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Qu’est-ce que le mouvement CoBrA ou l’Internationale des Artistes Expérimentaux (IAE) ?

Le groupe COBRA, ou CoBrA selon la graphie de Christian Dotremont, est formé à Paris en 1948 par un noyau d’artistes d’Europe du Nord issus des avant-gardes européennes.

Le nom du groupe, évocateur, est formé des premières lettres de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam et porte en cela la dimension fédératrice du collectif, qui rassemble des artistes appartenant à divers mouvements européens : Höst au Danemark, Reflex aux Pays-Bas et Surréalisme Révolutionnaire en Belgique.

Les membres de CoBrA proclament par ailleurs une internationalisation des avant-gardes et le retour à un primitivisme naturel comme moyen de « saper la culture ». Bien qu’il n’ait duré que trois années, CoBrA est considéré comme l’un des plus importants groupes d’avant-garde de l’après-guerre par son caractère international et révolutionnaire.

Un mouvement nomade et décentré

Naissance parisienne

C’est à Paris, au café Notre-Dame quai Saint-Michel que fut fondé le groupe CoBrA à l’issue d’une réunion organisée par les principaux représentants des grands mouvements des avant-gardes européennes, Christian Dotremont et Joseph Noiret du Surréalisme Révolutionnaire, Asger Jorn du groupe danois Höst, Karel Appel, Constant et Corneille du groupe hollandais Reflex.

La réunion, initialement consacrée à l’unification de ces mouvements opposés aux formalismes parisiens fut un échec. Tous néanmoins s’accordèrent sur leurs désaccords et sur l’absolue nécessité de conserver la singularité de chaque artiste au sein de l’aventure collective qu’ils venaient de créer. Le soir même, Christian Dotremont brouillonne un bref manifeste à CoBrA intitulé « La cause était entendue » marquant le refus d’instaurer une théorie artistique unique et artificielle.

Développements internationaux

Les artistes CoBrA intègrent leurs expériences nationales au sein d’une dialectique internationale. Ils invitent ainsi les artistes de n’importe quel pays à les rejoindre dans une « collaboration organique expérimentale » selon le mot de Dotremont.

CoBrA exerce d’ailleurs durant sa brève existence une certaine attractivité, les français Jacques Doucet et Jean-Michel Atlan les rejoignirent ainsi que le sculpteur américain d’origine japonaise Shinkichi Tajiri, participant ainsi à leur expansion. Le groupe vit ainsi de rencontres et de confrontations qui façonnent les formes et les esprits bien que l’éloignement entre les membres en complexifie notablement l’organisation.

Expérimentations et communion

Retour à un « primitivisme naturel »

Tous les artistes CoBrA tendent à un but commun : fournir des éléments de riposte à une création qu’ils jugent normalisée et dépendante de modèles désuets et contraignants.

Il s’agit de plonger plus profondément en pleine terre, en pleine eau, en plein feu, en plein air

Pierre Alechinsky

Dans la droite lignée des automatismes éprouvés par Dada et les surréalistes, les artistes CoBrA placent l’expérimentation comme modèle de création afin de s’éloigner des codes de la représentation. Il s’agit pour eux de renouer avec une matière primitive, essentielle, et de s’y plonger totalement en ignorant tout savoir-faire et toute codification esthétique déterminant les notions de beauté et de laideur.

peinture Anton Constant
Anton Constant, Deux animaux, huile sur toile, 1946, Collection Privée. Crédits photos : Apparences.

Cette vision de l’art est commune à tous les membres du groupe et donne naissance à un bestiaire fantasmé de monstres, de masques, de figures de Carnaval et de totems qu’ils pensaient primitifs et liés à la libération totale du désir de création. En peinture, cela se traduit également par des tracés appuyés ou hésitants, aux cernes noirs et aux couleurs vives créant des contrastes saisissants. L’imaginaire des adeptes de CoBrA est également enrichie par la mythologie scandinave, le folkore et les arts premiers. De plus, à la même époque, Jean Dubuffet développe le concept d’art brut à partir de « l’art des fous », qui intéresse également les CoBrA par son caractère spontané et fortement inventif.

Communion et abolition des frontières entre les arts

Les artistes CoBrA rejettent profondément la spécialisation dans les arts, qui induit forcément des frontières au sein d’un mouvement artistique et empêche une communion totale entre ses membres. De ce fait, les artistes collaborent très souvent entre eux et les délimitations entre les arts se brouillent.

lithographie Pierre Alechinksy
Pierre Alechinksy, En peinture le mot Je n’existe pas.

La parenté instaurée entre traces et écrits, magnifiquement mise en valeur par les logogrammes de Dotremont en Laponie, pousse ainsi Jorn, Alechinksy, Appel, Atlan et Corneille à développer la méthode des « peintures — mots ». Les peintres écrivent, les écrivains peignent et tous s’essaient à d’autres pratiques que la leur, tel le photographe Serge Vandercam qui produit nombre de peintures. Les artistes se réunissent également pour créer des œuvres communes comme le film Perspéphone, réalisé en 1950 par Luc de Heusch, Alechinksy, Dotremont et Jean Raine.

L’aboutissement de cette communion d’artistes étant la maison entièrement repeinte par les membres de CoBrA et leurs enfants lors des Rencontres de Bregnerod durant l’été 1949 (aujourd’hui disparue).

peinture Asger Jorn
Asger Jorn, Le canard inquiétant, ancienne huile sur toile réutilisée, 1959, Musée Jorn, Silkeborg. Crédits photos : Donation Jorn, Silkeborg

Malgré la brièveté de l’aventure collective CoBrA, celle-ci trouve des développements significatifs dans les créations postérieures des anciens membres du groupe. Jager Jorn réalise dès 1957 ses Modifications, qui consistent en des repeints agressifs sur des tableaux achetés au marché aux puces, Alechinsky pratique une peinture proche de la calligraphie presque figurative, fondée sur des effets de matière. Dans les recherches sur la matérialité, qui est une des caractéristiques principales de l’art de l’après-guerre, Jean Raine sera le plus abouti, réalisant des œuvres avec de la mie de pain, du sable, des coquilles d’œufs, de la boue ou encore du cirage, poursuivant les conquêtes de l’art brut.

Enfin, il faut souligner la profondeur du regard critique de certains artistes CoBrA, notamment Asger Jorn et Constant, sur la société et la civilisation occidentale qu’ils jugent déjà profondément ancrée dans des dérives machinistes et techniciennes qui entravent la libre création et la libre pensée de l’Homme.

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