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Hans Hartung et Anna-Eva Bergman, le passage du figuratif à l’abstraction
Couple emblématique de la scène artistique moderne, Hans Hartung (1904-1989) et Anna-Eva Bergmann (1909-1987) marquèrent le XXe siècle en raison de leur histoire personnelle, de leurs œuvres respectifs ainsi que des drames de la Seconde Guerre mondiale.
Hans Hartung : chef de file de l’abstraction lyrique
Hans Hartung se forma d’abord à Dresde avant de s’engager sur la voie de l’abstraction. Sa carrière fut grandement marquée par la Seconde Guerre mondiale.
La découverte de l’expressionnisme allemand
Hans Hartung est né à Leipzig en Allemagne en 1904. Issu d’une famille d’artistes — son grand-père et son père étaient musicien amateur et peintre autodidacte — le jeune garçon développa rapidement un attrait pour le dessin.
Vivant à Dresde dans les années 1920, Hartung découvrit l’expressionnisme allemand à travers Emil Nolde (1867-1956), Ernest Ludwig Kirchner (1880-1938) et Erich Heckel (1883-1970) notamment. Étudiant auprès d’Oskar Kokoschka (1886-1980) à l’École des Beaux-Arts de Dresde, Hartung s’intéressa également aux maîtres anciens Rembrandt, Francesco Goya et Le Greco. Le jeune artiste s’exerça à reproduire et réinterpréter leurs œuvres. À la même époque, Hartung s’adonna à la peinture — alors figurative — et s’inspira des romantiques Caspar David Friedrich et Joseph Mallord William Turner.
En 1922, Hartung découvrit l’aquarelle et l’utilisation des couleurs à l’aniline, procédé chimique donnant des couleurs plus intenses que toutes les autres utilisées jusqu’alors.
Arrivé à Paris en 1926 il visita les musées — notamment Le Louvre — et les galeries modernes, dont celles des frères Rosenberg. Deux ans plus tard, Hartung fit la rencontre de la jeune peintre d’origine norvégienne, Anna-Eva Bergman, qu’il épousa en 1929.
L’engagement face à la montée du nazisme
Hans Hartung exposa pour la première fois à Dresde en 1931. Il quitta l’Allemagne l’année suivante afin de voyager en Europe. Poursuivi en Allemagne par le Gestapo, Hartung se réfugia à Paris en 1935. Il se lia alors avec plusieurs artistes, dont Jean Hélion (1904-1987), Piet Mondrian (1872-1944) et Henri Goetz (1909-1989).
Durant ces années Hartung perfectionna sa méthode et réalisa des aquarelles et des toiles abstraites.
Après avoir divorcé, le peintre épousa Roberta Gonzalez — fille du sculpteur Julio Gonzalez (1876-1942) — en 1939. La même année il s’engagea contre la montée du nazisme. Hartung s’enrôla dans la Légion d’honneur en 1944. Blessé, il fut amputé de la jambe droite. Il fut naturalisé français l’année suivante.
Le triomphe du lyrisme
Après la guerre Hans Hartung participa à de nombreuses expositions personnelles ou collectives. Sa peinture désormais abstraite et lyrique traduit ses cauchemars et sa souffrance. Véritables exutoires, ses compositions illustrent hachures, tourbillons, grandes masses tracées à l’encre de Chine, à l’huile ou au pastel.
En 1957, l’artiste se remaria avec Anna-Eva Bergman. Trois ans plus tard, il reçut le grand prix de la Biennale de Venise. À la même époque Hartung s’exerça à l’acrylique — peinture industrielle — sur de grands formats, frappant ses compositions de touches rapides, griffées ou grattées.
En 1986, Hartung entama une série d’œuvres très colorées où il projeta coulures et égouttures sur du papier emballage. Sa femme disparut l’année suivante tandis qu’Hans Hartung s’éteignit à Antibes en 1989.
Anna-Eva Bergman : une Norvégienne représentative de la nouvelle École de Paris
D’origine norvégienne, l’artiste Anna-Eva Bergman s’illustra d’abord dans l’art figuratif avant d’embrasser l’abstraction.
De Stockholm à Paris
Née à Stockholm en 1909, Anna-Eva Bergman suivit des études artistiques à Oslo à l’Académie des Arts Appliqués en 1926 puis aux Beaux-Arts l’année suivante. Elle poursuivit sa formation à Vienne en 1928 avant de se rendre à Paris.
Arrivée dans la capitale française en 1929 Anna-Eva Bergman devint l’élève d’André Lhote (1885-1962). C’est également à cette époque que la jeune artiste fit la rencontre d’Hans Hartung.
Bergman exposa à Dresde puis à Oslo en 1931. Elle séjourna par la suite à Minorque, en France, en Italie avant de rentrer en Norvège en 1939. L’artiste cessa de peindre pour des raisons de santé durant dix ans.
De la ligne à l’abstraction
L’œuvre d’Anna-Eva Bergman se décompose en deux périodes. La première, des années 1920 à 1940, est figurative. Ses dessins suggèrent un travail virtuose de la ligne et témoignent d’un esprit fin. Bergman illustra des livres et des articles avec des personnages à la fois tendres et humoristiques, et parfois cyniques. De son côté, son œuvre peinte traduisit des paysages urbains.
Un tournant radical opéré à la fin des années 1940 mena Bergman à l’art abstrait. Dès 1952 ses compositions s’attachèrent à la représentation de formes archétypales issues de la nature et de la mythologie scandinave : pierres, planètes, montagnes, stèles, tombeaux, barques. Le paysage devint une thématique essentielle.
De son vivant l’artiste connue une véritable renommée, avec de nombreuses expositions en France et à l’étranger.
La Fondation Hartung-Bergman
Ensemble Hans Hartung et Anna-Eva Bergman ont aménagé de leur vivant trois espaces étroitement liés à leur pratique artistique.
Dans les années 1930, ils construisirent une maison à Fornells, sur l’île de Minorque, dans les Baléares. À la fin des années 1950, ils achetèrent un appartement dans le 15e arrondissement de Paris qu’ils firent rehausser d’un étage afin d’y aménager espaces de vie et ateliers. Enfin, ils firent l’acquisition en 1961 à Antibes d’un terrain sur lequel ils conçurent leur propriété.
La Fondation Hartung-Bergman, située à Antibes, est formée d’un ensemble architectural composé d’une villa, de ses dépendances et des ateliers des deux artistes. L’institution s’évertue aujourd’hui à constituer une base de données relative à l’œuvre d’Hartung et Bergman.