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Qu’est-ce que le postimpressionnisme ?
Le postimpressionnisme n’est pas véritablement un mouvement de peinture. Le terme renvoie à plusieurs artistes ayant rompu avec l’impressionnisme et caractérise un style personnel, marqué par une grande liberté de traitement. Parmi eux, Claude Monet à la fin de sa vie, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, Paul Cézanne, Henri de Toulouse-Lautrec et Paul Sérusier. Ces artistes suivent de près les impressionnistes, puisqu’ils prolongent leurs travaux, mais tandis que les premiers peignaient ce qu’ils avaient devant eux et continuaient le grand mouvement de mise en ordre du visible débuté cinq siècles plus tôt, les postimpressionnistes eux, tournent leur regard en eux-mêmes et couchent sur la toile leur moi profond, leur réalité. C’est pourquoi les postimpressionnistes explorent tant de styles différents, ils sont parfois appelés nabis, pointillistes, divisionnistes, synthétistes ou encore symbolistes.
En 1886 a lieu une huitième et dernière exposition impressionniste, Monet, Renoir et Sisley n’y figurent plus, à leurs places, des artistes affiliés au salon des indépendants : Signac, Pissaro, Seurat, Degas, Cassatt, Gauguin et Guillaumin. L’absence des grands maîtres impressionnistes secoue le monde de l’art et ses critiques, dont Felix Fénéon, qui écrit dans la revue Vogue « avec cette exposition, l’impressionnisme est définitivement mort. ». Et en effet, ces jeunes peintres ont tous en commun le refus du naturalisme, devenu le style officiel de la fin de siècle, et l’exprime chacun à leur manière.
Le néo-impressionnisme : la science comme loi
Le groupe de peintres constitué autour de Seurat et Signac accepte l’héritage impressionniste dont il poursuit les recherches, ce qui leur vaut d’être qualifiés de néo-impressionnistes par Félix Fénéon. Ces peintres souhaitent dépasser le regard de l’artiste impressionniste sur la nature qui l’entoure et mettre la science au service de leur art. Ils s’enthousiasment des théories d’Eugène Chevreul qui publie en 1839 De la loi du contraste simultané, exposant que toute couleur diffuse autour d’elle sa complémentaire : un objet bleu colore son environnement en orange, les abords d’une tache rouge sont verts, etc. Les peintres appliquent assidûment ces théories dans leurs œuvres en s’appuyant sur un principe fondamental qui est le mélange optique. Selon eux, des tons juxtaposés de couleurs pures révèlent bien plus fortement l’éclat d’une peinture qu’un mélange préalablement effectué sur la palette. Leurs peintures, formées d’accumulations de petits points de couleurs sont nommées pointillistes.
Georges Seurat est particulièrement attentif à l’application de ses principes en peinture, qu’il développe dans plusieurs toiles aujourd’hui considérées comme de véritables chefs-d’œuvre, Un après-midi à la Grande Jatte, exposé pour la première fois en 1886 et Le Cirque, une toile réalisée l’année de sa mort et conservée au musée d’Orsay. Cette dernière œuvre présente également les nouvelles théories de la psychologie des sensations développées par Charles Henri qui tente de décrypter les lois implicites de l’art : les lignes ascendantes suscitent la joie, les descendantes la tristesse tandis que les couleurs, selon leur vivacité, évoquent la joie ou le malheur. Après la mort de Seurat, Signac est le principal représentant du mouvement qu’il théorise en 1889 dans un ouvrage resté célèbre, D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme.
Cloisonnisme, synthétisme et nabis
Jusqu’en 1886 Paul Gauguin est très proche du mouvement impressionniste, mais souhaite renouer avec une nature primitive qui l’éloigne fortement des conceptions scientifiques et du style des néo-impressionnistes, qu’il qualifie, goguenard, de « ripipoints ».
Gauguin se rend donc en Bretagne et y trouve l’inspiration dans la nature qui l’entoure et qu’il recompose, bouleversant la perspective, schématisant les formes, exaltant les couleurs pures. Contrairement aux néo-impressionnistes, Gauguin s’offre le luxe de qualifier lui-même son mouvement : c’est le synthétisme. Ce courant s’inscrit pour partie dans les recherches précédentes menées par Louis Anquetin, principal représentant du cloisonnisme, un mouvement influencé par l’esthétique du vitrail, les estampes japonaises et les images d’Épinal et qui trouvera nombre d’adeptes, notamment en la personne d’Émile Bernard, à qui la critique attribuera également la parenté des premières œuvres synthétiques.
Émile Bernard et Paul Gauguin participent d’ailleurs ensemble à l’exposition Impressionniste et Synthétiste, en 1889 au café Volpini, où Bernard présente une toile sans ligne d’horizon, sans ciel, sans perspective, Le Pardon ou Les Bretonnes dans la prairie, aujourd’hui conservée au musée d’Orsay. Cette toile aura une influence déterminante sur Gauguin, sur Van Gogh qui en réalisera une copie et sur un tout jeune groupe de peintres réunis autour de Paul Sérusier : les nabis.
Les prémonitions des nabis
Les nabis, signifiant « prophètes » en hébreu, sont un groupe de jeunes peintres issus de l’Académie Julian regroupé autour du peintre Paul Sérusier qui souhaite transmettre à ses jeunes élèves les principes de la peinture tels qu’édictés par Paul Gauguin, auprès de qui il avait peint à Pont-Aven en 1888 Le Talisman, paysage au bois d’amour, une huile sur bois conservée au musée d’Orsay. Tout comme le synthétisme et le cloisonnisme, ce mouvement tend à ne garder que l’essentiel de la composition et à subtiliser la représentation naturaliste de la peinture à l’idée subjective du peintre : un thème hautement fondateur pour les avant-gardes à suivre.
Chez les nabis cependant, le caractère sacré et spirituel est très tôt affirmé et revendiqué dans des compositions poétiques, à l’esthétique parfois japonisante comme chez Bonnard et dans de grandes compositions décoratives visant à la réintroduction du Beau dans le quotidien.
Le postimpressionnisme ne se limite en aucun cas aux trois grands mouvements évoqués ici et présente des ramifications dans l’art de pratiquement tous les artistes novateurs actifs entre 1880 et 1910 : chez Toulouse Lautrec dans la vivacité de ses toiles peintes sur le vif dans les cabarets de Montmartre, chez Van Gogh dans la déformation expressionniste de la ligne, la dramatisation des scènes et la modification des couleurs.
Ce n’est pas non plus un hasard si les peintres de l’expressionnisme abstrait revendiqueront quelques années plus tard une filiation directe avec les dernières œuvres de Claude Monet, notamment le grand décor des nymphéas du musée de l’Orangerie.
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