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Comment distinguer les différentes techniques de gravure ?
La reproductibilité d’une image a été initiée dès le IIIe millénaire via le sceau Mésopotamie ou le tampon en Chine. En Europe, à partir de 1400, artistes et graveurs expérimentent plusieurs techniques permettant de créer, multiplier et diffuser des images aux iconographies diverses et regroupées sous le nom d’estampe. Ainsi, une estampe est une image multipliable à l’identique à partir d’un élément d’impression, ou matrice, telle qu’une planche de bois ou une plaque de métal gravée, qui transfère lors de son passage en presse sa charge d’encre sur une feuille de papier ou tout autre support offrant la même souplesse. Notons que la marque de la presse sur le papier, appelée cuvette, est un des signes qui permet de différencier une gravure d’une estampe issue d’un procédé à plat. En effet, les images produites par la lithographie et la sérigraphie sont aussi nommées estampes, il faut donc être prudent à l’achat ou à la revente, même si généralement, la technique utilisée donne son nom à l’estampe : eau-forte, burin…
La gravure sur bois ou gravure en taille d’épargne
La gravure sur bois en taille d’épargne, ou xylographie, est l’une des plus anciennes techniques de gravure. Le graveur creuse la matrice à l’aide d’une gouge ou d’un burin, encre le relief, et passe la matrice sous la presse avec une feuille.
Le plus ancien bois gravé connu à ce jour en Occident est le Bois Protat, un fragment de bois gravé sur ses deux faces d’images religieuses et qui date du début du XVe siècle et qui était certainement destiné à imprimer un tissu. En Occident, c’est la mise au point par Gutenberg de la presse typographique qui a conduit les artistes à utiliser le procédé de la taille d’épargne pour l’appliquer aux gravures, c’est donc naturellement qu’on trouve les plus beaux exemples précoces de gravures sur bois de fil en Allemagne, grâce à des artistes comme Dürer ou Altdorfer, qui réalisent des estampes en noir et blanc. Puis, dès le XVIe siècle, les graveurs sur bois commencent à introduire de la couleur pour donner à l’estampe un effet de dessin, en Allemagne Hans Baldung Grien explore cette technique et en Italie Ugo da Carpi, en introduisant notamment plusieurs matrices. Du XVe au XVIIe siècle, la sculpture sur bois prédomine en Europe, puis elle est fortement concurrencée par les gravures en creux et les procédés à plat. La gravure sur bois peut être identifiée par son trait qui est généralement moins précis qu’une gravure en taille douce et ses couleurs pleines. En effet, il n’est pas possible d’obtenir des valeurs de gris puisque chaque éraflure sur le bois apparaît en blanc à l’impression.
Au XIXe siècle, la gravure sur bois connaît un certain renouveau, notamment grâce à il y a l’introduction d’une nouvelle technique, la gravure sur bois de bout, c’est-à-dire à contresens du fil du bois, développée notamment par Thomas Bewick. Cette technique, plus difficile à travailler, permet néanmoins un trait beaucoup plus fin et des dessins plus délicats, plus proches de ceux réalisés en taille douce. Cette innovation se développe largement en France, c’est cette technique notamment que Gustave Doré utilise pour ses illustrations. À la fin du XIXe siècle, ces techniques seront définitivement supplantées par la photographie, bien que certains artistes continuent à travailler la gravure sur bois, appréciée pour son rendu simple et franc, comme Gauguin, Félix Vallotton et Edvard Munch.
La gravure en taille douce ou procédés de gravures en creux
Dans cette technique, on creuse et on donne aux creux des profondeurs différentes qui produisent des noirs ou des gris plus ou moins prononcés. L’encre est dans les creux, et presse avec un cylindre qui enfonce la feuille avec souplesse dans la matrice pour aller chercher l’encre. Le nom « gravure en taille douce » s’applique à l’ensemble des productions de gravures en creux, en taille directe ou avec une gravure chimique. Le trait de la gravure en taille douce est généralement plus délicat, plus précis que la gravure d’épargne sur bois.
La taille directe
La gravure au burin a été développée en Europe à peu près en même temps que la gravure d’épargne, elle peut se faire sur une plaque de bois ou une plaque de cuivre. L’instrument est fixe dans la main droite, et c’est la plaque qui bouge dans la main gauche. Cette technique fut portée à son apogée technique aux XVIIe et XVIIIe siècles par des artistes comme A. Bosse, Claude Mellan et Sébastien Leclerc en France. On peut reconnaître une gravure au burin par les différences de valeurs introduites dans la couleur, mais également à son trait fin et constant, au contraire de l’eau-forte.
La gravure à la pointe sèche, qui existe concomitamment aux autres techniques, n’enlève pas de matière contrairement au burin, mais la déplace, et est aisément reconnaissable aux « barbes » de métal qui donnent un trait irrégulier et velouté. De même, à cause de ces barbes, le nombre d’impression est limitée. Enfin, avec les techniques de la gravure au burin et à la pointe sèche, les demi-teintes sont obtenues par hachure ou pointillés ; pour y remédier est popularisé aux XVIIe et XVIIIe siècles la manière noire, qui autorise une grande variété de teinte et est très appréciée pour la transposition des peintures en gravure.
La gravure chimique
L’eau-forte est un procédé de gravure indirecte, par morsure de l’acide sur la plaque. Parmi ces procédés, on trouve l’aquatinte, la gravure au lavis ou encore à la manière de crayon. Ces différentes techniques sont aisément reconnaissables pour un œil averti, bien qu’elles dérivent toutes du même principe : sur une plaque de métal, le graveur applique un vernis à graver dans lequel il viendra ensuite dessiner à l’aide d’une pointe métallique. La plaque est ensuite trempée dans un bain d’acide qui mord les zones laissées à l’air libre. La plaque est ensuite nettoyée, encrée et mise sous presse. L’eau-forte, par son utilisation plutôt simple devient très vite la technique favorite des peintres graveurs : les maîtres anciens, comme Albrecht Dürer, Parmigianino ou encore Rembrandt qui en est un des plus grands représentants, mais également les peintres d’avant-garde comme Pissarro, Degas, Matisse, Picasso….
L’eau-forte est aisément reconnaissable, car l’encrage présente plusieurs tonalités et le trait tremble légèrement, de plus la distance entre la cuvette et le dessin n’est pas supérieure à 2 cm car le cuivre est difficile à nettoyer et enfin dans les parties les plus contrastées le relief d’encre est visible à la loupe.
Procédés à plat
Les procédés à plat concernent notamment la sérigraphie et la lithographie dont les techniques sont assez bien connues du grand public. La lithographie apparaît au XVIIIe siècle et connaît son apogée de 1850 à 1910, bien qu’elle soit encore très utilisée plus tardivement dans le XXe siècle, par des artistes comme Andy Warhol. On peut la différencier des techniques précédentes par l’absence de cuvette, la richesse de détails sur l’œuvre, la signature ou le texte inclus dans le graphisme, qui a d’ailleurs l’aspect d’un dessin, un encrage de différentes tonalités et pas de relief d’encre.
Enfin, une gravure est identifiable au sujet qu’elle représente, à la gouttière, au papier qui est reconnaissable par les experts à son grain, son usure, ses dimensions et parfois son filigrane, aux signatures et autres textes présents sur la gravure et qui sont des sources d’informations précieuses. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans une bonne expertise, car les procédés et les plaques anciennes sont encore utilisées pour produire des estampes, comme le fait la Chalcographie du Louvre par exemple.
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