, sans pour autant être dénommée, dans les Évangiles de Matthieu, Marc et Luc en lien avec la mise à mort de Saint Jean Baptiste. Seul Flavius Josèphe, dans ses Antiquités judaïques, lui donne un nom. Les Écritures disent ceci : peu après avoir baptisé le Christ, Jean est emprisonné pour avoir dénoncé l’union incestueuse d’Hérode Antipas avec sa nièce, Hérodiade. Salomé, la fille d’Hérodiade et du frère du roi apparaît alors, en dansant lors d’un banquet donné par le roi, qui, charmé, lui promet de lui donner tout ce qu’elle désire. Poussée par sa mère que la condamnation de son mariage a outré, Salomé obtient de son oncle la mise à mort du prophète et sa tête sur un plateau que l’on présente à Hérodiade, l’instigatrice du meurtre. Ces deux épisodes ont été très largement traités par les artistes. 


« Car Hérode, qui avait fait arrêter Jean, l’avait lié et mis en prison, à cause d’Hérodiade, femme de Philippe, son frère, parce que Jean lui disait : « Il ne t’est pas permis de l’avoir pour femme. » Il voulait le faire mourir, mais il craignait la foule, parce qu’elle regardait Jean comme un prophète. Or, lorsqu’on célébra l’anniversaire de la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu des convives, et plut à Hérode, de sorte qu’il promit avec serment de lui donner ce qu’elle demanderait. À l’instigation de sa mère, elle dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean-Baptiste. » Le roi fut attristé ; mais, à cause de ses serments et des convives, il commanda qu’on la lui donne, et il envoya décapiter Jean dans la prison. Sa tête fut apportée sur un plat, et donnée à la jeune fille, qui la porta à sa mère. »

Évangile selon Saint Matthieu, vers 60-80, 14 3-11.

Les représentations

La danse de Salomé

Le thème de la danse de Salomé, hautement érotique, est assez peu représenté en France avant la fin du Moyen Age, lorsque les conventions de représentation des corps humains et des épisodes bibliques permettent une plus large illustration du thème. On en trouve néanmoins de rares occurrences en France dès le XIIe siècle, notamment au tympan du portail sud de la cathédrale Saint-Etienne d’Auxerre, dédié à la vie de Saint Jean-Baptiste. Au milieu du XIVe siècle, on trouve aussi une représentation de la danse de la princesse sur une des mosaïques de la basilique Saint Marc.

Dès le XVe siècle, la danse de Salomé prend un essor considérable et s’expose tant dans les grandes verrières des églises et cathédrales, comme à Rouen ou à Bourges, que dans les peintures. Ce thème a ainsi beaucoup inspiré les peintres des écoles du nord et les artistes italiens. Le grand maître du Quattrocento, Donatello, en donne ainsi un exemple édifiant dans le bas relief en bronze pour les fonds baptismaux du baptistère San Giovanni de Sienne, Le festin d’Hérode, réalisé en schiacciato (très bas relief) en 1427. Un autre bas relief du sculpteur, traitant du même thème en marbre cette fois et conservé au musée des Beaux-Arts de Lille, accorde aussi une place centrale à la danse de Salomé. 

Le sujet connaît une grande postérité durant toute la Renaissance et au moins jusqu’au XIXe siècle, quand il a été de nombreuses fois traité par Gustave Moreau. 

La tête de Saint Jean-Baptiste sur un plateau

salome jean baptise cranach l ancien
Salomé avec la tête de Saint Jean Baptiste, Lucas Cranach l’Ancien, Vers 1530 Huile sur toile, Crédits photos : Wikimedia Commons / Yelkrokoyade

L’épisode de la décollation de Saint Jean-Baptiste et de Salomé recevant sa tête est l’épisode le plus traité de l’histoire de la jeune princesse. L’illustration de Salomé apportant la tête du baptiste sur un plateau connaît dès le XIVe siècle une immense fortune en Europe. Les peintres flamands et allemands se sont emparés du thème, parmi lesquels Rogier van der Weyden, Hans Memling et Cranach l’Ancien, qui oppose dans sa toile du musée des Beaux-Arts de Budapest, une Salomé gracieuse et richement ornée aux détails triviaux du chef de Saint Jean-Baptiste ensanglanté au premier plan de l’œuvre. 

le caravage salome tete de jean baptiste
Salomé avec la tête de Saint Jean-Baptiste, Le Caravage, 1607, huile sur toile, National Gallery de Londres. Crédits photos : Wikimedia Commons, WebgalleryofArt

Le Caravage, qui a également traité du thème de la décollation du Saint, représente Salomé avec la tête de Saint Jean-Baptiste dans une toile célèbre, datée de 1607 et aujourd’hui conservée à la National Gallery de Londres. Cette composition en clair-obscur, typique du travail du peintre, ancre l’épisode biblique dans une réalité plus sensible que dans la composition de Cranach. Chez Caravage, Salomé est présentée comme repentante, détournant le visage de la tête pour aller vers la lumière au contraire de sa mère, Hérodiade, la réelle instigatrice, qui porte toute son attention sur la tête. 

Salomé, nouvelle Persée

Le peintre symboliste Gustave Moreau (1826-1898) a illustré le thème de Salomé dix neuf fois en peinture, de nombreuses fois en aquarelles, et plus de cent cinquante fois en dessin. Cette obsession prolixe a donné lieu à des réinterprétations de l’épisode de la part du peintre comme dans L’apparition, une aquarelle réalisée entre 1874 et 1876 et conservée au musée d’Orsay. Lors de sa présentation au Salon de 1876, le tableau fait sensation. Il représente, dans une architecture richement ornée rappelant le palais de l’Alhambra, Salomé le bras tendu, en face de l’apparition de la tête ensanglantée de Saint Jean-Baptiste, nimbée. Le positionnement de Salomé, ainsi que la retombée sanglante sous la tête du saint, sont une citation des représentations de Persée tenant la tête de la Méduse, notablement illustré par Benvenuto Cellini à la Loggia dei Lanzi de Florence. 

l apparition gustave moreau
L’Apparition, Gustave Moreau, 1875, huile sur toile, 142 cm x 103 cm. Musée Gustave-Moreau.

Ce thème connaîtra une grande postérité, notamment sur les artistes symbolistes et décadents.  

Au XXe et XXIe siècles, la musique et les arts vivants (notamment la danse) s’emparent de l’épisode de la danse de Salomé qui sera maintes fois adaptée et commentée. 

Bibliographie : Michel Pastoureau, Gaston Duchet-Suchaux, La Bible et les saints, Collection Tout l’Art, 1994.

A lire aussi

Comment différencier un Sphinx d’une Sphinge ?

Comment reconnaître Sainte Cécile ?