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Qui sont les Sabines et comment les reconnaître ?
Qui sont les Sabines ?
Les Sabines sont liées à un célèbre épisode, légendaire, des origines de Rome. Tite-Live, Denys d’Halicarnasse et Plutarque l’évoquent. Romulus, le fondateur de la ville de Rome souhaitait assurer le développement de la population de la toute jeune ville, il proposa donc aux Sabins des alliances matrimoniales. Ceux-ci, craignant la naissance d’une société rivale, refusent. Romulus organisa alors de grandes fêtes auxquelles furent conviés les habitants des États et villes voisines. Parmi eux étaient présents les Sabins avec leurs femmes et leurs enfants. Au cours du banquet, à un signal donné, les jeunes Romains se jetèrent dans la foule et enlevèrent les jeunes Sabines. Selon Plutarque, « ils n’avaient pris aucune femme mariée sauf une ». Il ajoute aussi que les Romains « ne commirent pas cet enlèvement en hommes licencieux, mais dans le seul dessein de former alliance avec leurs voisins par le plus noble et le plus solide les liens ».
Cette déclaration, choquante pour des lecteurs du XXIe siècle, est à replacer dans le contexte de la Haute Antiquité, dans laquelle la pratique du mariage par enlèvement était importante et se poursuivra, en Occident, durant le Haut Moyen Âge. Plutarque fait d’ailleurs remonter à cet épisode légendaire la coutume, très répandue dans la Rome antique, de porter la mariée pour lui faire franchir le seuil de la demeure de l’époux. Tite-Live, quant à lui, est formel sur le fait qu’aucune agression sexuelle n’a eu lieu.
Les représentations des Sabines
L’Enlèvement des Sabines
Le moment de l’enlèvement des Sabines a été une source inépuisable de représentations variées, dès la République romaine. Il devint ensuite, à la Renaissance, un des thèmes privilégiés de l’art. Les artistes puisant dans cet épisode leur inspiration pour des représentations aux compositions compliquées et aux sentiments outrés, et aux personnages dénudés, tantôt héroïques ou virils tantôt terrifiés, se débattant au sein d’une lutte acharnée.
Au début de la Renaissance, l’aspect terrible de cet épisode est gommé. Le sujet est utilisé pour mettre en valeur l’importance du mariage pour la pérennité de la civilisation, c’est pourquoi le thème se retrouve souvent sur les cassoni, les coffrets de mariage.
Cet épisode permet aussi de remarquables effets de mouvements et de composition, c’est pourquoi Giambologna et son commanditaire le grand-duc de Toscane le choisissent lorsqu’ils veulent témoigner de l’habileté de l’artiste à composer et sculpter un groupe complexe. L’enlèvement des Sabines, aujourd’hui visible à la Loggia Dei Lanzi, Piazza della Signoria à Florence, est un groupe sculpté en ronde bosse formé de trois personnages emboités, qui tiennent tous sur une même base carrée et dont la forme des corps crée une ligne serpentine multipliant les points de vue. Les enlèvements mythologiques servent d’ailleurs toujours les intérêts de ce type de groupes sculptés tournoyants.
En peinture, les représentations se multiplient à partir du XVIe siècle et le thème se diffuse sur tous les supports : sur les peintures de chevalet, sur les fresques et même sur les plafonds, comme dans le grand cabinet de la Reine au Louvre (dont le décor a été exécuté par Romanelli). À partir de cette époque, on commence à associer ce thème avec celui, biblique, du Massacre des Innocents.
Les deux représentations majeures du thème en peinture restent les deux toiles exécutées par Nicolas Poussin. Le premier tableau, peint à Rome en 1634-35, est aujourd’hui conservé au Metropolitan Museum de New York. Le second, ici représenté, a été exécuté en 1637-38 prouvant la capacité de Poussin à varier les compositions. Il est l’un des fleurons du Musée du Louvre. Dans ces œuvres, Poussin montre sa connaissance des textes et des chefs-d’œuvre antiques (la pose de Romulus, à gauche, dérive de la statuaire impériale antique). Il saisit aussi l’occasion de représenter, dans une architecture fantasmée, des corps féminins et masculins en proie à des expressions diverses, dépeignant aussi avec brio les effets de foule et de panique.
La réconciliation des Sabins et des Romains
À la suite de leur enlèvement, les Sabines se résignèrent, mais les Sabins, furieux, décidèrent d’attaquer la ville. Une bataille éclata, bientôt interrompue par les Sabines qui supplièrent Romains et Sabins d’arrêter le massacre, « enjambant les cadavres pour atteindre leurs époux, leurs pères, certaines avec leurs bébés dans les bras » raconte Plutarque. La paix fut donc conclue, contre toute attente, entre les guerriers des deux parties. Ce récit est lui aussi une source foisonnante d’effets plastiques pour les artistes, particulièrement les peintres, tel Jacques-Louis David qui présente en 1799 dans son atelier, Les Sabines, une toile de grand format (5,20 mètres de long pour presque 4 mètres de haut).
Le moment choisi est un instantané : Hersilie, au centre, s’interpose entre son père et son mari pour cesser les hostilités. Cette toile est un manifeste pour le peintre, qui avait déclaré au moment de sa réalisation « Je veux faire du grec pur ». Désireux de se confronter aux grands artistes de l’Antiquité, David choisit donc de représenter les Grecs nus, dans une composition en frise sans trop d’effets de profondeur. La toile est également un plaidoyer pour l’unification après les grandes révoltes de la Révolution et de la Terreur.
Ces thèmes, bien que maintes fois représentés, ont continué à séduire les artistes des siècles postérieurs et même ceux des grandes avant-gardes du XXe siècle, tel Pablo Picasso qui représente L’enlèvement des Sabines dans plusieurs toiles réalisées entre 1962 et 1963 (l’une des versions est conservée au musée National d’Art Moderne de Paris). Dans ces cas, le mythe rentre en résonance avec l’histoire personnelle et les engagements politiques du peintre, qui déplore ici la prise de Cuba par les Américains symboliquement représentés comme le cavalier piétinant la femme au premier plan. Un autre cavalier s’apprête à l’affronter à la lance.
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