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L’art du vitrail français au Moyen-Age et à la Renaissance
L’art du vitrail est, dans nos esprits, intimement et presque exclusivement lié aux architectures médiévales et religieuses : églises, mais surtout cathédrales où il s’exprime sur de grandes et magnifiques rosaces, comme à Notre-Dame de Paris, de hautes fenêtres comme à la Sainte-Chapelle de Paris ou encore de larges verrières, comme à Chartres. Pourtant, le vitrail n’est pas uniquement religieux et s’inscrit, pour la période ici traitée, dans une évolution des techniques et des formes qui reflète bien les sociétés médiévales et l’Humanisme du début de la Renaissance. C’est également un art à la croisée de plusieurs autres : l’architecture, le travail du verre, la sculpture des cadres de plomb, le dessin et la peinture. Retour sur cet art ancestral, ses techniques et son histoire.
Histoire et techniques
Qu’est réellement le vitrail ? Il s’agit d’une fenêtre translucide, colorée ou non, formée d’une multitude de morceaux de verres plats soufflés à la bouche et assemblés grâce des tiges de plomb. Ils sont également peints à la grisaille pour créer une fenêtre à but didactique et esthétique. Il est assez difficile de retracer l’origine du vitrail qui prend certainement ses sources dans les claustra, les fenêtres antiques décrites par Pline le Jeune. Les plus anciens témoignages européens conservés datent quant à eux du XIe siècle et sont encore visibles notamment au musée de l’œuvre de la cathédrale de Strasbourg. On admet également que les hautes fenêtres de la cathédrale d’Augsbourg (vers 1100-1140) sont le plus vieil ensemble conservé. Notons également que jusqu’au XVIe siècle, les sujets sont essentiellement religieux, le premier vitrail civil connu se trouve dans le palais Jacques Cœur à Bourges.
Les techniques de fabrication traditionnelles du vitrail sont anciennes et restent sensiblement les mêmes au fil des siècles. Elles s’appuient notamment sur le traité du moine Théophile, constitué vers 1100. Ainsi, dans un premier temps le dessin général est tracé à la mine de plomb ou à la peinture à échelle 1 sur la table de travail en bois (le papier n’est pas encore d’usage au Moyen Âge), les vitraux de verre sont soufflés (au manchon ou en plateau) et maintenus dans les rainures des baguettes de plomb soudées. Enfin, les vitraux reçoivent un décor peint à la grisaille, c’est-à-dire avec une peinture vitrifiable à la cuisson. La technique reste la même à la Renaissance, sauf que les plombs se font de plus en plus discrets et que les dessins préparatoires sont établis sur papier ou parchemin.
Formes et spécificités au Moyen Âge
Bien qu’ils aient apparemment existé depuis l’époque mérovingienne, les premiers vitraux qui nous sont parvenus datent du XIIe siècle et se composent, généralement, de médaillons carrés ou circulaires. Chaque personnage représenté était associé à une identification sous la forme d’une inscription, les cycles iconographiques étaient en effet très élaborés et érudits. Les coloris bleus et rouges dominent largement en France, tandis que les pays germaniques préfèrent les teintes rouges et vertes. Les conventions de représentation sont assez strictes : les personnages sont de petites dimensions et s’inscrivent dans un cadre végétal réduit à son strict minimum. Une bordure végétale, parfois ornée d’animaux fantastiques, entoure les compositions. Ces vitraux aux couleurs chatoyantes n’ont pas cours dans les abbayes cisterciennes, marquées par un esthétisme plus strict.
À partir du XIIIe siècle, l’art du vitrail est chamboulé par les innovations architecturales gothiques : grandes rosaces, croisées d’ogives qui permettent de plus grandes verrières grâce aux arcs-boutants. Les bordures se font également moins larges et les inscriptions plus discrètes, les attitudes des personnages sont moins hiératiques et les représentations végétales s’approchent de la réalité. Peu à peu, la palette s’étend avec l’apparition au XIVe siècle de la technique du jaune d’argent qui permet des couleurs absolument éclatantes et une moindre mise en plomb.
La Renaissance : le dernier grand âge du vitrail ?
À partir du XVe siècle, l’art du vitrail en France s’oriente, tout comme la peinture, vers plus de réalisme dans les représentations, notamment dans le modelé des personnages et le souci de la profondeur qui conduira à la perspective et à l’affranchissement de la composition du cadre architectural. Les nouveautés techniques dans le travail du verre permettent également de plus larges surfaces découpées et une plus grande gamme de couleurs et de textures dont la plus appréciée sera le damassé, un décor ornemental répétitif s’inspirant des tissus byzantins. Peu à peu, les peintres de vitraux disposent d’une palette de couleurs aussi vaste que les peintres de chevalet.
D’ailleurs, au XVIe siècle, le vitrail dépasse du cadre religieux auquel il était largement cantonné, les sujets profanes sont les mêmes que ceux des peintures de chevalet et ils vitraux s’inscrivent dans les architectures civiles, comme au château de Chantilly qui conserve un ensemble exceptionnel de quarante-quatre vitraux en grisaille du XVIe siècle narrant l’histoire de Psyché. Les fonds sont architecturés ou s’animent de végétaux et animaux réalistes. Les peintres verriers sont également mieux connus qu’à l’époque précédente grâce aux contrats conservés dans les archives. L’extraordinaire richesse de l’art du vitrail brille de ses derniers feux à la Renaissance et sera par la suite délaissée tant par les artistes que les commanditaires jusqu’à la toute fin du XIXe siècle. L’art nouveau donnera un nouvel essor au vitrail, dont Tiffany, Mucha et Gruber sont les plus grands représentants en Europe.
Les artistes contemporains mettent également leur imagination et leur créativité au service de cet art millénaire. L’un des cycles les plus saisissants est celui réalisé par Stéphane Belzère et l’atelier Duchemin pour la cathédrale de Rodez, qui témoigne que l’art millénaire du vitrail a encore de beaux jours devant lui.
Concernant la place du vitrail ancien sur le marché de l’art, sachez que les copies de vitraux anciens sont assez rares, en revanche les « montages antiquaires » sont monnaie courante. En cas d’hésitation, n’hésitez pas à nous demander conseil.
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