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Comment lire les œuvres représentant l’épisode de la crucifixion ?
Traditions et sources textuelles
Chacun des quatre évangélistes (Matthieu, Marc, Luc et Jean) rapporte l’épisode de la crucifixion et tous s’accordent à quelques variantes près, à la même narration. Cet épisode se situe juste près l’arrestation et la condamnation du Christ. Celui-ci est chargé de sa croix et tombe sous son poids. Alors, un passant, nommé par Matthieu « Simon, un homme de Cyrène » est requis pour porter la croix de Jésus.
Arrivés au mont Golgotha (appelé aussi le « lieu du crâne » puisque c’était là que les Romains attachaient les condamnés à mort), ils crucifièrent Jésus. Il y a trois croix sur le Golgotha, celle du Christ et celles des deux malfaiteurs crucifiés avec lui : l’un à droite et l’un à gauche, nommés le bon et le mauvais larron.
Luc met en scène dans son Évangile les tourments du Christ, à qui l’on donne du vin mêlé de fiel, que l’on tourne en dérision, décrivant les ricanements des soldats, l’écriteau au-dessus de la tête du Crucifié « Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs » et la manière dont les vêtements du Christ sont tirés au sort et partagés après sa mort. Après sa mort, un des soldats romains frappe le Christ d’un coup de lance sur le côté afin de vérifier sa mort.
Près de la croix du Christ sont présentes la Vierge Marie, sa sœur ainsi que Marie de Magdala (Marie Madeleine).
Représentations
Les premiers témoignages médiévaux
Il semble qu’il n’y ait aucune représentation de l’épisode de la Crucifixion durant l’art paléochrétien et il faut attendre le Ve siècle pour en avoir les premiers témoignages, notamment parmi les motifs sculptés de la porte en bois de l’église Sainte Sabine à Rome, vers 430, où le Christ, barbu est vêtu d’un perizonium simple, les yeux ouverts, ne semblant pas souffrir, dans une composition d’une grande simplicité où l’on trouve la présence des deux larrons. Durant les siècles suivants, les représentations du même type se multiplient, en mettant de plus en plus l’accent sur la glorification du Christ, parfois entouré du soleil et de la lune, comme dans les représentations byzantines.
Sous l’influence des textes littéraires franciscains, qui introduisent une modification de la sensibilité religieuse, un changement de la représentation du Christ crucifié se développe en France du Nord et dans l’Europe du Nord, à partir du XIe siècle. Le Christ est alors représenté mort, les yeux clos et coiffé de la couronne d’épines. Cette iconographie annonce la vogue, bien plus tardive, des Christs de piété, les célèbres Pieta.
La sculpture monumentale romane enrichit le nombre de personnages présents auprès du Christ, on y adjoint notamment Jean et un groupe de personnages chargés de consoler la Vierge, dont l’image est de plus en plus marquée par la douleur. Néanmoins, dans la plupart des représentations, les personnages se limitent au nombre de trois : le Christ, la Vierge et Saint-Jean. À ce groupe s’opposent régulièrement les soldats romains et leur capitaine, représentés avec des traits grossiers. Au contraire de l’Apocalypse, le thème de la Crucifixion occupe une place moindre aux tympans des grands édifices romans, mais s’illustre à l’intérieur de l’église, notamment au travers de grands groupes en bois polychromes placés sur des poutres de gloire, comme c’était peut-être le cas pour le Christ décloué de la Croix, dit « Christ Courajod », conservé au Musée du Louvre et datant de la première moitié du XIIe siècle.
Tandis que l’art gothique français tente de limiter le nombre de personnages au nombre de trois, l’art italien amplifie la scène : aux femmes réconfortant la Vierge, on trouve l’adjonction de Joseph d’Arimatie et des soldats jouant aux dés la tunique du Christ, ainsi que la Madeleine repentante aux pieds de la croix et parfois aussi Longin. De manière générale, les représentations varient considérablement selon la localisation de la production et les références théologiques.
La fin du Moyen Âge et la Renaissance, de grandes innovations
On trouve, à la fin du Moyen Âge, une réelle volonté de souligner le pathétique de la scène : le thème du Pressoir mystique s’affirme alors : le Christ, couché sous la vis du pressoir verse son sang, considéré comme une fontaine de Vie, pour laver le péché des hommes, comme dans une des miniatures de la Bible moralisée de Philippe le Hardi, réalisée vers 1485-1493 et conservé à la BNF.
En même temps que se développe la peinture de paysage, l’événement de la Crucifixion prend place dans un paysage de fond de plus en plus travaillé, où se détachent notamment les murs de Jérusalem comme dans la représentation de Masaccio réalisée en 1426 et aujourd’hui conservée au musée Capodimonte de Naples. La large diffusion du culte des saints provoque également l’ajout de saints inhabituels, comme Veronique avec le linge dont elle s’est servie pour essayer le visage du Christ, ainsi que la présence de donateurs en prière.
Crucifix ou crucifixion ?
À partir du XVIIe siècle, le type du Crucifié tend à se fixer grâce à la reprise de l’iconographie créée par Tintoret dans sa Crucifixion de la Scuola San Rocco de Venise, entre 1564 et 1567. Puis, on observe petit à petit une grande confusion entre le crucifix et la Crucifixion qui pousse les artistes à se concentrer sur la seule figure du Christ et à multiplier les effets de la souffrance, comme dans nombre de crucifix en ivoire des dix-septièmes et dix-huitièmes siècles qui passent très régulièrement sur le marché de l’art européen.
Le thème pourtant éculé ne s’essouffle pas aux siècles suivants, les grands maîtres de l’avant garde s’en emparant, comme Pablo Picasso qui peint une Crucifixion en 1930, conservée au Musée d’Art Moderne de Paris.
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