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Le style troubadour et le néo-gothique
Le terme de « troubadour » a été utilisé dès la fin du XIXe siècle pour qualifier les œuvres datant généralement de la période de l’Empire (1805-1815) et de la Restauration (1815-1830) et qui illustraient un Moyen Âge souvent fantasmé et loin de la réalité historique. Puis, par extension, ce terme fut appliqué à toutes les productions artistiques qui reprenaient des formes ou des thèmes médiévaux. Ce mouvement, également parfois qualifié de néo-gothique, prend ses sources dans la réaction des artistes au style néo-classique, à l’influence du style néo-gothique anglais et à l’impact de la littérature romantique, surtout de Victor Hugo. Bien connaître ce style c’est éviter de se tromper et de prendre pour médiévale une œuvre du XIXe siècle !
À l’origine d’un style, le Moyen Âge retrouvé :
C’est durant la Révolution française que le grand public a pu redécouvrir les vestiges de son passé médiéval, notamment grâce à l’entreprise d’Alexandre Lenoir, qui ouvre en 1795 le Musée des Monuments Français, dans lequel il avait disposé les œuvres des églises vandalisées dans des reconstructions de type « period-room » avant l’heure. Ces atmosphères, au goût médiéval ou renaissant, frappèrent les contemporains et inspirèrent de jeunes peintres souhaitant rompre avec le goût néoclassique, omniprésent en France à travers la figure du grand David. De même, on assiste en France à une résurgence du sentiment chrétien avec la parution en 1800 du Génie du Christianisme de Chateaubriand qui pousse les artistes à se tourner vers un passé chrétien glorieux.
Le style troubadour :
Dès le Salon de 1802, on commence à avoir des peintures dites troubadours, celles-ci sont tout d’abord qualifiées de « genre anecdotique », c’est à dire à mi-chemin entre la peinture d’histoire et la scène de genre. En effet, étonnamment, les peintres troubadours ne retiennent pas les grands épisodes de l’histoire française, mais des anecdotes, souhaitant sans doute représenter de manière plus familière les grands noms de l’histoire, rois et personnages célèbres. Certains peintres s’en sont même fait une spécialité, comme Pierre Révoil ou Fleury Richard, qui s’illustrent dans le genre de l’historicisme. Certains grands maîtres, comme Ingres, se sont également essayés au genre avec plaisir, pour leur clientèle privée. Voyons par exemple le célèbre tableau intitulé François Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci, 1818, Petit Palais, Paris, qui concilie le style troubadour et la peinture d’histoire.
Même pour un œil peu habitué, la peinture troubadour est aisément différenciable de la peinture médiévale, notamment car les peintures médiévales qui nous sont parvenues sont relativement peu nombreuses, mais également, car les toiles troubadours recouvrent à peu près toutes les mêmes caractéristiques : une peinture de petit format représentant une anecdote édifiante sous une forme théâtrale avec une touche très lisse, presque porcelainée. L’engouement pour ce type de peinture s’essouffla vers 1824, supplantée par le goût romantique.
Concernant la sculpture, il est assez difficile de parler de style néo-gothique ou troubadour. Ainsi, bien que de nombreux sculpteurs tels Antoine-Louis Barye, Etex ou encore Marie d’Orléans sculptèrent des personnages médiévaux, leur style est plus à rapprocher du romantisme. De même pour Félicie de Fauveau, qui créa des œuvres à mi-chemin entre la sculpture romantique et troubadour, comme dans le cas de son chef-d’œuvre Paolo et Francesca, 1836, groupe en marbre inclut dans une châsse néo-gothique.
Les décors néo-gothiques :
Concernant la sculpture et les arts décoratifs, le terme de néo-gothique convient mieux que celui de troubadour. En effet, il y a là parfois une réelle recherche de « recréation ».
On observe, dès le XVIIIe siècle en Angleterre, un goût très affirmé pour l’architecture médiévale, qui se traduit outre-Manche par la construction au XIXe siècle de grands ensembles palatiaux ou religieux de style néo-gothique, comme l’Abbotsford House en Écosse. En France, le goût est également très présent, il s’agit parfois simplement d’un habillage néo-gothique fantaisiste sur un édifice existant, comme dans le cas de la chapelle royale de Dreux par Lefranc ou bien encore d’une recréation fantasmée, comme le château de Pierrefonds par Viollet-Le-Duc, ou d’une invention totale comme dans le cas du château de Challain-la-Potherie.
Dans les arts décoratifs, le style néo-gothique, alors appelé « à la cathédrale » touche tous les aspects de la création, des meubles jusqu’aux reliures de livres en passant par les dés à coudre. Dès la fin du XVIIIe siècle, l’ébéniste Pierre-Antoine Bellanger réalise du mobilier « en la forme gothique » et sera rapidement suivi par Jacob-Desmalter qui s’inspire notamment du mobilier anglais. Ce style est alors fortement diffusé par la duchesse du Berry et Marie d’Orléans, qui possédait un « salon gothique » aux Tuileries, ainsi que par de nombreuses boutiques parisiennes qui étendent ce goût à la noblesse et à bourgeoisie comme le célèbre Escalier de Cristal. Fort heureusement, les différences entre le « vrai » mobilier médiéval et le mobilier néo-gothique sont nombreuses. Ainsi, le mobilier néo-gothique conserve son aspect confortable et ses formes convenues en changeant seulement le répertoire décoratif, qui est parfois le résultat de plusieurs influences différentes. On substitue par exemple au dossier classique une arcature ogivale ou un arc trilobé. De plus, l’ornement, tant sur le mobilier que sur l’objet décoratif est alors au centre des préoccupations, on y retrouve (parfois de manière très chargée) des blasons fantasmés, des licornes et chimères, des couleurs appuyées ornées de rinceaux végétaux, des troubadours, des chevaliers…
Ce goût du néo-gothique dans les arts décoratifs s’essouffle également et on considère généralement que Viollet-Le-Duc en sera un des derniers représentants, notamment pour sa commande de mobilier du château de Pierrefonds, vers 1860.
Ainsi, le style qualifié de troubadour en peinture ou de néo-gothique dans l’architecture et les arts décoratifs est assez spécifique pour pouvoir se différencier plutôt aisément de l’art médiéval. Néanmoins, dans certains cas l’authentification peut s’avérer difficile, dans le cas de copies XIXe d’éléments médiévaux, comme des sculptures par exemple. Si vous avez un doute, n’hésitez pas à demander une expertise complète de votre objet.
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