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Qu’est-ce que l’école de Nice ?

L’école de Nice, regroupe énormément d’artistes, plus d’une centaine selon Béatrice Novaretti, conservatrice de la médiathèque de Monaco qui a récemment consacré une exposition à l’école niçoise. Il n’est donc pas envisageable de les comprendre comme une globalité, puisque les pratiques des artistes en elles-mêmes s’inscrivent à la croisée de plusieurs mouvements artistiques, tels Fluxus, Le Nouveau Réalisme ou Supports/Surfaces. L’école de Nice n’est donc pas un ensemble d’artistes ayant une pratique et regard communs.

Tous néanmoins se revendiquent anti conformistes, anti académiques et tous sont attachés à leur région d’origine, qui le leur rend bien. Les œuvres des principaux représentants de l’école sont ainsi majoritairement exposées au MAMAC, le musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice, qui a organisé en 2017 une grande exposition rétrospective à l’occasion de l’anniversaire supposé de la naissance de l’école : en 1947.

Un mythe originel poétique

L’école de Nice s’enracine dans un mythe poétique datant de 1947 : trois jeunes artistes, alors âgés de 18 ans, se partagent symboliquement le monde : Yves Klein s’appropriant l’infini bleu du ciel, Arman saisissant la terre et ses richesses et Claude Pascal, le poète, s’emparant de l’air.

Yves Klein et Claude Pascal
Yves Klein et Claude Pascal dans les rues de Nice, vers 1948. Crédits photos : Yves Klein. Les premières créations plastiques du mouvement sont ces chemises peintes de leurs empreintes de pieds et de mains.

Ce geste presque initiatique, entre esprit de défi et quête d’absolu, inaugure une grande période d’émulation artistique qui se construit en réaction à la quiétude et au conservatisme de la cité balnéaire :


Face à cette mer imbécile où se consument les vieillards de la France et de l’art 

Claude Pascal, à propos de Nice, at. exp. (Paris, Centre Pompidou, 31 janvier-11 avril 1977), Paris, Centre Pompidou, 1977.

Pascal est rapidement remplacé par Martial Raysse, et tous trois forment alors ce qui sera théorisé plus tard par Pierre Restony comme « Le Nouveau Réalisme ». Auparavant terre d’accueil des artistes des premières avant-gardes du XXe siècle en quête de la lumière pure et chaude du sud tels Bonnard ou Matisse, Nice devient un centre de création pour un mouvement artistique sans règle ni dogme.

Oui, Nice c’est notre paradis pasteurisé et tranquille. À partir de là un art pouvait s’édifier qui adhéra à cette réalité fabriquée

Jean-Jacques Lévêque, « École de Nice » in Opus International, avril 1967, n° 1

1947-1977

« À propos de Nice : 1947-1977 » est le titre donné à la grande exposition du MAMAC en 2017. Elle révélait que, malgré la grande hétérogénéité des pratiques artistiques, certaines caractéristiques propres aux artistes de cette école peuvent être esquissées : leur insolence face à la tradition artistique qui se traduit par une véritable révolution des formes (mettant à bas la palette et le classique cadre de bois doré), une volonté d’irrévérence dans les sujets, qui s’ancrent dans le quotidien et une fascination pour les textes écrits que l’on retrouve notamment dans les œuvres de Ben, pour qui l’Art est la pensée. Il faut aussi souligner le rôle important du territoire dans la création artistique des membres de l’école : Arman accumule les jetons de casino, Claude Gilli veut calquer sur la toile les paysages colorés de la Côte d’Azur.

tableau Martial RAYSSE
Martial RAYSSE « Soudain l’été dernier, 1963 » (Achat de l’État 1968, attribution 1976 Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne/centre de création industrielle) © Centre Pompidou, MNAMCCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP/© ADAGP, Paris, 2017

On considère que la fin de cette expérience collective à laquelle on donne le nom d’école prend place en 1977 lorsque le Centre Pompidou, qui avait laissé carte blanche à Ben, célèbre l’effervescence méridionale avec l’exposition « À propos de Nice ».

L’art dans la ville

Pour ces artistes, les rues de Nice sont un terrain de jeu et leur permettent de dénoncer tout ce qui fait les aspirations dérisoires du monde moderne, qui se transcrit à Nice particulièrement par un monde aseptisé, où le goût artistique et décoratif est excessif. Ils se positionnent également contre l’abstraction lyrique, encore dominante, en mettant la société et ses attributs au cœur de leurs compositions et en plaçant l’art au cœur de la vie, du quotidien. Ainsi, en 1963, Ben, Annie Baricalla, Robert Bozzi et d’autres fondent le Théâtre Total. Ils font jouer des pièces de George Brecht (qui s’installe d’ailleurs quelques années plus tard à Villefranche -sur-mer), ou Robert Watts au cœur de la ville, dans la rue et les cafés.

affiche Pierre Pinoncelli
Pierre Pinoncelli, Attentat contre Malraux, vers 1969-1994, affiche. Crédits photos : Artnet.

Dans d’autres cas, les passants sont pris à parti, interrompus dans leur quotidien, par diverses performances : absurdes comme celles de Serge III qui fait de l’auto-stop avec un piano ou plus engagé, Bernard Vernet qui décharge une camionnette de charbon aux abords de la promenade des Anglais ou comme Pierre Pinoncelli qui expose Attentat contre Malraux, une affiche où le visage d’André Malraux est recouvert d’une peinture rouge sang. Les acteurs de l’école de Nice souhaitent réellement des infractions dans le réel.

Supports/Surfaces

Supports/Surfaces, un mouvement à l’existence fulgurante (1969-1972) est l’un des derniers feux de l’avant-garde niçoise, qui peut être rattaché à l’école de Nice. Les artistes du mouvement (principalement Claude Viallat, Daniel Dezeuze et Patrick Saytour) prônent l’acte de peindre comme la volonté d’un retour à un geste primitif, mais remplacent les outils traditionnels par des matériaux bruts, les châssis laissent place aux toiles libres, aux draps ou aux cordes.

Jean-Pierre Pincemin
Jean-Pierre Pincemin, « Sans titre », 1973, Technique mixte, 250 x 206 cm. Crédits photos : galerie Eva Vautier.

Au contraire des premières expérimentations de l’école de Nice, le sujet n’importe que peu et l’ancrage territorial est moins fort. Depuis 2001, le Centre Pompidou consacre un espace entier à Supports/Surfaces.

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