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Zao Wou-Ki et les poètes : une histoire d’amitié

Né en Chine en 1920, Zao Wou-Ki (1920-2013) étudia à l’École des Beaux-Arts de Hangzhou avant d’arriver à Paris en 1948.

Peintre figuratif dans un premier temps, il se tourna vers l’abstraction à partir de 1954. Sous l’influence de divers artistes, dont les expressionnistes abstraits américains Jackson Pollock (1912-1956) et Mark Rothko (1903-1970), Zao Wou-Ki poussa son œuvre jusqu’à l’abstraction lyrique.

Si son œuvre peinte demeure la partie de son art la plus connue, il ne faut pas oublier ses estampes en couleurs. L’artiste mit notamment la maîtrise de la lithographie au service de ses amis poètes pour lesquels il illustra leurs textes dans plusieurs livres illustrés.

La maîtrise de l’encre de Chine en héritage

Zao Wou-Ki exécuta ses premières encres de Chine dans les années 1940. Mais arrivé en France, l’artiste abandonna cette technique de peur d’être étiqueté « peintre chinois ».

Préoccupé par la maladie de sa femme, Zao Wou-Ki se réappropria cette technique en 1971 au détriment de ses huiles. 

Ses estampes, lumineuses et transparentes, jouent avec les vides et les pleins. Si ces estampes s’inspirent des encres de Chine elles sont cependant très colorées.

Zao Wou-ki, Sans Titre
Zao Wou-Ki, Sans titre, 1972, encre de Chine

À partir de 1950, l’artiste franco-chinois illustra de nombreux poèmes. Les derniers ouvrages réalisés avec les poètes Claude Roy (1915-1997), Yves Bonnefoy (1923-2016) ou François Cheng (1929) ne contiennent que des estampes en noires. Zao Wou-Ki parvint à jouer de toutes les possibilités du noir et du blanc en passant par toutes les gammes de gris.

Les livres illustrés : synthèse entre poèmes et estampes

Au cours de sa carrière, Zao Wou-Ki illustra les textes de nombreux poètes parmi lesquels Henri Michaux (1899-1984), René Char (1907-1988), André Malraux (1901-1976), Jean Lescure (1912-2005), Léopold Sédar Senghor (1906-2001), Yves Bonnefoy, Claude Roy, François Cheng. À deux reprises également Zao Wou-Ki illustra les textes du jeune poète maudit Arthur Rimbaud (1854-1891).

Ainsi, trente-sept livres illustrés furent exécutés. Véritables témoins d’échanges et discussions entre l’artiste et les poètes, ces livres constituent des œuvres à part entière. Ils sont le résultat d’une amitié sincère entre ces hommes, d’une admiration mutuelle et de la joie de partager.

Zao Wou-ki, lithographie Sans Titre
Zao Wou-Ki, Sans titre, 1967, lithographie en couleurs sur papier

Ces livres illustrés sont des objets poétiques conçus comme un ensemble cohérent. En ce sens, s’articulent de façon singulière une image et un texte, une lithographie et un poème. 

Une évolution dans le temps de l’art de Zao Wou-Ki est perceptible au fur et à mesure des publications. En effet, les paysages sont distincts selon les recherches qui préoccupèrent l’artiste à un moment, selon le support ou la technique de prédilection durant la période de conception. 

Les estampes de Zao Wou-Ki n’ont pour unique but que de servir, sublimer et respecter les poèmes.

Les poètes de sa vie

Au cours de sa carrière, Zao Wou-Ki illustra les textes d’une vingtaine de poètes, dont Henri Michaux, René Char et André Malraux.

Henri Michaux et Lecture par Henri Michaux de huit lithographies de Zao Wou-Ki

Né à Namur en Belgique en 1899, Henri Michaux s’installa définitivement à Paris en 1922.

Poète, mais également peintre, il réalisa ses premiers travaux graphiques en 1925 après avoir visité une exposition surréaliste où il découvrit les œuvres de Paul Klee (1879-1940) et Max Ernst (1891-1976).

Zao Wou-ki, Lecture III
Zao Wou-Ki, Lecture III pour Lecture par Henri Michaux de huit lithographies de Zao Wou-Ki, lithographie en trois couleurs

Henri Michaux illustra régulièrement ses propres textes. Ses dessins, aquarelles et peintures constituent une véritable œuvre en marge de son travail d’écriture. Zao Wou-Ki entra en contact avec Henri Michaux en 1949 par planches interposées dans l’atelier de lithographie que les deux hommes fréquentaient. Dès l’année suivante, en 1950, Zao Wou-Ki et Michaux collaborèrent au premier livre illustré du peintre : Lecture par Henri Michaux de huit lithographies de Zao Wou-Ki.

René Char et Les Compagnons dans le jardin

À l’origine, les illustrations des Compagnons dans le jardin de René Char devaient être confiées au graveur Jacques Villon (1875-1963). C’est grâce à l’intervention de l’éditeur Louis Broder que leur exécution fut remise à Zao Wou-Ki en 1957.

Il s’agit du troisième livre illustré de l’artiste qui, pour la première fois, fut réalisé sur demande de l’éditeur, quand bien même ni l’auteur ni l’artiste ne se connaissaient.

Zao Wou-Ki, Compagnons dans le jardin
Zao Wou-Ki, Compagnons dans le jardin, 1957, lithographie en couleurs

Louis Broder ne choisit pas Zao Wou-Ki par hasard. Il opta pour un peintre illustrant le renouveau de la peinture abstraite de l’époque.

Cette collaboration marqua le début d’une longue amitié entre René Char et Zao Wou-Ki. Ce dernier envoya, après la réalisation du recueil, une petite aquarelle dédicacée à René Char tandis que l’auteur lui dédicaça plusieurs ouvrages.

André Malraux ou La Tentation de l’Occident

La Tentation de l’Occident d’André Malraux constitue un dialogue imaginaire entre un Chinois et un Français, qui visitent chacun le pays de l’autre et évoquent leurs découvertes.

Zao Wou-ki, lithographie Tentation de l'occident
Zao Wou-Ki, Lithographie d’ouverture pour La Tentation de l’Occident, 1962, lithographie en couleurs

Sa rencontre avec André Malraux, alors ministre des Affaires Culturelles du Général de Gaulle, marqua la vie de Zao Wou-Ki notamment au niveau personnel. En effet, ceci lui permit d’obtenir la nationalité française alors que son dossier n’avançait pas depuis des années.

Au-delà de l’aspect politique, la relation entre Malraux et Zao Wou-Ki fut avant tout fondée sur un respect et une estime mutuelle.