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Comment reconnaître l’épisode de la fuite en Égypte ?
Sources textuelles et représentation
Matthieu est le seul des quatre évangélistes à relater cet épisode auquel il adjoint l’épisode du massacre des Innocents. Selon ses écrits, le roi Hérode, informé de la naissance à venir du « roi des juifs » à Bethléem, ordonna de tuer tous les enfants de moins de deux ans qui se trouvaient dans la ville. Suite à cet ordre, un ange du Seigneur ordonna en songe à Joseph de fuir en Égypte avec l’Enfant Jésus et sa mère car « Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. Joseph se leva, prit avec lui l’Enfant et sa mère et se retira en Égypte ».
À ce récit de Matthieu, de nombreux récits apocryphes enrichissent l’histoire de nombre d’anecdotes, telle celle de la poursuite d’Hérode et du miracle du champ de blé. Lors de cet épisode, la Sainte Famille est poursuivie par les soldats du cruel roi et passe à côté d’un champ de blé où travaille un homme. Marie lui demande de dire aux poursuivants qu’il a vu passer les fugitifs au moment des semailles. Le blé alors se lève instantanément par l’effet d’un miracle et les assaillants, en considérant la hauteur, renoncent à leur poursuite en apprenant que le groupe est passé depuis si longtemps. Ce thème a été appelé à une grande fortune dans le folklore occidental.
Les Représentations de la fuite en Égypte
L’avertissement de l’ange à Joseph
Il s’agit du premier épisode précédant la fuite, lorsque l’ange vient en songe avertir Joseph des projets cruels du roi Hérode. Cet épisode a été l’occasion pour les artistes de représenter le songe, le sommeil et l’apparition divine. Généralement, on y voit Joseph endormi et l’ange descendre des Cieux vers lui. Parfois, la scène s’ancre plus profondément dans le quotidien, comme dans le superbe tableau de George de la Tour, Apparition de l’ange à Joseph, une toile réalisée vers 1640 et conservée au Musée des Beaux-Arts de Nantes. L’œuvre nous montre une scène nocturne, où un enfant et un vieillard endormi sont séparés par une table. L’enfant, l’Ange en réalité, semble surgir du noir et cache la flamme de la bougie, symbole de la lumière divine.
La fuite et ses différents épisodes
Le thème central, celui de la Fuite (lorsque la famille est déjà en route), a été très abondamment traité à partir du Ve siècle. Outre les trois personnages principaux, les représentations narrent également la présence d’un petit âne ainsi qu’un ange qui guide les fugitifs. En France, l’une des plus précoces et des plus célèbres représentations de cet épisode est due au sculpteur Gislebertus, l’un des rares artistes de l’art roman dont nous avons l’identité, sur un des chapiteaux historiés du chœur de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun. Un moulage de cette œuvre peut-être admiré à la Cité de l’Architecture, à Paris.
Au Moyen Âge, le thème de la Fuite figure généralement dans les cycles de la vie de Jésus ou de Marie comme dans le célèbre Polyptyque des sept douleurs d’Albrecht Dürer, réalisé vers 1500 et conservé à l’Alte Pinakothek de Munich. Aux côtés de la Fuite figurent notamment les épisodes de la Circoncision de Jésus, Le Christ parmi les docteurs ainsi que des scènes de la Passion.
À partir du XVe siècle, les artistes condensent souvent en une seule image différents éléments issus des traditions apocryphes : l’épisode du champ de blé sert, dans la peinture flamande des XVe et XVIe siècles, de toile de fond à l’épisode de la Fuite ou de la halte. Parallèlement, en même temps que se développe dans les arts visuels et notamment en peinture l’intérêt tantôt pour les représentations d’intérieur, tantôt pour le paysage qui prend une place prédominante dans les compositions, les artistes optent pour tel ou tel épisode qui sont autant de prétextes à des représentations nouvelles. Ainsi, Joachim Patinir, un peintre flamand considéré comme l’un des premiers paysagistes de l’histoire de l’art occidental place dans son tableau du musée du Prado, une scène religieuse, Le repos pendant la fuite en Égypte, au milieu d’un « paysage-monde » décrivant le maximum d’éléments naturels pour montrer leur dextérité (roches, végétation, constructions, rivières, lacs, etc.).
La représentation de la halte et du repos des fugitifs occupe en général le premier plan des représentations picturales des XVIe et XVIIe siècles qui s’allie aux goûts pour le pittoresque et l’inventivité des grands maîtres, renouvelant sans cesse le thème comme le fait notamment Caravage dans son Repos pendant la fuite en Égypte, une toile réalisée vers 1596-97 et conservée à la galerie Doria-Pamphilij. Le maître y représente une scène rustique, où Joseph tient une partition pour un ange représenté de dos et à peine vêtu d’un voile tandis que la Vierge, maternelle, s’endort en tenant dans ses bras l’Enfant Jésus.
D’autres artistes, comme Nicolas Poussin ou François Boucher renouvelleront considérablement le thème, pour le premier en lui rendant une grandeur mythologique dans son tableau du Louvre, pour le second en associant à la scène du repos la rencontre de l’Enfant Jésus et du petit Saint-Jean-Baptiste enfant dans sa toile réalisée vers 1750 et aujourd’hui conservée à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Cette toile reprend une association déjà citée par Raphaël dans sa Madonna Del Passeggio, réalisée vers 1516 et conservée à la galerie nationale d’Écosse à Édimbourg. La Fuite reste un des thèmes iconographiques majeurs dans l’art occidental jusqu’au XIXe siècle, lorsque les représentations s’essoufflent.
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