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Qu’est-ce que le fauvisme ?
Le fauvisme est un mouvement parisien d’avant-garde picturale qui doit son nom au critique d’art Louis Vauxcelles. Il s’écria lors du Salon d’Automne de 1905 à la vue d’une statue d’Albert Marque encerclée des œuvres de Matisse et ses compères :
« Donatello chez les fauves ! »
Ce qualificatif peu flatteur correspond en réalité plutôt bien à l’art coloré et dynamique de ce groupe de peintres réunis par les mêmes goûts et les mêmes ambitions pour l’art de leur temps. Il ne s’agit pas d’un mouvement organisé comme le futurisme, ou lié par des amitiés profondes comme chez les Nabis. Ici, ce sont des artistes principalement français (à part pour Van Dongen), qui au hasard des circonstances ou des envies se rencontrent et produisent autour de recherches communes. Il est ainsi impossible d’établir une liste exhaustive des œuvres et artistes fauves : certains peintres offrent une parenté incontestable avec le fauvisme sans pour autant y adhérer, d’autres s’en sont approché un temps avant de se tourner vers d’autres expérimentations.
De même, il est assez difficile d’établir une chronologie claire : les premières œuvres fauves d’Henri Matisse émergent vers 1895 tandis que la fin du mouvement varie selon les artistes de 1906 à 1911… Ce mouvement, par les artistes qui le constituent et ses apports formels à l’art de son temps, constitue un des socles fondateurs des grandes avant-gardes françaises du XXe siècle.
La primauté de la couleur
Vlaminck et Derain à Chatou, 1900-1901
Le mouvement se constitue autour de la figure de Matisse, qui avait déjà exploré les techniques impressionnistes dans ses natures mortes et ses paysages avant d’aborder une période plus cézanienne. Cette première pépinière, formée par Matisse, Manguin, Charles Camoin et Albert Marquet, se rencontre et travaille dans l’atelier de Gustave Moreau. Nait alors la volonté de s’émanciper de tout, qui devient un des nouveaux crédos de la modernité. À cette époque, à l’aube encore naissante du fauvisme, se créent deux duos qui donneront vie et corps au mouvement : Vlaminck et Derain, Derain et Matisse.
Vlaminck et Derain se rencontrent à Chatou où ils vont élaborer pendant plus d’un an un art coloré et violent, faisant fi de toutes les traditions et peignant sur le motif. L’art de Van Gogh influence leurs recherches, notamment pour Vlaminck qui construit des œuvres au souffle puissant et à la touche épaisse, comme pour La chambre à coucher, 1901, Paris, Musée National d’art moderne.
Le culte de la couleur est posé, il imposera aux artistes qui s’y abandonnent une grande rigueur, parfois contraignante.
Matisse et Derain à Collioures, été 1905
Matisse se rend à Collioures en 1905 où Derain le rejoint peu après. Là, ils découvrent tout un monde de clarté et de luminosité et pendant deux mois peignent ensemble sous une lumière intense, confrontent leurs recherches, se questionnent sur le rôle de l’artiste et le renouveau de la peinture.
Peu à peu, la touche de Matisse change, certainement sous l’influence de son ami Aristide Maillol, et on observe une cohabitation entre la touche divisionniste et les larges aplats de couleurs pures, sans lien avec la réalité. Les peintres fauves commencent peu à peu à s’approprier la nature pour reconstruire une autre réalité, la leur, illustrée par La plage rouge de Matisse, 1905, Londres, Courtaud Institute.
Apogée et dépassement de la peinture fauve
Les effets d’un scandale non prémédité : le salon d’Automne de 1905
L’exposition des toiles des artistes fauves au salon d’Automne soulève une salve de critiques s’indignant de ces « brosses en délire », de « ces barbouillages fulgurants et aveuglants » ou encore des « jeux barbares et naïfs d’un enfant qui s’exerce avec la boite à couleurs ». Très rapidement, le scandale est instrumentalisé par les organisateurs du salon et sert la cause des fauves qui acquièrent renommée et visibilité.
La peinture fauve s’inscrit dans une logique de rébellion contre le système artistique et la société, Vlaminck et Derain utilisent par exemple un vocabulaire anarchiste pour décrire leur peinture et suivent assidûment les préceptes philosophiques de Bergson, alors très à la mode, qui considère les artistes comme des êtres visionnaires et lyriques. Les fauves, bien qu’ils présentent des souvenirs de l’impressionnisme, sont diamétralement opposés à leur approche naturaliste et tendent à déconstruire l’espace traditionnel de la composition, notamment de l’espace perspectif, en déformant les formes et les couleurs comme dans Hyde Park une toile d’André Derain réalisée en 1906 et conservée au musée d’art moderne de Troyes.
Les artistes du fauvisme puisent également leur inspiration dans la sculpture africaine et océanienne, qui les encouragent vers une synthèse de la perception et de l’expression. André Derain acquiert ainsi un masque Fang auprès de Maurice de Vlaminck, devançant le goût de Matisse, Picasso et Breton pour l’art africain.
Aboutissement et dépassement des théories fauves
Dès 1906, le mouvement fauve se manifeste avec une intensité chromatique de plus en plus forte, mais ne fait plus scandale : les fauves triomphent et la critique applaudit. La peinture de Derain et Matisse devient plus décorative, retrouvant une attention au dessin auparavant délaissée, qui s’illustre bien par Le Bonheur de vivre, une toile de Matisse datée de 1906 et conservée à la Barnes Fondation de Philadelphie.
À partir de 1907, les œuvres de ces deux artistes ne peuvent plus être considérées comme fauves. Des trois chefs de file du mouvement, seul Vlaminck conservera jusqu’en 1908 une peinture typiquement fauve, avant de s’éloigner lui aussi de la fièvre coloriste, dans laquelle il ne se reconnaissait plus.
À cette époque, l’impulsion du fauvisme prend une dimension européenne avec l’affirmation de l’expressionnisme allemand, qui s’épanouit dans les groupes Die Brücke à Dresde et Der Blaue Reiter à Munich.
Le fauvisme a été fugace, mais d’une importance capitale pour l’art français en affranchissant la couleur de son rôle mimétique et en déconstruisant la perspective. Il est d’avant-garde par son courage et constitue la source d’une peinture sensuelle, révoltée et solaire ouvrant la voie à l’usage intensif de la subjectivité par le peintre et à l’intérêt pour les arts dits premiers.
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