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Famille d’artistes : le clan Schneider
Les artistes ont, pour la plupart du temps, été au contact de l’art dès leur enfance grâce à leur famille. Nombreux sont ceux qui apprirent les rudiments de la peinture, du dessin ou encore de la sculpture auprès de leur père avant d’intégrer l’atelier d’un artiste plus réputé.
Si le talent se perfectionne, il est également inné. Ainsi, nous retrouvons plusieurs artistes dans une seule et même fratrie. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’entreprises familiales où les enfants sont impliqués très tôt afin d’assurer la prospérité du nom familial et la pérennité de la manufacture. Tel est le cas de la famille Schneider, maîtres verriers installés à Nancy à la fin du XIXe siècle.
Nancy, creuset de l’Art nouveau en France
L’Art nouveau s’est développé entre 1885 et 1915. Le style élégant et décoratif s’est appliqué, pour l’essentiel, aux arts appliqués. Inspiré de l’histoire et lié à la Révolution industrielle, ce style présentant des caractéristiques communes revêtit des noms différents selon les pays. « Art nouveau » en France et Belgique, « Jugendstijl » en Autriche, « Liberty » en Italie, « Modernismo » en Espagne ou encore « Modern Style » en Angleterre, chaque terme faisant en réalité référence à un même courant artistique.
Cette libre esthétique se caractérise par la représentation de végétaux, des lignes animées et sinueuses, l’utilisation du métal, par des plans architecturaux ergonomiques, ainsi qu’un mobilier adapté à chaque structure.
En France, un foyer artistique de l’Est définit les bases de l’Art nouveau. L’École de Nancy est née de l’alliance provinciale des industries d’art qui fut présidée par le maître verrier Émile Gallé (1846-1904). Il s’agissait d’un regroupement d’artistes et artisans dont faisaient partie les frères Daum ainsi que les maisons Lalique et Baccarat. Les techniques de marqueterie de bois, marqueterie de verre, gravure à l’acide, pâte de verre sont caractéristiques de cette école.
L’implantation de la famille Schneider à Nancy
Originaire de Lorraine, Ernest Schneider (1877-1937) est le premier membre de la famille à s’être établi à Nancy en 1890 afin de suivre les cours de l’École primaire supérieure. Sa mère et son frère Charles (1881-1953) le rejoignirent en 1894, suivis par leur sœur Ernestine en 1908.
En 1897, à l’âge de seize ans, Charles intégra la verrerie Daum. Il suivit en parallèle les enseignements de l’École des Beaux-Arts de Nancy jusqu’en 1904. L’année suivante, Charles Schneider intégra l’École des Beaux-Arts de Paris en raison d’une bourse d’études de la ville, obtenue grâce au soutien d’Antonin Daum (1864-1930). Il suivit notamment les enseignements des sculpteurs et médailleurs Jean-Charles Chaplain et de Frédéric de Vernon (1858-1912). Charles Schneider y apprit les techniques de gravure de médaille.
En parallèle, ce dernier ouvrit à Nancy une boutique d’objets d’art où il vendit sa production de médailles, de camées et de coupes en bronze au style Art nouveau.
De son côté, Ernest Schneider travailla, à partir de 1902, au sein de la direction commerciale de la manufacture Daum.
Dès lors, les frères Ernest et Charles Schneider, décidèrent de reprendre l’exploitation d’une verrerie à Épinay-sur-Seine en 1913.
L’Empire des Schneider
Les frères Schneider ont su développer une entreprise de verreries décoratives marquées par un style unique.
La verrerie Schneider
L’achat de la verrerie à Épinay-sur-Seine fut rendu possible grâce aux indemnités perçues par Ernest lors de son départ de la maison Daum ainsi qu’à l’apport financier de leur associé.
Mais dès l’année suivante, l’activité fut stoppée en raison du conflit mondial. Toutefois, en 1917 l’usine fut remise en marche en raison de la démobilisation des frères Schneider et des besoins nationaux en verreries sanitaires.
En 1918, l’activité de l’entreprise s’orienta vers l’art. Ernest s’occupa de la gestion tandis que Charles conçut les modèles. D’abord empreintes du style Art nouveau, les pièces développées par Charles Schneider se caractérisèrent peu à peu par un style très personnel aux couleurs vives, puissantes et contrastées et aux motifs naturalistes, symboles de l’Art déco émergeant.
L’entreprise développa deux lignes : Schneider et Charder, Le Verre Français. Forte du succès de ses verreries, la manufacture dut s’agrandir en 1925. Mais frappée par la crise de 1929, l’entreprise familiale fut contrainte de cesser sa production peu après. Ses activités n’auront duré qu’une quinzaine d’années.
La ligne Schneider
Conçue dès 1918 par Charles, la ligne Schneider est composée de trois séries devenues emblématiques : les coupes bijoux s’ouvrant délicatement sur une tige fine, les petits vases bijoux et les grandes coupes à pied noir aux couleurs puissantes.
Trente-deux couleurs furent développées par le chimiste Babille pour cette ligne commerciale.
À la fin des années 1920, les verreries de la ligne Schneider évoluèrent vers des formes plus architecturales au verre plus épais et translucide.
La ligne Charder, Le Verre français
Déposée à la fin de l’année 1918, la marque Le Verre Français constitue une ligne plus fantaisiste, distincte des verreries haut de gamme de la ligne Schneider.
Cette nouvelle ligne suscita un vif intérêt auprès de la clientèle américaine. Cette dernière apprécia tout particulièrement le contraste des motifs lisses et brillants sur les fonds mats gravés à l’acide.
Contrairement à la ligne Schneider, seules dix-sept teintes furent élaborées. Toutefois, la ligne Le Verre Français illustre plus de cent quatre-vingts décors.
Cette ligne fut signée « Charder » à partir de 1925, issu de la contraction de Charles Schneider.
À la fin des années 1920, les formes devinrent de plus en plus géométriques.
Commercialisation et diffusion des verreries Schneider
Si la verrerie Schneider n’exposait pas ses pièces aux salons parisiens, elle disposait de son propre réseau commercial en raison, notamment, de l’expérience acquise par Ernest Schneider en tant que commercial au sein de la maison Daum.
L’originalité de l’entreprise Schneider réside dans la création de deux lignes commerciales. Si la ligne Schneider proposait des pièces haut de gamme vendues au 54, rue du Paradis à Paris, celles du Verre Français étaient proposées au n° 14 de cette même rue dans un dépôt confié à leur sœur Ernestine.
Mais face à la demande grandissante, l’entreprise dut faire appel à des dépositaires et représentants afin d’écouler la production.
Véritable apogée de l’entreprise Schneider, l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925 représenta la verrerie Schneider dans ses pavillons dédiés au verre, à l’architecture et au mobilier.
Charles Junior : la relève
Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Schneider incita son fils, Charles Junior, à construire une nouvelle verrerie. Ce dernier déposa alors un permis de construire en 1947.
L’établissement fut créé à Épinay-sur-Seine en 1950 sous la dénomination des Cristalleries Schneider. Si Charles Junior était ingénieur de formation, son frère Robert-Henri Schneider qui suivit un enseignement artistique fut promu directeur artistique.
Robert-Henri Schneider développa des pièces aux parois épaisses, irrégulièrement bullées et parfois teintées de bleu ou mouchetées de noir.
Le cristal remplaça le verre tandis que les couleurs vives et contrastées d’alors laissèrent place à l’absence de couleur.
En 1957 une explosion de gaz entraina la destruction de la cristallerie. L’entreprise fut transférée dans le Loiret quatre ans plus tard.
Robert-Henri Schneider quitta la cristallerie en 1977 puis son frère ainé, Charles Junior, ferma définitivement l’entreprise familiale en 1981.