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Banksy se joue du marché de l’art

Banksy : son nom est dans toutes les bouches et pourtant, il est le plus anonyme parmi les artistes mondialement connus. Street-artiste, peut-être chanteur, héros masqué affrétant un navire pour porter secours aux migrants en Méditerranée, artiste engagé et militant… Toutes ses apparitions, qui témoignent d’un personnage aux multiples facettes, sont assidûment suivies et commentées. Il en va de même pour ses œuvres disséminées au pochoir dans les quatre coins du monde qui sont l’objet de véritables quêtes par les suiveurs et les spécialistes de l’artiste et parfois victimes de vols ou de vandalisme comme le pochoir réalisé dans le quartier de Barton Hill, à Bristol en février 2020.

Parallèlement, depuis une douzaine d’années Banksy s’est plutôt fait connaître du grand public grâce à sa place montante sur le marché de l’art international : les rares toiles qui passent en vente atteignent des montants de plus en plus démesurés, son anonymat contribuant sans doute à la hauteur de sa côte. Retour sur la tornade Banksy qui balaye les codes du marché de l’art.

Banksy, qui es-tu ?

Banksy hommage Floyd
Hommage à George Floyd, extrait du compte Instagram, le 6 juin 2020

L’artiste originaire de Bristol est engagé et le revendique, particulièrement sur ses pochoirs qui constituent le cœur de son art urbain et déclinent des thèmes militants, des images engagées politiquement et socialement, telle cette poupée gonflable grandeur nature représentant un détenu de Guantanamo installé au Disneyland de Californie en 2006, au milieu du parcours des montagnes russes. Ces performances urbaines ne sont pas ses seules actions de dénonciation : à la même période, Banksy détourne la sortie du nouveau disque de l’héritière Paris Hilton, en diffusant près de 500 disques aux titres modifiés et évocateurs, tels que « Why Am I famous? », « What have I done? », « 90% of success is just showing up ». En 2015, il crée l’événement en construisant une version dystopique du parc d’attractions Disneyland, appelé Dismaland (Dismade signifiant lugubre en anglais) et décrit comme « un parc à thème familial, inadapté aux enfants ».

Banksy ne s’arrête pas à la critique des impostures culturelles que produit le monde de la pop musique et des médias, mais s’implique dans l’exposition des conflits mondiaux et des problèmes migratoires qu’il soulève, taguant dans la bande de Gaza ou travaillant à des fresques à Calais, à Bethléem sur la barrière de séparation israélienne ou encore à Paris, traitant des attentats de 2015 ou de la mauvaise gestion de la crise migratoire par le gouvernement français. Traitant toujours des problématiques sociales qui lui importent, il réalise en juin 2020, deux œuvres portraiturant Georges Floyd, l’homme noir américain assassiné par étouffement par un policier blanc.

De vandale à vendu ?

L’artiste a également sans cesse tenté de dénoncer le consumérisme dans lequel s’enfonce le marché de l’art, vendant par exemple ses toiles dans les rues de New York pour 60 dollars alors que leur valeur était estimée à 160 000 dollars. Il tente également de revendiquer son indépendance par rapport au monde de l’art et à la valeur marchande des œuvres, avec un peu plus de difficultés. Il est, en effet, très compliqué de dénoncer un système dont on fait partie, malgré ce que prône l’artiste sur son compte Instagram citant par exemple le célèbre critique d’art Robert Hughes :

Le prix d’une œuvre d’art est désormais partie intégrante de sa fonction, qui est devenue d’attendre, plaquée sur un mur que son prix augmente

Robert Hughes

Il y a une dizaine d’années, l’artiste avait ainsi mis en vente une simple toile portant cette seule inscription « I can’t Believe you morons actually Buy this ».

Devolved parliament Banksy
Devolved Parliament, creative Commons / Gatto Celiaco

Le valeur marchande de l’art est pourtant intimement liée au travail de l’artiste, notamment concernant ses œuvres de chevalet. Ainsi, le 16 octobre 2018, l’un des tableaux les plus connus de l’artiste, Girl with Balloon, réalisé en 2006 est mise en vente chez Sotheby’s New York ; à peine le coup de marteau a t’il retentit, actant une vente à la hauteur de 1,6 million de dollars que le tableau s’est déchiqueté, grâce à un mécanisme dans le cadre. On ne connait pas bien la réelle intention de l’artiste, qui était probablement la dénonciation des prix en roue libre du marché de l’art contemporain. Néanmoins, la valeur de l’œuvre après cette performance destructive a été démultipliée, servant les intérêts financiers de l’artiste en augmentant considérablement sa cote. Devolved Parliament, une autre toile de Banksy, a ainsi été adjugée plus de 9,9 millions de livres chez Sotheby’s Londres en octobre 2019.

Banksy méditerranée
Banksy, vue de la méditerranée, 2017, adjugée 2,4 millions d’euros au profit d’un hôpital de Bethleem

De même, face aux trop nombreuses contrefaçons de ses œuvres, l’artiste a été contraint de créer sa propre marque, simplement nommée Banksy, et de l’exploiter commercialement, via un site web marchand, mettant par la même les deux pieds dans un système qu’il exècre et attirant par cette action une vague de critiques acerbes dénonçant l’hypocrisie de ses revendications militantes. Néanmoins, sur son site la critique du consumérisme reste tout de même palpable : les prix sont assez abordables, et les objets fabriqués artisanalement, grâce à des produits de seconde main, tandis que le produit des ventes sera reversé à une association de sauvetage des migrants en Méditerranée. Tentant toujours de manipuler le marché pour l’infléchir vers des issues plus louables, l’artiste a mis en vente en juillet 2020, toujours chez Sotheby’s, un triptyque intitulé Vue sur la Méditerranée, représentant des gilets de sauvetage échoués sur des bords de plages… Les résultats ont dépassé toutes les attentes encore une fois avec une adjudication de 2,2 millions d’euros directement reversés par l’artiste à un hôpital pour enfants de Bethléem, en Cisjordanie.

Le positionnement d’un artiste par rapport à la marchandisation de ses œuvres est toujours un exercice délicat, notamment pour les street artistes qui doivent mener deux combats de front : batailler pour la reconnaissance de leur art tout en essayant de dénoncer les rouages d’un marché parfois malsain et indécent. L’art est difficile et la critique est facile, il en va de même ici. Rappelons que certains artistes, purs produits des finances et de la marchandisation à outrance de leurs œuvres, tel Jeff Koons, ne s’encombrent pas, eux, de telles considérations éthiques.

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