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Comment reconnaître l’épisode du Jugement dernier ?
Sources textuelles et traditions
Avant même les grandes prophéties des Évangélistes, l’épisode du Jugement dernier est évoqué dans l’Ancien Testament, dans le psaume 7 « le Seigneur juge les nations » et dans le livre de Daniel, qui fait partie des sources primordiales.
Parmi les textes des Évangélistes, plus connus que les précédents, Matthieu annonce un temps où le soleil s’obscurcira et où la Lune s’éteindra : « Apparaîtra alors dans le Ciel le signe du Fils de l’Homme. Et il enverra des anges avec la grande trompette et des quatre vents, d’une extrémité de la terre à l’autre, ils rassembleront ses élus ». L’Apocalypse est quant à elle décrite de la sorte : « Alors je vis un grand trône blanc et celui qui y siégeait ». Les livres sont alors ouverts et « les morts furent jugés selon leurs œuvres et quiconque ne fut pas trouvé inscrit dans le livre de vie fut précipité dans l’étang de feu ». L’Apocalypse a également été considérablement traitée par Saint Jean avec moults détails dans lesquels ont puisé les artistes.
Représentations
Les premières représentations
Dès le IXe siècle, les byzantins représentent le programme entier du Jugement dernier, notamment le Christ assis sur son trône. Apparaissent également à l’époque différentes scènes infernales, comme la pesée des âmes, les morts réveillés par l’ange soufflant dans sa trompette, la mer rendant les morts ou encore l’ange roulant le livre des Cieux, comme représenté sur les fresques de la voûte et des murs du narthex de l’église orthodoxe de la Panagia Chalkeon à Thessalonique. Ce programme se maintient dans l’Église d’Orient jusqu’à la fin du Moyen Age, grâce à la grande diversité de thèmes qu’il propose.
La sculpture monumentale et les retables d’autels, supports privilégiés de la représentations du Jugement Dernier au Moyen Age
En Occident on ne représente pas, dans un premier temps, l’épisode du Jugement dernier. Les artistes l’évoquent seulement, notamment par le biais des brebis et des chèvres qui, selon Saint Matthieu, sont placées autour du Christ. Parfois aussi, la simple évocation de l’épisode des Vierges sages et des Vierges folles suffit. Il faut attendre le VIIIe siècle pour qu’apparaisse en Occident une réelle représentation avec toute la diversité et la complexité des épisodes. Ainsi, à cette époque apparaît la figure du Juge suprême, c’est-à-dire le Christ trônant en majesté avec une croix, parfois bénissant, dans sa seconde parousie (venue sur terre). Ce Christ trônant se diffuse dans la sculpture monumentale romane et gothique, notamment au tympan du portail de Sainte Foy de Conques, l’une des plus complètes représentations du Jugement dernier et de l’Apocalypse. Le Christ, représenté dans une mandorle, est alors très souvent accompagné des symboles des quatre Évangélistes: le Tétramorphe. Les trois Patriarches, Abraham (parfois représenté seul), Isaac et Jacob apparaissent également, ainsi que le cortège des damnés et des élus.
Aux tympans des portails des cathédrales gothiques, le Christ-Juge montrant ses plaies occupe désormais la place centrale, comme au portail central de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les anges portant les instruments de la passion le domine ou l’aborde, il est parfois accosté du Tétramorphe ainsi que de la Vierge, Jean et du cortège des Élus. Les autres éléments constants sont ceux du cortège des damnés, qui sont l’occasion de diverses représentations des vices humains, poussés par un démon vers la gueule du Léviathan, la bête de l’Enfer. Entre ces deux cortèges, l’archange Michel pèse les âmes sur une balance qu’un démon essaie de faire pencher de son côté. L’influence de la théologie, présentant Dieu comme un Dieu vengeur et sévère, influe fortement sur la notoriété de cet épisode auprès des commanditaires et des artistes. En plaçant cet épisode aux portails centraux des églises et cathédrales, il s’agit d’éduquer le fidèle à suivre les commandements de Dieu (et donc de l’Église, toute puissante) au risque de finir dévoré par le Léviathan et de subir mille sévices.
A la fin du Moyen Age, la représentation de cet épisode se diffuse plutôt sur les retables d’autels, dont l’un des plus remarquables exemples est celui donné par Rogier Van der Weyden dans Le Polyptyque du Jugement Dernier, 1446-1452, conservé aux musée des Hospices de Beaune ( Crédits photos : Cinéclub de Caen). Sur ce chef d’œuvre de la peinture flamande se déploient sur de plus de 5,50 de long et quinze panneaux, le Christ, Michel, Saint Jean et la Vierge, accostés de saints et d’apôtres indifférenciés. L’absence de démons exerçant une contrainte physique sur les pécheurs (la force de l’Esprit et de la conscience se suffisant à eux mêmes) est un cas assez unique dans ce type de représentations.
Le Jugement dernier de Michel Ange
La fresque du Jugement Dernier de Michel Ange, réalisée sur commande des papes Clément VII puis Paul III sur le mur de l’abside de la chapelle Sixtine au Vatican, entre 1536 et 1541, est sans nul doute l’une des plus célèbres représentations du thème grâce à ses dimensions exceptionnelles (16 mètres de hauteur sur 13 mètres de large). La représentation est elle aussi exceptionnelle : Michel Ange y introduit le mouvement fougueux et un Christ dynamique. Le Christ-juge est en effet représenté comme un personnage d’une force surhumaine, il ne montre plus les blessures mais expose son courroux. A gauche encore trône la Vierge tandis qu’on lui apporte, dans les lunettes, les instruments de la passion : colonne, croix et couronne d’épines. L’ensemble compose une scène saisissante, à la fois clairement composée et bouillonnante, mettant en avant le tourment des damnés.
Cette veine pathétique connaitra une grande postérité. En 1617, Rubens l’exploite dans une grande composition baroque aujourd’hui conservée à l’acte Pinacothèque de Munich, tandis que Rodin, presque trois siècles plus tard, multipliera les personnages en exacerbant le pathos dans sa Porte de l’Enfer, en bronze, commencée en 1880 et dont un modèle est conservé au musée Rodin de Paris.
Bibliographie : Michel Pastoureau, Gaston Duchet-Suchaux, La Bible et les saints, Collection Tout l’Art, 1994.