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Collaboration : Jean-Michel Frank et Adolphe Chanaux
Sur le marché de l’art les œuvres de design suscitent un intérêt auprès des amateurs et collectionneurs qui ne s’essouffle pas.
Le XXe siècle fut le témoin privilégié des innovations de ces nouveaux artistes, les designers. Nombreux sont ceux qui collaborèrent ensemble afin de mettre leur savoir-faire en commun, leurs idées ainsi que leur spécificité. Parmi ces collaborations nous pouvons citer l’une des plus connues, celle de Pierre Jeanneret (1896-1967), Charlotte Perriand (1903-1999) et Le Corbusier (1887-1965). Perriand était alors en charge de meubler les réalisations des deux architectes et designers.
Forts de leur succès, les designers furent par la suite sollicités par les marques de luxe : Lalique, Daum, Hermès, Louis Vuitton, etc. Ces collaborations donnèrent lieu à des séries limitées d’objets ou vêtements de luxe.
Fruit de rencontres, chaque collaboration fut à l’origine de pièces majeures. La collaboration des designers Jean-Michel Frank (1895-1941) et Adolphe Chanaux (1887-1965) constitue un bel exemple.
Jean-Michel Frank : un homme d’esprit raffiné
Issu d’une famille juive allemande installée en France depuis 1880, Jean-Michel Frank naquit à Paris en 1895. La Première Guerre mondiale frappa sa famille puisqu’en 1915 ses deux frères moururent sur le front. Ses parents disparurent peu après.
Héritant de la petite fortune familiale, Jean-Michel Frank voyagea dans le monde entier et commença à fréquenter la société artistique et mondaine de l’époque, notamment le milieu surréaliste.
Ses premiers travaux d’aménagement datent des années 1920. Sa réputation s’établit à partir de 1926 lorsqu’il aménagea plusieurs pièces de l’hôtel particulier de Charles et Marie-Laure de Noailles.
Considéré comme le maître décorateur des années 1930, il s’associa avec Adolphe Chanaux.
Adolphe Chanaux : une formation traditionnelle
Né en 1887 à Paris, Adolphe Chanaux suivit une formation d’ébéniste auprès d’André Groult (1884-1966). Très rapidement il s’installa à son compte à la Ruche et fut reconnu par ses pairs comme particulièrement talentueux.
Adolphe Chanaux aimait travailler le bois, mais également des matériaux moins répandus comme le galuchat ou la paille. Il collabora avec plusieurs décorateurs de l’époque, mais est principalement connu pour sa collaboration avec Jean-Michel Frank.
La collaboration de la sobriété
Si tout semblait opposer l’esthète Jean-Michel Frank et le technicien Adolphe Chanaux, leur collaboration fructueuse débuta en 1930.
La « ligne Jean-Michel Frank »
De cette collaboration naquirent des meubles à la ligne esthétique reconnaissable par sa perfection, la qualité des matériaux et l’équilibre des formes. Frank et Chanaux travaillèrent de nombreuses matières et innovèrent : ébène de macassar, palissandre violacé de Rio, acajou, sapin, poirier noirci, parchemin, galuchat, mica, paille, rotin, plâtre.
Les décorateurs prônèrent l’art de la sobriété et de l’élégance. Les formes des meubles sont simples et les matériaux luxueux.
Des décorateurs demandés
Concrètement cette collaboration fut révélée à l’élite parisienne en 1932 lors de l’ouverture d’une boutique située au 140 rue du Faubourg Saint-Honoré. Les décorateurs furent à l’origine de décors élégants au goût subtil. Ils réalisèrent des projets pour les Noailles, mais également Nelson Rockefeller, Louis Aragon, etc.
Frank et Chanaux proposèrent une vision du monde moderne et surent conquérir de nombreux créateurs : Chanel, Schiaparelli, Madeline Vionnet, Marcel Rochas et les frères Guerlain.
S’ils furent sollicités pour décorer les boutiques de luxe et autres grands lieux parisiens, Frank et Chanaux réalisèrent également des décors pour les théâtres de la ville.
La Seconde Guerre mondiale : une fin abrupte
Pendant près de vingt ans, Jean-Michel Frank conseilla et meubla une partie de l’élite parisienne. Il joua un rôle important dans l’évolution du goût.
La Seconde Guerre mondiale mit un terme à la collaboration entre Frank et Chanaux. Le premier, en tant que juif d’origine allemande, quitta Paris et s’exila à New York en janvier 1941. Mais tourmenté par une époque qu’il ne reconnaissait plus, Frank se suicida deux mois plus tard.
De son côté, Chanaux devint conseiller artistique de Guerlain après la guerre. Il mourut en 1965.
Une collaboration cotée sur le marché de l’art
Les créations issues de la collaboration Jean-Michel Frank et Adolphe Chanaux sont recherchées par les collectionneurs d’arts décoratifs du XXe siècle. La plus haute adjudication sur le marché de l’art fut réalisée par Sotheby’s Paris en 2014 pour un Cabinet (vers 1935) en bronze patiné à 3,2 millions d’euros. En 2019, Sotheby’s vendit également une paire de Fauteuils (vers 1928) en galuchat pour 1,3 million d’euros.