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Qu’est-ce que la Trinité et comment la reconnaître ?

Les sources textuelles

Le mystère de la Trinité, qui incarne en trois Personnes un Dieu unique, est le fruit d’un long travail d’élaboration théologique, qui repose sur plusieurs textes du Nouveau Testament

Les trois Personnes formant la Trinité sont évoquées par tous les Évangélistes à l’occasion du baptême du Christ par Jean le Baptiste. Matthieu l’énonce ainsi (3, 16-17) : 

Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l’eau ; voici que les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour.»  

Les trois Personnes sont donc bien là : Jésus qui est le Fils, Dieu qui est le Père et la Colombe, qui est la personnification de l’Esprit saint ».  L’Évangile de Matthieu contient aussi le grand travail de mise en forme pratique de cette Trinité : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Matthieu 28,19). 

Représentations et solutions iconographiques

La représentation de la Trinité est un défi pour les artistes en cela qu’elle est une réalité abstraite et transcendantale, ce qui pose nombre de difficultés d’ordre théologique (se posant notamment la question de la nature du Christ) et iconographique (concernant la représentation de Dieu, soumise à des interdits). Ainsi, aucune image de la Trinité n’apparaît avant le début du Moyen-Âge.

Les trois personnes sous forme humaine

L’icône de la Trinité d’Andrei Roublev
Icône de la Trinité, Andreï Roublev, 1410-1427, tempera sur panneau de bois, 142 × 114 cm

La représentation de la Trinité personnifiée est fourni par un épisode du livre de la Genèse, celui du Chêne de Mambré (Gn 18, 1-15) :

« Le Seigneur apparut à Abraham au chêne de Mambré alors qu’il était assis à l’entrée de la tente », puis « Il leva les yeux et aperçut trois hommes debout près de lui ». Saint Augustin, commentant cet épisode précise : « Et Abraham vit trois personnes et il en adora une seule ». 

Les premières représentations sous forme humaine apparaissent donc dès le Ve siècle en Orient, dans un premier temps ils ont tous des visages semblables, comme sur les mosaïques de l’église Sainte Marie Majeure de Rome, puis, à partir du XIVe siècle, ils diffèrent dans leur aspect physique. Ainsi, L’icône de la Trinité d’Andrei Roublev, une peinture a tempera réalisée vers 1410-1426 et aujourd’hui conservée à la galerie Tretiakov de Moscou, présente trois personnes certes ressemblantes, mais l’une d’entre elle, le personnage du milieu, domine par sa taille : il s’agit de Dieu le Père. 

En Occident durant la période paléochrétienne et le Moyen Âge, les trois personnes sont généralement placées les unes à côté des autres ou superposées. Elles sont identiques, portant toutes le globe surmonté d’une croix, la couronne et le sceptre. Néanmoins, certains éléments changent parfois, comme la présence de la tiare des papes qui couronne Dieu le Père, les plaies témoignant du supplice de Jésus Christ ou encore les ailes du Saint Esprit. 

A partir du XVe siècle, le Père est un vieillard barbu en opposition au Fils qui est un jeune homme, alors que le Saint Esprit est un adolescent (faisant ainsi écho aux trois âges de la vie), ou une colombe. 

La Trinité tricéphale, monstrum scandaleux

La Cène Andrea del Sarto
La Cène, Andrea Del Sarto, 1513, Monastère de Sans Salvi

La Trinité a parfois été représentée par un buste à trois têtes ou une tête à trois visages. Ce type iconographique extravagant, qualifié de Monstrum par le cardinal Bellarmin (1542-1621) s’inscrit dans de longues traditions païennes, notamment étudiées par Louis Réau, qui le rapproche des divinités celtiques tricéphales, très répandues en Gaule. Après avoir été largement diffusée dès le XIe siècle, cette représentation est dénoncée par saint Antoine de Florence comme hérétique au début du XVe siècle, ce qui n’empêche pas certains artistes, comme Andrea Del Sarto, de le reprendre à la place de la clé de voûte dans l’intrados de l’arc du cénacle dans le réfectoire San Salvi de Florence. Ce type, interdit par le pape Urbain VIII en 1628 a néanmoins perduré jusqu’au XIXe siècle. 

Le type du « Trône de grâce »

La Trinité Le Greco
La Trinité, El Greco, 1577, Huile sur toile, 300 × 177 cm, Musée du Prado, Monastère Saint Dominique de Silos

Cette formule originale est probablement née en France au XIIe siècle. Elle consiste en Dieu le Père tenant devant lui son Fils et la Colombe du Saint Esprit planant entre eux deux. A partir du XIIIe siècle, le corps du Christ repose sur les genoux du Père, dans une disposition inspirée des Pietà et qui correspond au désir d’exprimer avec plus de force la douleur du Père. Ce type s’exprime notamment en sculpture en France au XVIe siècle, mais connaît au même moment des développements en peinture. Il est notamment traité par Le Greco en 1577, dans une toile conservée au musée du Prado, La Trinité. 

Représentations symboliques 

Dieu le Père peut-être représenté par une main, le Fils par l’agneau et le Saint-Esprit par une colombe ou un livre. Néanmoins, le signe le plus ancien de la Trinité est le triangle équilatéral, dans un premier temps inversé. Ce type est critiqué par Saint Augustin au IVe siècle et ne connait pas donc de grands développements jusqu’au XVe siècle, moment où le triangle est utilisé comme une auréole au dessus de la tête de Dieu le Père, ou, circonscrit dans un cercle, il est tenu entre les mains de Dieu. A partir du XVe siècle, le triangle n’est plus inversé mais placé la pointe vers le haut, contenant parfois à l’intérieur le nom de Dieu- Yaweh en hébreu ou un œil, rappelant l’omniscience de Dieu. 

Au Moyen Age, le signe de la Trinité est omniprésent mais discret : il se lit dans les vies et les iconographies des saints : la tour de sainte Barbe a trois fenêtres, Saint Nicolas sauve trois jeunes filles de la prostitution et saint Claude trois enfants de la noyade. Le chiffre trois se répète comme autant de symboles de la Trinité. 

Bibliographie : Michel Pastoureau, Gaston Duchet-Suchaux, La Bible et les saints, Collection Tout l’Art, 1994.

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