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Entre académisme et romantisme, quels sont les styles concurrents au XIXe siècle ?
L’opposition entre ces deux pôles de la création artistique est caractéristique du XIXe siècle. C’est cette opposition entre les traditions héritées de la fin du XVIIIe et les envies de nouveauté qui vont créer les innovations des artistes au XIXe, et encadrer la création.
L’héritage néo-classique
Tenant de l’Académie, le style officiel est encore emprunt au début du XIXe par la période napoléonienne. Le néo-classicisme, représenté par David puis par Ingres, se voit poursuivre tout au long XIXe par la présence des académiciens. Les œuvres inspirées de l’antique et basées sur la copie des grands maîtres restent appréciées durant la totalité du siècle, jusqu’en 1914.
Ingres, la figure centrale de l’académisme
Ingres est en effet le grand maître à imiter, et le principal tenant de l’Académisme au XIXe. Héritier de David, il est durant la première moitié du XIXe le peintre le plus influant du style académique et le grand rival de Delacroix. Car si les thèmes qu’ils emploient tout deux se touchent, le traitement de ces thèmes reste diamétralement opposé. Pour Ingres, on note une finesse et un aspect lisse, presque irréel des corps. Par ailleurs, la déformation des lignes est aussi de mise, avec un aspect surréel presque étrange. Cela est notamment visible sur une de ses dernières œuvre, Le bain turc, où on retrouve des corps sinueux, qui pourtant demeurent héritiers du traitement antiquisant des figures ingresques.
La poursuite de l’art académique
Parmi les grands représentants de ce style, on peut en effet noter la personne de Jean-Léon Gérôme. Il obtient le grand prix de Rome en 1844, et cherche à revitaliser la création inspirée de l’Antique et des textes religieux. Ses toiles connues comportent cet élément d’inspiration comme dans Jérusalem ou le Golgotha. Ce tableau demeure étonnant par sa nouveauté de ne pas représenter le corps du Christ. A la place, Gérôme représente les ombres projetés des crucifiés, et au loin Jérusalem plongée dans un sombre inquiétant, comme un rappel de l’événement qui vient d’avoir lieu.
L’académisme a également des suiveur en sculpture, qui demeure un moyen de représentation privilégié de l’académisme. Elève du sculpteur Pradier, Eugène Guillaume illustre cette tendance dans ses œuvres sculptées. L’inspiration et la copie d’antiques est visible dans ses œuvres, qui reprennent volontiers des scènes et compositions déjà vues dans les peintures d’histoire aux siècles précédents. C’est le cas de sa composition Les Gracques, qui reprend le modèle des bustes romains. De plus, par une inscription, il trace aussi un lien entre la politique agricole de la France en 1853 et celle de Rome, illustrant les réformes agricoles sous Napoléon III.
Le Romantisme, un courant de nouveauté
En opposition à cette poursuite des normes issues de l’Académie se place le mouvement qu’on décrit comme « romantique ». Plus personnel et contemporain, ce mouvement va être porté par de grandes figures du XIXe siècle.
Delacroix, le grand rival d’Ingres
Probablement la figure la plus illustre des romantiques français en art, le peintre Eugène Delacroix incarne ce mouvement d’opposition et de modernité face à l’académisme. Ses compostions, inspirées de l’historie moderne et contemporaine placent une plus grande sentimentalité, plus de puissance dans la représentation.
Il illustre notamment les courants révolutionnaires qui parcourent l’Europe au XIXe siècle, dans son tableau de 1830 La liberté guidant le peuple, en référence à la Révolution de Juillet. Comme Lord Byron qui s’engage dans les mouvements révolutionnaires en Grèce, Delacroix se fascine pour ces événements. Il transpose l’horreur des événements dans Les Massacrés de Scio, tableau restauré en 2020 par le musée du Louvre. Les couleurs employés par Delacroix le rapprochent des peintres coloristes, dans la suite de Rubens. Par ailleurs, on observe aussi une fascination pour l’exotisme et l’Orient dans ses toiles, mais dans une veine opposée à Ingres. Ces toiles comme La mort de Sardanapale montrent ce goût orientaliste sous un traitement plus dynamique, fourmillant de détails et de touches rapides.
Le romantisme, un mouvement acéphale
Bien que l’on parle d’un mouvement, il s’agit plus d’une tendance, qui laisse s’exprimer les différentes visions des artistes. Une des figures représentatives de ce mouvement est Géricault. Mort jeune comme d’autres artistes « maudits », ses œuvres traduisent d’une tourmente et d’une forte émotivité. C’est le cas de son œuvre la plus connue, Le Radeau de la Méduse, peinte comme une dénonciation des erreurs de la Restauration. On voit s’exprimer également dans une veine plus sombre des artistes comme Auguste Préault.
Cet artiste, qui a notamment sculpté des monuments funéraires au Père Lachaise, exprime une tendance plus morbide du romantisme en France. Ces sujets plus macabres, comme la mort d’Ophélie dans Hamlet, proposent une nouvelle vision de la mort, non héroïque mais dramatique. Elle est accentuée notamment par les matériaux employés, notamment ici le bronze.
Vers un style nouveau : éclectisme, réalisme, impressionnisme
Ces oppositions entre ces deux courants majeurs n’empêchent pas une recherche d’innovation et de création, notamment à travers les différents courants qui émergent dans la deuxième moitié du siècle.
L’éclectisme et le naturalisme, deux perceptions du siècle
La recherche d’un style propre au XIXe siècle est une question qui perturbe la production artistique. Avec les renaissances de style, tel le néo-gothique et le néo-renaissance, les artistes cherchent à identifier un style qui caractérise le XIXe. Ce mouvement va être incarné par l’éclectisme, une combinaison de différentes influences rassemblées dans une seule œuvre. Ce style, que Garnier identifiera comme le style Napoléon III, se développe dans tous les milieux de la création artistique.
En sculpture, on le voit dans l’œuvre de Charles Cordier (1827-1905), avec des sculptures ethnographiques et de divers matériaux. Ce style, que l’on retrouve dans l’Opéra Garnier à Paris, est également visible dans les peinture de Thomas Couture, ou encore plus dans les collaborations d’artistes dont la plus célèbres est la Toilette de la Duchesse de Parme. Réalisée par pas moins de 7 artistes, comporte des éléments de multiples cultures et styles, de Saint Louis à Louis XVIII.
En parallèle de ce style, on retrouve une tendance plus apaisée et neutre, représentée par Courbet. Il s’agit du naturalisme, qui vise une démocratisation de l’art et une vision plus sacralisée de la banalité, du quotidien. C’est ce que représente Courbet dans les grands formats qu’il emploie pour des scènes du quotidien paysan. Dans Un enterrement à Ornans le format de la peinture d’histoire est détourné pour une scène du peuple. Un autre artiste à rapprocher de ce mouvement est Jean-François Millet, connu pour ses scènes paysannes, donnant une sacralité à la vie des campagnes. Ces tendances sont visibles sur son tableau L’Angélus, de 1859, conservé au musée d’Orsay.
Le tournant vers la modernité
Le développement du naturalisme mène une réflexion des peintres sur ce qu’est la peinture et sur le regard porté par l’artiste sur le monde. En s’éloignant du mimétisme, ceux-ci vont s’essayer à une touche nouvelle, qui reflète leur perception du réel et exprime la vision de l’artiste sur le monde. Premièrement, cette nouveauté dans la peinture émerge avec Edouard Manet, qui connaît notamment l’Italie et les artistes macchiaioli ainsi que les coloristes vénitiens. Mais l’acte de naissance de l’Impressionnisme survient avec Impression, soleil levant de Monet, lors de la Première exposition des peintres impressionnistes en 1874, où figurent également Degas et Renoir, qui sont retenus par la critique qui leur donne ce nom d’ « impressionnistes ».
Cette nouvelle peinture passe notamment également par une valorisation du travail en extérieur, mais aussi sur la touche rapide. Le tableau d’aspect non fini permet une mise en avant du travail de la lumière. Les œuvres des Impressionnistes marquent durablement l’évolution de la peinture, la détachant de la mimésis pour une expression plus forte de l’intériorité et du ressenti du peintre. C’est cet aspect qui sera développé tout au long de la peinture moderne, menant d’une impression à l’abstraction. La peinture devient alors elle-même le seul sujet de la représentation.