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Qu’est-ce la sculpture romantique ?
En France, le mouvement romantique apparaît dans un premier temps en littérature, puis en peinture, grâce à la présentation remarquée du Radeau de la Méduse de Géricault au salon de 1819 et en sculpture dix ans plus tard, en 1830. En effet, l’influence de l’École des Beaux-Arts ainsi que la difficulté qu’éprouvaient les sculpteurs à produire sans commanditaires ont retardé de plusieurs années l’apparition du romantisme.
Le courant romantique se définit dans un premier temps en réaction aux conceptions classiques qui régentaient les arts depuis la fin du XVIIIe siècle. Il s’épanouit sous la monarchie de Juillet grâce à l’entremise du roi Louis-Philippe, grand collectionneur et soutien pour les artistes. Il est en effet assez libéral et laisse, jusqu’en 1835, l’académie libre, ce qui donne lieu en 1831 et en 1833 aux deux grands salons de la sculpture romantique. À partir de 1834, le Salon se durcit contre ces œuvres non académiques jusqu’en 1840, date à partir de laquelle les sculptures d’inspiration romantique sont presque systématiquement refoulées.
Qu’est-ce que la sculpture romantique ?
L’enjeu pour les sculpteurs est d’offrir un grand renouvellement des modèles et des sujets duquel découle un écroulement de la hiérarchie des genres ! La sculpture romantique inaugure un mouvement de recherche vers une représentation au plus proche de la réalité, qui va s’intensifier tout au long du XIXe siècle. Elle cherche son inspiration dans les temps moins anciens que la grande Antiquité, dans le Moyen Âge, la Renaissance et même le XVIIe siècle. On remarque également un goût pour le surnaturel et pour un style plus pictural et l’expression d’une « tension de l’âme ».
Pour Charles Baudelaire, « le romantisme n’est précisément ni dans le choix des sujets, ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir ».
Les sujets littéraires, religieux et fantastiques
Le XIXe siècle connait une grande vogue des sujets empruntés à la littérature, contemporaine ou antérieure. Les années 1830-1840 laissent ainsi la part belle aux épisodes issus du roman de l’Arioste, Roland furieux, qui conte les aventures de Roland, épris d’Angélique qui en aime un autre. Le thème est notamment repris en peinture par Delacroix ou Ingres et en sculpture par Barye (Roger et Angélique montés sur l’hippogriffe) et Jean Duseigneur, qui réalise un Roland furieux en bronze, conservé au Musée du Louvre. Le choix de cet épisode particulier permet de montrer la violence et la passion du personnage principal et participe du goût de la génération romantique pour le Moyen Âge.
Duseigneur, qui appartenait au cénacle de Victor Hugo, avait d’ailleurs adopté le prénom médiéval Jehan. Pourtant, l’artiste ne décrit pas un chevalier en armure, avec tout son attirail pittoresque. Il choisit le seul passage où le héros est dévêtu, ce qui lui permet de justifier une démonstration virtuose de nu académique, conforme à la tradition classique, et de se faire exposer au Salon.
Cet objet fait partie des œuvres les plus emblématiques du romantisme des années 1830. Feuchère décide ici de représenter un Satan très mélancolique, replié à l’abri de ses ailes, le menton négligemment appuyé sur la main avec un visage dont la tristesse suscite la pitié plus que la réprobation. Feuchère y adjoint un sens décoratif du détail, rivalisant avec les gargouilles médiévales front surmonté de cornes oreilles démesurées, pieds griffus, épine dorsale reptilienne… tout cela est à replacer dans le goût pour l’historicisme et notamment le néo-gothique qui fleurit également à la même époque.
On observe ainsi une interpénétration des styles et des thèmes au cœur même de la sculpture romantique, et les sujets religieux empruntent parfois au genre du fantastique comme dans le cas du petit bronze de Jean-Jacques Feuchère, Satan, paire de vases aux chauves-souris, présenté au Salon de 1834.
La statuette illustre avec virtuosité la prédilection des artistes romantiques pour la figure de l’ange déchu, si proche de l’homme par sa faillibilité. Pour eux Satan symbolique également l’artiste lui-même qui, par ses œuvres, défie lui aussi le Créateur. De manière générale, la génération romantique se passionne pour les personnages maudits, Faust, Caïn et Mc Beth. Au-delà de toutes ces caractéristiques assez propres à la sculpture romantique, cette œuvre illustre également la vogue des petits bronzes qui se développe dans les années 1830, grâce au commerce florissant des bronzes d’édition. On connaît en effet plusieurs exemplaires du Satan, presque tous datés de 1833 (l’année précédant la présentation de l’œuvre au Salon).
L’histoire de France
L’histoire de France intéresse les sculpteurs romantiques qui s’attachent parfois à la représentation intime et familière de l’histoire, comme dans le cas du Henri IV enfant, de François Joseph Bosio, une sculpture en argent fondu et martelé, réalisée en 1824, lors du règne de Louis XVIII qui commande cette œuvre dans un but d’affirmation et de mise en scène de la continuité dynastique entre les Bourbons et Louis XVIII. Cette œuvre peut-être rapprochée de la sculpture troubadour, qui découle de la vogue du roman historique. On souhaite ici montrer un Henri IV dans toute sa vérité historique notamment à travers ce costume extrêmement détaillé, le charme de l’enfance qui séduit les contemporains et la légitimation des nouveaux rois restaurés. Le Henri IV de Bosio deviendra donc un symbole de la nostalgie des légitimistes et sera démultiplié en de multiples exemplaires (de nombreuses réductions réalisées par Barbedienne permirent sa diffusion auprès du grand public).
Peu après, François Rude réalise à l’Arc de Triomphe le relief le plus connu de la sculpture romantique, une œuvre qui a défrayé la chronique et ouvre sur le naturalisme en sculpture. Il livre en effet une composition exceptionnelle où une Victoire ailée désigne de son glaive la voie que doivent suivre les guerriers, volontaires de tous âges et de toutes conditions. Cette œuvre, parcourue d’un souffle épique avec une volumétrie et un dynamisme exacerbés, est l’archétype de la sculpture romantique notamment grâce au visage éloquent de l’allégorie de la guerre (parfois appelée la Marseillaise) avec des yeux outrageusement expressifs, la bouche très ouverte en un cri, les sourcils froncés, le tout exprimant un sentiment farouche d’engagement pour la patrie.
D’autres sculpteurs puisent dans l’actualité contemporaine, tel David d’Angers, qui exécute Jeune Grecque au tombeau de Botzaris, une œuvre emprunte de beauté et de militantisme.
La sculpture animalière
Le XIXe siècle est le grand siècle de la sculpture animalière, le mouvement romantique favorisant l’émergence du genre en l’inscrivant dans la droite lignée des artistes peintres comme Horace Vernet ou Géricault. Le monde animal fascine les artistes romantiques qui s’attachent à comprendre leur dualité, entre sensibilité et férocité.
En dépit de la grande réticence du monde académique, la sculpture animalière va peu à peu s’affirmer et connait un tournant décisif en 1831, lors du salon de Paris où une sculpture d’Antoine-Louis Barye (1795-1875) intitulée Un lion dévorant un gavial connaît un succès retentissant et suscite l’admiration du grand public, émerveillé par le rendu extrêmement naturaliste des animaux et la dimension épique du violent affrontement. Un peu plus tard, il conçoit ce Lion au serpent, conservé au Musée du Louvre et fondu en 1835. Cette œuvre de Barye, qui se spécialisera dans ce genre, porte en elle toute l’essence de la sculpture animalière romantique : les animaux sont le sujet même de l’œuvre (et non pas un accessoire à visée symbolique ou décorative) et ont un rendu réaliste, parfois même illusionniste comme c’est le cas ici avec la fourrure du lion.