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Qu’est-ce que le futurisme italien ?

Le futurisme italien fait partie des grands mouvements d’avant-garde européens de la première moitié du XXe siècle, mais il est généralement moins bien connu que les autres raz-de-marée esthétiques que sont le fauvisme, le cubisme, l’abstraction lyrique ou encore Dada. Les œuvres des futuristes Italiens sont pourtant exposées aux cimaises des plus grands musées français et européens et passent régulièrement sur le marché de l’art, où leur adjudication dépasse souvent l’estimation haute. Coup d’œil sur ce mouvement littéraire et artistique controversé.

Artistes et idées

Les grands personnages

Le futurisme italien s’étend environ de 1909 à 1920. Contrairement aux autres mouvements d’avant-garde, comme le fauvisme ou le cubisme, il s’agit d’une véritable organisation, dirigée d’une main de fer par Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), l’un des pères fondateurs du futurisme, qui donne son nom au mouvement et le théorise à partir de 1909 dans de nombreux manifestes et tracts. Marinetti, qui a vécu à Paris où il était proche de Mallarmé, Alfred Jarry et Jules Romain, est fortement imprégné d’une vision lyrique de la ville et des foules qu’il diffuse dans des recueils de poésie. Lorsqu’il revient à Milan il fait face à une ville moderniste et fortement industrialisée, qui voit l’émergence de la classe ouvrière, dans lequel il puise son inspiration. Il publie ainsi dans sa revue Poesia, un texte virulent attaquant la société bourgeoise et passéiste italienne et appelant au rassemblement autour de lui. Cinq peintres vont se rapprocher de lui, décidant de rompre avec le passé en rejetant l’héritage formel du monde antique pour tendre vers un nouveau dynamisme, il s’agit de Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carra, Luigi Russolo et Gino Severini. S’ajoutent à ce groupe nodal quelques autres artistes italiens, écrivains, cinéastes et architectes.

Le cadre théorique

Le 20 février 1900 a lieu la publication du premier manifeste futuriste. Très cultivé et plutôt stratège, Marinetti choisit de le publier dans un journal étranger que nous connaissons bien : le Figaro, plaçant d’emblée le débat futuriste sur un plan international et tentant de l’imposer au cœur de la capitale européenne de l’avant-garde. Le manifeste de Marinetti propose une idéologie moderniste aux artistes et écrivains, surtout italiens, à qui il s’adresse directement en les appelant à dépasser les diversités provinciales, encore prégnantes en Italie afin de proposer un langage national commun. Il souhaite ainsi réveiller les Italiens d’un passé culturel écrasant et les tirer vers les avant-gardes, notamment la sienne.

Le nom donné au mouvement est en effet très révélateur des préoccupations artistiques de Marinetti et des artistes qui l’entoure : ils exaltent la modernité des viles, la révolution industrielle et célèbrent le mécanisme et la vitesse, qui est une des grandes forces dématérialisâtes de l’époque. Ils matraquent également leur idéologie de manière virulente, parfois agressive, louent des théâtres pour déclamer leurs idéaux et chanter cette nouvelle beauté plastique de « l’automobile rugissante ». Marinetti et ses suiveurs sont passionnés par les philosophies de Bergson et de Nietzsche et essaient de dépasser le cadre artistique et littéraire pour prôner, de manière assez arrogante, une philosophie de l’action rugissante et militante qui se traduit par une frénésie de vivre.

Après la théorie, la pratique esthétique

Giacomo Bella, La lampe à arc
Giacomo Bella, La lampe à arc, 1910-11, MoMa New York

Les débuts de la peinture futuriste

Malgré l’intensité de leurs revendications, leur art est plus désuet que leurs mots et émane d’un style de la fin du XIXe siècle, encore marqué par la touche divisionniste issue du néo-impressionisme qu’ils appliquent à des sujets nouveaux. Leurs compositions sont en revanche assez novatrices puisqu’elles placent le spectateur au centre de l’œuvre. Ces caractéristiques sont tangibles dans l’un des premiers chefs d’œuvres de Giacomo Balla, La lampe à arc, 1910-11, conservé au MoMa de New York. La juxtaposition des couleurs pures crée un effet vibratoire et une grande poésie, qui ne se retrouvent pas dans les toiles d’Umberto Boccioni et Carlo Carra. Boccioni s’attarde sur l’accentuation des mouvements frénétiques des corps, dans une touche très légère, qui donne une impression de flou et de chaos tout en tentant de représenter les sentiments, comme dans son célèbre triptyque États d’âme I : les adieux, ceux qui partent, ceux qui restent, 1911, Milan, Civica Galleria d’Arte Moderna.

Tous travaillent sur les mêmes problématiques de représentation de la vitesse et du mouvement, chacun différemment, comme Luigi Russolo, qui est avant tout musicien et cherche à rendre l’effet sonore dans ses toiles.

Évolution du futurisme et apports formels

À partir de 1912, le mouvement futuriste se tourne vers la scène parisienne où est exposé à la galerie Berheim-Jeune grâce à l’intercession du critique d’art Félix Fénéon. C’est un événement pour le public parisien qui découvre une nouvelle issue que le cubisme qui est lui-même réinterprété par les futuristes pour exprimer une sensation dynamique. Le monde est multiplié et fractionné à cette intention. Là où Braque et Picasso représentent plusieurs points de vue d’un objet fixe, les futuristes dépeignent plusieurs points de vue de plusieurs séquences de mouvements.

tableau Luigi Russolo
Luigi Russolo, Synthèse plastique des mouvements, 1912, Musée de Grenoble

Umberto Boccioni et Giacomo Balla vont aller plus loin que les autres dans leur dépassement du cubisme. Balla s’intéresse ainsi aux travaux d’Ernst Mach sur les ondes de choc de la vitesse dans l’espace, pour des mouvements très rapides comme une balle de fusil. Très inspiré par ces images, Balla se tourne vers l’abstraction complète en cherchant à représenter les traces de la lumière et de la vitesse. Ces recherches annoncent celle du Bauhaus : la peinture est détachée de toute objectivité, elle est l’objet d’une idée philosophie et de son étude.

Umberto Boccioni, une des personnalités dominantes du mouvement, se tourne vers la sculpture en 1912, très inspiré par les recherches de Duchamp-Villon, Brancusi et Archipenko. Théoricien abouti, il écrit la même année le Manifeste de la sculpture futuriste. Ses recherches sont très innovantes, il tente ainsi de reproduire en sculpture certaines de ses œuvres peintes, telle Nature Morte à la bouteille, Paris, Musée National d’Art Moderne et de rendre malléables les formes et les matières qui semblent soumises à un mouvement et à une vitesse, comme dans Formes uniques de continuité dans l’espace, 1913, MET, qui est incontestablement l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre.

Sculpture Umberto Boccioni
Umberto Boccioni, Formes uniques de continuité dans l’espace, 1913, Metropolitan Muséum New York

Le futurisme italien n’a pas eu beaucoup d’impact en France, même s’il a marqué les esprits de certains artistes comme Fernand Léger. En Italie par contre, le mouvement a été retentissant et se poursuit avec force jusqu’à la Première Guerre mondiale. L’affiliation de Marinetti au fascisme de Mussolini dès 1919 a, par la suite, conduit à une grande condamnation idéologique du mouvement qui a ensuite pour ces raisons essentiellement, été très peu enseigné en histoire de l’art. Il faut attendre la redécouverte des futuristes par les avant-gardes anglo-saxonnes pour que les institutions et le grand public s’y intéressent. Le Musée National d’Art Moderne leur a ainsi consacré une exposition en 2008, démontrant l’importance du mouvement dans l’évolution des cadres esthétiques et philosophiques en Europe, aux États-Unis et en Russie au XXe siècle.

Les artistes associés

-Le peintre turinois Giacomo BALLA

-Le peintre et sculpteur Umberto BOCCIONI

-Le peintre Carlo CARRA

-Le peintre Gino SEVERINI