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Est-il possible d’engager la responsabilité du restaurateur d’œuvres d’art en cas de dommage ?
Art précis et rigoureux, la restauration désigne l’ensemble des interventions et traitements opérés sur une œuvre afin de rétablir un état historique donné et, par-là, améliorer la lisibilité ainsi que l’intégrité esthétique de cette œuvre, et le cas échéant, rendre son utilisation possible de nouveau.
Obéissant à des principes stricts, la restauration est le fait de professionnels spécialisés : les conservateurs-restaurateurs.
L’intervention de ces professionnels suscite de nombreuses questions juridiques parmi lesquelles leur responsabilité en cas de dommage. En effet, si la responsabilité du commissaire-priseur est définie par la loi et la jurisprudence, celle du restaurateur d’œuvres d’art s’appuie, pour sa part, sur peu d’éléments en droit positif.
En raison de la diversité des interventions (restauration d’usage, reconstitution partielle ou à l’identique), la jurisprudence se contente de définir la restauration comme « toute réparation dont l’importance peut varier selon les cas ».
Toute la difficulté tient à encadrer les restaurateurs et assurer une sécurité juridique vis-à-vis des professionnels du marché de l’art sans pour autant décourager la profession par une sévérité trop importante.
La responsabilité du restaurateur d’œuvres d’art
Il est possible d’engager la responsabilité du restaurateur sous certaines conditions et, par extension, celle d’autres professionnels du marché.
Les conditions de l’engagement de la responsabilité
Lorsque le propriétaire d’un bien fait appel aux services d’un restaurateur, un contrat naît entre les parties. Dès lors, la responsabilité contractuelle du restaurateur pourra être engagée en cas de manquement.
La jurisprudence considère que le restaurateur est soumis à une obligation de résultat vis-à-vis de son client. La nuance étant que cette obligation ne vise pas la réussite de l’opération mais l’absence de dégradation de l’œuvre durant le processus de restauration. Par conséquent, en cas de détérioration de l’œuvre par rapport à l’état d’origine, la faute du restaurateur est présumée, sauf cas de force majeure.
Reste à la charge du demandeur de prouver le préjudice occasionné ainsi que le lien de causalité. Dans la plupart des cas, le préjudice résulte de la perte de la valeur du bien du fait de la restauration. Le lien de causalité entre le dommage et la faute du restaurateur peut être démontré par des photographies prises avant la restauration ou les expertises.
La responsabilité délictuelle du restaurateur peut être recherchée par un tiers : l’acheteur de l’œuvre restaurée par exemple. Dans ce cas, la faute du restaurateur n’est pas présumée, et l’acheteur devra la prouver. Il devra également démontrer l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Les conséquences de l’engagement de la responsabilité
Les commissaires-priseurs et les experts peuvent voir leur responsabilité, délictuelle et contractuelle, engagée du fait d’une restauration litigieuse.
En effet, les opérateurs de ventes volontaires ont une obligation d’information à l’égard du public. Ils doivent mentionner les restaurations dans leur catalogue de vente.
De son côté, l’expert peut également voir sa responsabilité engagée s’il ne mentionne pas les restaurations, mêmes anodines.
L’intérêt de pouvoir engager la responsabilité de ces professionnels du marché de l’art réside dans leur solvabilité. En effet, ces derniers sont soumis à une obligation d’assurance obligatoire en matière de ventes publiques contrairement au restaurateur.
Dès lors, si les restaurateurs ne sont pas solvables, la question de l’opportunité de l’engagement de leur responsabilité se pose.
L’opportunité de l’engagement de la responsabilité du restaurateur d’œuvres d’art
En pratique, l’efficacité de la responsabilité du restaurateur est limitée quant à la réparation du dommage. Afin d’optimiser les réparations, des solutions sont souhaitables et envisageables.
Une responsabilité à l’efficacité limitée
L’efficacité de l’engagement de la responsabilité du restaurateur est limitée pour deux raisons principalement. Tout d’abord, l’identité du restaurateur demeure souvent inconnue. Les biens vendus successivement ne gardent pas mention de leurs restaurations, sauf si diligence extrême des divers propriétaires qui auraient conservé des traces écrites des interventions opérées sur l’œuvre. En pratique, il est donc très difficile, pour ne pas dire impossible, de retrouver le restaurateur de l’œuvre à qui peut être imputée la restauration. Une action en responsabilité ne peut être menée à bien sans défendeur, le dommage ne pourra donc être réparé.
Lorsque le restaurateur est identifié encore faut-il qu’il soit solvable. La plupart du temps ces professionnels travaillent de manière individuelle sous le statut d’auto entrepreneur, d’artisan ou de profession libérale. De plus, ils sont souvent peu assurés. La responsabilité civile dépend de la prévoyance de chacun.
Vers une optimisation de la réparation du dommage
Toutefois, des solutions visant à améliorer l’efficacité de la responsabilité du restaurateur sont envisageables. La première serait celle d’un recours à l’assurance obligatoire. Ceci est d’autant plus acceptable que la France use, et parfois abuse, de ce recours. Ceci permettrait d’assurer la solvabilité des restaurateurs en cas de dommage.
Il est également envisageable de créer un fonds de garantie destiné à supporter le poids de la dette de responsabilité du restaurateur lorsque celui-ci est inconnu ou insolvable. Les fonds de garantie sont de plus en plus répandus en droit français. Le marché de l’art n’est d’ailleurs pas exclu car il existe une garantie d’État utilisée pour l’assurance des expositions temporaires organisées en France par la Réunion des Musées Nationaux, le Centre Georges Pompidou et la Bibliothèque nationale.
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