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Les grandes collections de peintures
Qui collectionne ?
Le collectionneur est rarement mécène, Laurent le Magnifique par exemple ne commanda que peu d’œuvres aux artistes de son temps. Très souvent en effet, la peinture contemporaine n’a pas perdu sa valeur d’usage qui est d’être décorative ou représentative.
Au début des studioli, en même temps que les collectionneurs amassaient mirabilia et naturalia, la plupart accordaient déjà une place importante à la peinture. Isabelle d’Este par exemple commande pour son studiolo (petite pièce prenant place au sein du palais ducal de Mantoue) des toiles aux plus fameux artistes de son temps : Andrea Mantegna, Jan Van Eyck, Lorenzo Costa ou encore Corrège.
Les débuts des collections de peinture en Europe
En France, il faut attendre le premier grand roi mécène François Ier pour que ne se constitue une réelle politique de création et d’acquisition de peintures, selon le modèle des mécènes italiens. Sa collection personnelle de tableaux était conservée et exposée au château de Fontainebleau, dans l’appartement des bains ; le délassement du corps allant avec celui de l’esprit. Cette collection était enrichie de cadeaux diplomatiques, notamment faits par le pape Léon X, parmi lesquels les chefs d’œuvres de Raphaël ou Andrea Del Sarto, aujourd’hui exposés au Musée du Louvre. Quant aux œuvres de Léonard de Vinci, certaines d’entre elles étaient déjà rentrées dans les collections françaises dès Louis XII, comme la Vierge aux rochers. La Joconde a quant à elle été acquise par François Ier après la mort du peintre en France.
En Italie au XVIe siècle se développe la tradition de la collection de peintures, qui se manifeste particulièrement chez les lettrés vénitiens : Gabriele Vendramin par exemple évoque dans son testament sa collection comptant une soixantaine de peintures « de mains d’hommes très excellents et de grand prix ». Une autre famille vénitienne, les Barbarigo, ne collectionne quant à eux que des tableaux et recherchent activement ceux de la main de Titien. Cette mode de la collection de peinture a une incidence directe sur la manière selon laquelle s’est constituée l’histoire de l’art : c’est à Venise qu’est rédigé le premier guide des collections (Michiel, 1521-1543).
Engouement et folie pour la collection de peintures
Au début du XVIIe siècle à Rome, ce type de collections uniquement constituées de peinture se retrouve à une plus large échelle : le cardinal Del Monte, protecteur de Caravage possède près de six cent peintures, le banquier Giustiniani en compte environ cinq cents, parmi lesquels des Caravage et des Carrache. La collection de tableaux de chevalet, la quadreria, est revendiquée par toutes les grandes familles romaines, qui collectionnent tout autant des maîtres anciens, c’est-à-dire à leur mesure du XVe et XVIe siècles, et des peintures contemporaines. Les familles nobles se font alors patrons et mécènes des grands artistes du temps, auxquels ils assurent publicité et carrière.
Également, la galerie de tableaux a sa pièce propre et on y voit un début d’ordonnancement et de présentation des toiles permettant de rassembler les œuvres par école et de mettre en valeur la singularité de chaque main, permettant aussi au regardant de mieux comprendre ce qu’il y voit et d’envisager la construction d’une histoire de la peinture. Ce type de collection, devenue la règle pour la noblesse italienne du XVIIe siècle, se maintient en Europe jusqu’au XVIIIe siècle dans des proportions parfois extraordinaires : le marquis de Leganes possède, à sa mort, plus de mille trois cents tableaux.
En France, une première génération de collectionneurs liés à l’Italie, tente de lancer cette mode à Paris. Les hommes de lettres sont réticents, les grands hommes politiques (Richelieu, Mazarin, Fouquet, Colbert) collectionnent, tandis que d’autres se font, sinon patrons, au moins commanditaires réguliers, comme Chantelou auprès de Nicolas Poussin. La situation change lorsque Louis XIV acquiert la collection de peintures de Jabach (dont les plus belles œuvres sont aujourd’hui présentées au Musée du Louvre) et alors, le collectionnisme se répand : on choisit ses œuvres, on débat de ses propres collections et de celles des autres, des mérites de tel ou tel peintre ou encore de la primauté de la couleur sur le dessin.
Au XVIIIe siècle, « plus personne ne peut se passer de tableaux » selon le mot de Jonathan Richardson en 1728. Paris est le haut lieu de la collection de peintures, l’organisation des ventes aux enchères se double de catalogues imprimés et le collectionneur est désormais aussi un curieux et un mondain et bien souvent lui-même un marchand, comme Mariette ou Jean-Baptiste Pierre Le Brun. Apparaît aussi le goût pour l’attribution, qui donne un souffle à la collection de dessin. Les princes, empereurs et figures royales de toute l’Europe collectionnent : Catherine II de Russie achète des collections en bloc et fait construire le palais de l’Ermitage comme écrin à ses tableaux.
De la collection au musée
Au XIXe siècle, les termes « collectionneurs » et « collectionner » entrent officiellement dans la langue française, et les collections au musée. En effet, nombre de collectionneurs, comme le peintre fortuné Alfred Bruyas, soutiennent les artistes contemporains et lèguent leurs collections au musée : dans le cas de Bruyas au musée de Montpellier. Également les collections se font de plus en plus spécialisées : école de Barbizon, primitifs italiens, peintures hollandaises du XVIIe siècle, etc.
Paris au XXe siècle ne perd pas sa place de haut lieu de la collection de peintures et les grands collectionneurs étrangers, tels Chtchoukine et Morozov visitent assidûment les galeries Durand-Ruel, Vollard ou encore Bernheim Jeune. Grâce à la présence de la galerie Durand-Ruel à New York, les collectionneurs américains investissent en masse dans les peintres impressionnistes et post-impressionnistes.
Après guerre, le collectionneur européen ou américain devient une institution : banques ou états qui deviennent des méta-collectionneurs, très liés aux galeries et qui font et défont les côtes des artistes. De grandes personnalités philanthropiques forment également des collections qui prennent place dans des institutions, comme Samuel H. Kress à la National Gallery de Washington ou Calouste Gulbenkian à Lisbonne. Certains historiens deviennent eux aussi des collectionneurs, comme Bernard Berenson ou Roberto Longhi.
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