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Que sont le classicisme et le néo-classicisme dans les arts ?
En histoire de l’art, tous les mots finissant en « -isme » et caractérisant de grands mouvements artistiques (classicisme, romantisme, impressionnisme, etc.) sont généralement galvaudés, mal utilisés et mal compris.
Il en est de même pour les mouvements revival « néo- ». Suffixe et préfixe servent à de larges délimitations chronologiques ou thématiques qui sèment parfois la confusion dans les esprits au point tel que désormais, l’historien de l’art doit à tout prix éviter l’écueil de ces termes généralistes aux délimitations vagues.
Le terme de classicisme est ainsi majoritairement employé dans une dialectique opposée au baroque et le néo-classicisme au romantisme. Pourtant, l’art dit classique présente des ramifications bien plus complexes, qui prennent racine dans le XVIe siècle européen pour connaître certaines résurgences aux XVIIIe et XIXe siècles.
Le premier classicisme
Le classicisme dans les arts, c’est tout d’abord l’élaboration d’un langage européen, fondé sur une esthétique et des théories inspirées de l’Antiquité et qui s’étend, avec des variantes et des soubresauts historiques, de la fin du XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle. Habituellement, on considère que le règne autoritaire de Louis XIV a favorisé l’éclosion dans les arts et en premier lieu dans l’architecture du premier classicisme français soutenu par l’apparition de grands architectes tels François Mansart, qui tend à une utilisation correcte des ordres architecturaux et une meilleure définition des formes, et Louis Le Vau qui, par une appréhension globale de l’architecture et des grands décors va donner à Vaux-le-Vicomte les premières expressions de ce que sera la grande architecture versaillaise. Au sein de ces grands ensembles architecturaux, la sculpture française se développe sous l’impulsion des sculpteurs italiens présents sur le territoire depuis le règne de Charles VIII. À la génération des Simon Guillain, Jacques Sarazin et Philippe de Buyster, qui meurent à l’aube du règne du Roi Soleil, succèdent des artistes aux moyens et aux formes ambitieuses, qui travailleront ensuite au grand chantier versaillais.
La peinture du premier classicisme français s’inscrit la continuité d’un foyer italien, Bologne, où les frères Carrache avaient développé dès la fin du XVIe siècle un langage assagi en réaction aux excès du maniérisme. Un peintre français actif à Rome, Nicolas Poussin, est le représentant majeur du classicisme pictural, traitant majoritairement de sujets mythologiques et de paysages dans des tableaux de chevalet destinés à des amateurs français et italiens. Bien qu’il n’ait eu que très peu d’élèves, il a une influence majeure sur la peinture française de son époque et des siècles à venir. Nombre d’historiens de l’art tentent encore de comprendre et définir sa production, prolixe. Parmi eux Pierre Rosenberg qui publiera sous peu le catalogue raisonné de l’artiste.
Le second classicisme
La seconde période du classicisme français est appuyée par la création de grandes institutions artistiques qui délimitent les cadres de la création et participe à l’élaboration d’un langage commun.
Depuis Henri IV, les artistes du Roi sont logés aux galeries du Louvre. Ce privilège sera réaffirmé jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
Puis, l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture créée en 1648 voit ses statuts confirmés en 1663, précisant l’obligation pour les Académiciens de tenir des conférences théoriques et un concours annuel débouchant sur le Grand Prix. L’étude de l’antique occupant une place prépondérante dans la formation des Académiciens, il fut aussi décidé en 1666 de la création de l’Académie de France à Rome, où sont envoyés les gagnants du Grand Prix annuel de manière systématique à partir du XVIIIe siècle. Ainsi, la majorité des grands artistes travaillant pour le Roi sont issus de l’Académie Royale, les autres de l’Académie de Saint-Luc, c’est-à-dire de la corporation des peintres et sculpteurs.
Participant de la même volonté d’organisation des arts, Colbert crée également la manufacture royale des Gobelins qui concentre l’activité de tous les corps de métiers nécessaires à l’ameublement des grandes demeures (tapisseries, orfèvrerie, peinture, sculpture, etc.), dirigée d’une main de fer par Charles Le Brun depuis 1661. Le Brun, premier peintre du Roi et grand théoricien, réussit à appliquer aux arts des principes théoriques et rationnels et délivre des codes de représentations aux artistes grâce à ses traités théoriques, comme Traité des passions, 1649.
Sous la protection de Colbert, Charles Le Brun domine la création picturale de la seconde moitié du siècle par l’établissement de grands décors mythologiques avant d’être supplanté par Pierre Mignard, le protégé de Louvois, qui introduit notamment en peinture la vogue des grands portraits.
Les grands chantiers architecturaux du siècle sont principalement parisiens (Louvre, Val-de-Grâce, Invalides) et versaillais, bien que le Roi Soleil, et son successeur Louis XV essaiment des places royales dans tout le pays. Quant à l’activité sculpturale, elle est presque entièrement tournée vers ces grands chantiers, dont il faut sculpter les ornements architecturaux, orner les jardins et décorer les appartements. Quelques grands noms comme Girardon, Coysevox et les frères Coustou, dominent la production sculptée et s’entourent de nombre de praticiens qui collaborent à l’établissement de « l’âge d’or de la sculpture française » grâce à la réalisation de grands groupes sculptés dynamiques et élégants ou de portraits en marbre aux traits saisissant de véracité et de vie.
Durant le premier tiers du XVIIIe siècle, le goût change en même temps que le mode de vie à la cour, plus léger, plus gai. Cette inflexion du goût conduira dans les arts à l’avènement du rocaille, aux formes organiques et tourmentées, loin de l’esthétique classique qui était, quelques années plus tôt, l’apanage du bon goût et de la bonne création artistique.
Le néo-classicisme
Dès 1760, l’art européen est marqué par le phénomène de l’historicité, qui incite les artistes à reconstituer décors et formes appartenant à l’Antiquité grecque et romaine ou à toute autre période passée (médiévale, renaissante, contemporaine), avec une précision archéologique.
La peinture néo-classique fut quant à elle étroitement liée à des courants esthétiques combattant l’esthétique rocaille dominante et menés de front par le théoricien J. J. Winckelman et le peintre Raphaël Mengs. Cette nouvelle esthétique s’épanouit en France sous le règne de Louis XVI par l’intermédiaire de Joseph Marie Vien et des artistes étrangers comme Angelica Kauffmann et Antonio Canova.
Le terme néo-classique recouvre également une autre réalité, incarnée par le peintre David au début du XIXe siècle, un style vertueux et belliqueux, pétri de thèmes mythologiques, qui tend à une simplification des formes parfois qualifiée d’archaïsme. Ingres, héritier de la doctrine artistique de David, sera l’un des plus fervents défenseurs de l’esthétique néo-classique pendant toute la première moitié du XIXe siècle, s’opposant aux innovations romantiques. Le néo-classicisme se confond alors avec un autre style, à la dénomination tout aussi large, l’académisme.
Ainsi, après 1840, les interprétations du classicisme sont l’apanage d’artistes conservateurs et académiques plus attachés à garder leurs distances avec la création contemporaine (impressionnisme, postimpressionnisme, nabis, fauvisme), qu’à réellement redonner vie à des thèmes et des compositions héritières du passé.