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Gustav Klimt et la Sécession Viennoise
Gustav Klimt, moteur du renouveau de la scène artistique viennoise de la fin du XIXe siècle, est un artiste particulier qui déroute critiques et historiens de l’art par la singularité de son parcours et de ses œuvres. Connu d’abord pour ses compositions murales néoclassiques, Klimt a réussi à s’extraire de l’influence académique européenne, qui pourtant faisait son succès, pour devenir la figure tutélaire de la Sécession Viennoise, influençant profondément l’art autrichien de la fin du siècle, une époque parfois même appelée « l’âge de Klimt ».
Son travail connut cependant une réception particulière et fut, au travers des âges, tantôt critiqué tantôt oublié avant de connaître un engouement proche de l’adulation. Retour sur un artiste clé du début du XXe siècle.
Klimt, Gustav : portrait-robot
Naissance d’un homme nouveau
Klimt nait à Vienne en 1862 dans le milieu fécond de la modernité viennoise (il était par exemple le contemporain de Sigmund Freud) et se forme à l’école des Arts Appliqués de Vienne. Cette formation, aux antipodes du parcours classique de l’Académie Beaux-Arts le pousse à ouvrir un atelier de décoration avec son frère. Tous deux reçoivent rapidement de grandes commandes, et Gustav est très vite considéré comme le successeur de Hans Makart, un des plus grands peintres décoratifs de Vienne, spécialisé dans la peinture d’histoire à la veine néo-classique. Klimt aurait pu continuer dans cette voie, qui lui aurait sans nul doute apporté les honneurs et une solide assise financière, mais la mort de son frère survenue en 1892 provoque en lui une onde de choc qui aura pour conséquence la fermeture de l’atelier et une profonde remise en question sur le plan artistique.
Lors de ses pérégrinations dans les cafés de la ville, véritables pépinières d’artistes, de poètes et de musiciens, Klimt rencontre ceux qui seront les piliers de la modernité viennoise à venir : les écrivains Arthur Schnitzler et Hermann Bahr, l’architecte Adolf Loos, le compositeur Gustav Malher. Ces rencontres nourrissent les nouvelles conceptions artistiques de Gustav Klimt qui s’affirmeront après sa découverte des œuvres de l’avant-garde européenne d’Arnold Böcklin ou Auguste Rodin, que Klimt aperçoit lors d’une exposition dans la capitale autrichienne en 1895.
Faire sécession
Plusieurs grandes sécessions artistiques ont lieu en Europe à la fin du XIXe siècle, à Berlin, à Munich et à Vienne principalement. Toutes tendent à un but commun : rompre avec les styles historiques et faire place à la modernité. Seulement, à Vienne, ce schisme prend tout son sens puisqu’il induit une rupture radicale dans un paysage artistique qui n’a pas connu l’impressionnisme, passant sans transition de l’académisme du Ring à la modernité. Cette rupture est initiée par quelques artistes de la Künstlerhaus, la Maison des artistes, parmi lesquels Koloman Moser, Gustav Klimt, Carl Moll et Josef Maria Olbrich, qui décident de rompre avec ce foyer académique pour fonder la « Sécession » en 1898. Ce groupement d’artistes présidé par Klimt se dote très vite d’une revue, Ver Sacrum (« le printemps sacré ») et d’un espace d’exposition construit par Olbrich au fronton duquel on peut lire :
Au-delà des ambitions novatrices que les artistes portent en eux, ils souhaitent également abolir les frontières entre les arts dits majeurs et les arts dits mineurs, comprendre les Beaux-Arts et les Arts Décoratifs, dans la lignée du mouvement Arts&Craft. En cela, la Sécession porte déjà en elle les prémisses des Wiener Werkstätten, les ateliers viennois, qui verront le jour en 1903.
Pour Klimt, la Sécession signifie l’entrée dans une nouvelle veine stylistique où la référence aux sujets antiques prend une dimension étrange, burlesque et érotique, comme dans Nuda Veritas, une œuvre datée de 1899 et en dépôt au Muséum des 20 Jahrhunderts, Vienne.
Ce nouveau style, qu’il impose également dans les grands cycles décoratifs réalisés pour l’université de Vienne (disparus), marque le point de rupture entre les conservateurs réfractaires à son art et les progressistes qui l’érigent rapidement en tant que figure de proue de l’art moderne viennois. Klimt joue dans un premier temps de la provocation pour se faire connaître et s’émanciper avant de se tourner vers un art plus symboliste. La grande toile des Poissons rouges, tout d’abord intitulée A mes Détracteurs, 1902, musée de Soleure, marque la transition entre cet art de la provocation et la période de maturité de l’artiste.
De l’apogée à l’oubli
L’ornement sacré
Les formes profanes renvoient aux symboliques sacrées, comme dans Le Baiser, chef-d’œuvre absolu du peintre réalisé en 1907-08, conservé au musée du Belvédère de Vienne.
Cette période dorée est la plus connue de l’artiste, qui se tournera ensuite vers des œuvres plus hédonistes, notamment des paysages influencés par l’avant-garde française portée par Monet, Seurat et Bonnard. A la toute fin de sa vie, Klimt adopte une touche fragmentée qui le portera presque aux portes de l’abstraction lyrique, comme en témoigne Le Parc, une œuvre de 1910 conservée au MoMa de New York.
Un artiste redécouvert
Malgré l’immense succès de l’artiste durant sa vie et l’importance de son œuvre pour l’histoire des arts du XXe siècle, Klimt sera peu à peu oublié et son œuvre jugée passéiste, de mauvais goût et engoncée dans un symbolisme décoratif douteux. La véritable redécouverte de l’artiste et des arts de la Sécession Viennoise n’a lieu que dans les années 1980 et depuis, son aura ne cesse de s’accroître.
Les expositions à grand public qui lui sont consacrées, comme celle de l’atelier des Lumières en 2019 permettent, certes, un nouveau regard sur l’œuvre de cet immense artiste, grâce à une véritable immersion totale au cœur des compositions, mais accusent parfois une certaine superficialité. Les fonds d’or de Gustav Klimt, à la haute valeur décorative, ne doivent pas faire oublier toute la palette de références, d’emprunts, de symboles et de poésie qui composent les tableaux de cet artiste fondateur et énigmatique.
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