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Quelles sont les caractéristiques du mobilier Boulle ?
Histoire du plus grand ébéniste du siècle
André-Charles Boulle (1642-1732), fondeur, ciseleur et doreur parisien est aussi le principal ébéniste de son époque. Il connait un succès rapide et devient maître en 1666, avant même d’être majeur. Il intègre la même année la Manufacture Royale des Gobelins, tout juste créée par Colbert, et travaille sous la direction de Charles Le Brun. À partir de 1672, en plus de sa clientèle faite de bourgeois, de financiers et de membres de la noblesse, il compte le Roi parmi ses commanditaires. Celui-ci lui confie un atelier au Louvre, c’est le début de sa gloire française et internationale : sa renommée s’étendra au-delà des frontières, le roi Philippe V d’Espagne lui-même sera un de ses commanditaires.
Les raisons de son succès tiennent à ses aptitudes et à la diversité de sa production permise par l’obtention d’un privilège royal grâce auquel il peut étendre ses activités à des champs qui sont habituellement réservés à d’autres corporations. Ainsi, il cisèle le métal, travaille l’écaille, créé des bronzes ornementaux, sculpte, peint… Sa carrière commence donc en plein règne de Louis XIV, mais sa production incarne réellement le mobilier de la première moitié du XVIIIe siècle et donne au meuble français ses lettres de noblesse en s’affranchissant des influences italiennes et flamandes. En effet, outre ses techniques de marqueterie, il créé de nouveaux meubles destinés à une grande postérité, comme la commode.
Il poursuivra son activité jusqu’à sa mort et traversa de nombreuses difficultés financières malgré ses abondantes commandes (la cour du Roi Louis XIV était connue pour être mauvaise payeuse). Après son décès, ses deux fils reprirent son atelier et continuèrent « le meuble Boulle ».
Qu’est-ce que le mobilier Boulle ?
Le mobilier Boulle se caractérise principalement par sa marqueterie très spécifique qui consiste en une superposition de deux plaques, l’une de cuivre, l’autre d’écaille blonde de tortue, découpées ensemble, ce qui permet d’obtenir deux panneaux similaires et deux autres différents. Ces panneaux sont ensuite assemblés pour créer des contrastes de deux types : un premier décor dit « première partie » de cuivre sur fond de métal, le second en « contrepartie », d’écaille sur fond de cuivre. C’est d’ailleurs pour cette raison que les meubles Boulle vont souvent par paire. Quant au décor de cette marqueterie de métal, il est fait de rinceaux stylisés et de feuillages d’une très grande qualité d’exécution. Notons que Boulle n’est nullement l’inventeur de ce procédé ; il en a simplement tiré le meilleur parti, ce qui a fait sa réputation.
Une autre grande caractéristique du mobilier de Boulle est l’omniprésence des bronzes qu’il fabrique lui-même et qui peuvent être à la fois utilitaires (ils protègent les angles ou les endroits sensibles, comme les pieds) et ornementaux. Ils s’apparentent parfois à de vrais morceaux de sculpture, ce qui influencera très fortement le mobilier du XVIIIe siècle. Le style général de sa production de bronze suit les évolutions de mode de l’époque : d’abord monumentaux et classiques puis plus souples et fantaisistes, selon les modèles de Berain.
Enfin, notons que Boulle a également largement utilisé la marqueterie de bois, dont il fut un des plus habiles représentants : il utilisait de nombreuses essences de bois différents, qu’il organisait dans de magnifiques compositions où les motifs végétaux primaient, ce qui leur a valu le nom de marqueterie de fleurs.
Une immense production de meubles et beaucoup de copies
L’obligation d’estampiller les meubles d’ébénisterie ayant été mise en place en 1743, il n’existe pas d’estampille authentifiant les productions de Boulle. Ainsi, l’apposition d’une telle marque désignerait assurément un faux.
Sa production est extrêmement étendue, néanmoins, selon Pierre Verlet, grand spécialiste du mobilier français, seuls deux meubles peuvent être identifiés de façon incontestable grâce à des documents d’archives : il s’agit de la paire de commodes-tombeaux dites « Mazarine », datant de 1708 et conservée au château de Versailles. Ces commodes en forme de sarcophages, très ornées de marqueterie d’écaille et de cuivre ainsi que de bronzes, eurent un immense succès et firent l’objet de répétitions par le maître (qui aimait à reproduire ses meubles à succès) mais aussi par des suiveurs. En effet, d’autres ébénistes travaillèrent dans sa veine, tels qu’Étienne Levasseur ou Jacques Dubois. On créa aussi sous le Second Empire des copies identiques aux meubles Boulle, il faut donc être très prudent dans l’attribution d’un meuble à ce grand ébéniste et confier son objet à des experts compétents.
Enfin, notons qu’outre ses commodes, bureaux plats, bibliothèques, cabinets etc. Boulle a également produit des œuvres appartenant aux arts décoratifs, comme des pendules, cartels, candélabres et le fameux Régulateur à décor marin du comte de Toulouse, réalisé vers 1714-1719 et conservé au Musée du Louvre. Les collections du musée du Louvre, du château de Versailles, de la Wallace Collection de Londres et du Getty Museum de Los Angeles sont riches de magnifiques exemplaires de ce grand maître.
Concernant sa place sur le marché, le mobilier Boulle est rare et a souffert de la dépréciation du mobilier ancien en France suite à l’affaire des faux meubles du musée de Versailles. Néanmoins, lorsqu’un meuble Boulle passe en vente, les résultats sont toujours à la hauteur. Ainsi, en 2009 se vendaient chez Christie’s Londres deux coffrets en tombeaux adjugés à plus de 2 300 000 euros, tandis qu’une bibliothèque basse trouvait acquéreur dans la même maison de vente à New York plus de 220 000 euros en 2015.