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Le mobilier anglais au XVIIIe siècle
Le XVIIIe siècle est la grande période de splendeur du mobilier anglais : l’aristocratie riche et cultivée du Grand Tour fait construire des villas entourées de superbes jardins, acquiert des collections d’art et souhaite un tout nouveau mobilier qui suit les modes du temps.
Les ébénistes suivent ainsi les évolutions esthétiques, tout en maintenant un très haut niveau d’exécution et un raffinement qui contribuent à la renommée du meuble anglais du XVIIIe, notamment au niveau du travail sur l’acajou, dont les deux plus grands représentants sont Thomas Chippendale (1718-1779) et Georges Hepplewhite (1727-1786), reconnus grâce à la diffusion de leurs livres de modèles.
L’héritage du XVIIe siècle et le style Queen Anne
Le style Queen Anne perdure bien après la fin du règne de la souveraine, jusque dans les années 1720. Ce style est héritier des modèles du siècle précédent et puise ses formes dans le meuble hollandais, avec une caractéristique anglaise néanmoins : le remplacement du chêne par le noyer d’importation, qui permet des réalisations plus fines.
Au niveau des décors, les ébénistes utilisent beaucoup le placage qui forme des motifs symétriques, puis se laissent tenter par la technique de la marqueterie et notamment de la arabesque marquetery très en vogue au début du siècle. À la même époque apparaissent également les très originaux meubles en plâtre. Le plâtre est appliqué sur le bois puis creusé pour former des décors, parfois même il est structurel grâce au renfort d’une tige métallique. Le plus grand représentant de cette technique est James Moore qui, fait rare pour un artisan à l’époque, grave son nom sur ses meubles. Enfin, tout comme la France, l’Angleterre cède à la vogue du laque oriental ; les ébénistes l’appliquent en plaques sur les meubles ou cherchent à l’imiter, avec un assez grand succès.
Quant aux formes des meubles, le siège subit une évolution significative dans les dernières années du XVIIe, avec l’introduction de la Cabriol leg, c’est-à-dire le pied en coup de fouet, et du claw and ball foot, le pied à sphère et griffe qui est peut-être dérivé du modèle chinois de la patte de dragon tenant une sphère. Les dossiers des sièges et canapés sont assez larges, plats ou violonnés. Le style Queen Ann voit aussi l’immense succès des tables-bureaux dont les corps se font peu à peu moins imposants et les pieds plus fins.
Les grands ébénistes de cette période sont Daniel Marot, un français protestant qui a fui les persécutions religieuses, Gerrit Jensen, un ébéniste d’origine flamande dont le nom est parfois anglicisé en Johnson et Jean Pelletier, un français spécialisé dans le bronze et la dorure.
Le style géorgien
Le style géorgien est un terme utilisé pour désigner la période recouvrant les règnes de quatre souverains se prénommant George, durant près d’un siècle. Durant cette période, plusieurs styles se succèdent. Le premier, le early georgian, entre 1714 et 1760, établit les grandes caractéristiques du mobilier au XVIIIe siècle. Une des grandes révolutions est ainsi l’avènement de l’acajou, qui remplace le noyer vers 1720 à cause de l’embargo de la France sur l’exportation de noyer vers l’Angleterre. Ce changement influence le dessin et la décoration du meuble et provoque l’abandon de la marqueterie et des décors sculptés : on privilégie l’apport de l’argent ou de l’or qui s’allient mieux avec l’acajou. Les pièces deviennent également plus légères et ajourées, car le bois est très solide.
Cette période est celle de l’alliance intime entre le décor intérieur et l’ameublement intérieur global, dont l’architecte William Kent est le plus grand représentant dans la première moitié du siècle. Membre du cercle néo-palladien de Lord Burlington, il construit des demeures très sobres à l’extérieur et exubérantes à l’intérieur, dans le goût du baroque italien. Il collabore aux plus grands chantiers de son temps, comme Holkam Hall, où la plupart des meubles sont encore conservés.
Les grands représentants du style géorgien sont William Vile et John Cobb qui créent une des plus célèbres manufactures au service des plus grands personnages de leur temps, tel le prince de Galles. Benjamin Goodson se rapproche quant à lui du style assez chargé de William Kent, affectionnant les volutes et frises d’acanthes.
Le style rocaille
Le style rocaille s’impose en Angleterre vers 1730 grâce à la diffusion des livres de modèles des grands ébénistes et ornemanistes français. Les principaux répertoires ornementaux sont donc assez semblables à ceux de la France : thématiques de la faune et de la flore, diffusion du goût pour le pittoresque, refus de la ligne courbe. Les grands représentants de ce style sont Mathias Lock, qui a également travaillé avec Chippendale, et Thomas Johnson. Notons que ce style s’épanouit surtout dans l’ornement et la décoration, les meubles gardent principalement les mêmes formes que celles du style géorgien.
Chippendale, Adam, Hepplewhite
Thomas Chippendale (1718-1779)
L’œuvre la plus importante de Thomas Chippendale est The gentleman and Cabinet Maker’s Director, un livre de modèles écrit en 1754 et réédité à de nombreuses reprises ; il impose et diffuse le style de l’artiste dans tout le Royaume-Uni. La production chinoise de l’artiste, The Chinese Chippendale, forme une part importante de son œuvre : il appose à ses meubles des toits en pagode, des cloches, des bambous ou encore des formes complexes agrémentées de dragons ou de mandarins.
L’autre volet de sa production est marqué par une esthétique néo-gothique, qui se répand dans la seconde moitié du XVIIIe siècle au Royaume-Uni. Certaines des chaises de Chippendale sont ornées de motifs gothiques tels les arcs aigus, dais ou pinacles ; ce sont généralement celles-ci qui sont les plus connues du grand public.
Le néoclassicisme : Robert Adam (1730-1794)
Il est, avec William Chambers et James Stuart, l’un des plus grands représentants du néoclassicisme anglais. Adam puise son inspiration dans la Grèce antique, Palladio et le goût du pittoresque et son style peut-être qualifié de Pompéien. Adam affiche ainsi un goût particulièrement prononcé pour les meubles d’applique, les commodes et les consoles semi-ovales ou semi-circulaires. L’ornement a également une forte place dans son œuvre ce qui contribuera à son déclin à partir de 1775, lorsque la vogue sera au meuble étrusque austère.
George Hepplewhite : le divulgateur
On ne connait aucun meuble de Hepplewhite et malgré cela il est indissociable du style de la fin du XVIIIe siècle, car il donne naissance, grâce à la publication de deux livres de modèles, à une école caractérisée par sa simplicité, sa sobriété et son style bourgeois. Il reprend ainsi l’acajou, qui avait été délaissé par Adam au profit des bois tendres et en exploite toutes les qualités esthétiques. Ses chaises sont reconnaissables aux dossiers à écussons, à collier ou en cœur, supportés par des pieds fuselés. Il participe à l’établissement de la forme de la commode à l’anglaise, qui marque le passage au XIXe siècle.
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