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Le verre ancien : attraits et préciosité
L’histoire du verre remonte à la préhistoire, il est alors utilisé sous la forme de l’obsidienne, un verre volcanique naturellement rocheux, qui sert à la fabrication d’armes (pointes de flèches) et de bijoux (notamment des perles) ; l’obsidienne est opaque et en rien malléable. Ce n’est qu’après des centaines de milliers d’années que l’Homme réussira à créer la matière légère, résistante et diaphane que l’on connaît aujourd’hui. Cette découverte, qualifiée par Diderot de « la plus utile et la plus merveilleuse depuis celle des métaux » s’est insérée dans tous les domaines de la société et les plus belles pièces anciennes sont aujourd’hui avidement recherchées par les collectionneurs.
Le verre durant l’Antiquité, du moulage au soufflage
Selon Pline l’Ancien, les premiers objets en verre ont été fabriqués par les Phéniciens. La réalité n’est pas si éloignée puisqu’on trouve en Égypte, dès 2500 avant notre ère, des petites perles de verres, parmi les plus anciennes au monde. La Mésopotamie crée également des baguettes de verre qui pourraient remonter à 3000 avant J.-C. Les objets en verre, très rares, sont alors plutôt liés à la toilette, au culte ou à la bijouterie ; leurs couleurs sont déjà variées et ils sont translucides. On ne parle pas encore de verre soufflé, mais uniquement de moulage et de modelage sur noyau d’argile, suivi d’une étape de polissage. Dès l’époque hellénistique, on découvre en Égypte la recette pour faire du verre transparent et Alexandrie devient le pôle majeur de production du verre, qui s’insinue dans le quotidien des classes les plus aisées.
Dès le premier siècle avant J.-C., la technique du verre soufflé est développée au Moyen-Orient, grâce à l’invention de la canne à souffler. Cette découverte engendre une immense production dans tout l’Empire romain. En effet, la technique qui consiste à souffler une bulle de verre dans des moules permet une grande diversité de formes et une réalisation rapide de récipients à boire, à manger, à conserver les plats… Cependant, parallèlement à ces productions de grandes séries, apparaissent des créations extrêmement précieuses, dont on conserve certains artéfacts comme le très célèbre Vase Portland, en camé de verre, daté du premier siècle avant J.-C ou la Coupe de Lycurgue, IVe siècle apr. J.-C. qui a la propriété de changer de couleur selon l’éclairage, ces deux objets sont conservés au British Museum. L’effondrement de l’Empire Romain met un coup d’arrêt aux recherches techniques des artisans du verre, qui est alors essentiellement utilisé en Europe dans l’architecture.
Le verre vénitien de la Renaissance, chouchou des collectionneurs
Le Moyen Âge européen est en effet l’âge du verre plat, notamment du vitrail. À cette époque, le verre est intimement lié aux conceptions théologiques de la lumière, en Occident à travers les vitraux et en Orient avec les lampes de mosquée. Les artisans français poussent la production de vitrail à une qualité rarement égalée, qui fait aujourd’hui la gloire des architectures médiévales, comme la Sainte-Chapelle de Paris, et la fierté des collectionneurs publics et privés. Les fragments de vitraux médiévaux se vendent en effet très bien, comme en témoigne ce fragment de vitrail datant du XIIIe siècle et représentant un saint décapité, vendu plus de 11 500 euros chez Piasa le 11 décembre 2014.
À partir du XIVe siècle, la guilde des verriers de Venise devient de plus en plus puissante, certainement grâce aux contacts que les Vénitiens entretiennent avec les verriers byzantins qui avaient su faire perdurer leur savoir-faire. Au XVe siècle, Venise devient véritablement le pôle le plus important de production de verre en Europe et s’illustre dans la diversité et la perfection de ses réalisations. Les verriers vénitiens réussissent à créer le premier verre totalement transparent, nommé cristallo en référence au cristal de roche. Puis d’autres créations s’en suivent : les pièces aux filigranes blancs inclus dans le verre transparent ou encore les verres peints à l’émail aux armes de la famille, comme Gobelet sur pied aux armes d’un pape de la famille Médicis, 1513-34, Paris musée des Arts Décoratifs. Les perles de verre et les miroirs représentent également une grande partie de la production destinée à l’exportation. Les verres de Venise, s’ils sont anciens, peuvent atteindre de très hautes adjudications, telle cette Coupe en forme de navette, du XVIe siècle, moulée et dorée, vendue plus de 33 000 euros chez Bailly-Pommery en 2004.
Le cristal de Bohème
Malgré les moyens, parfois radicaux, employés par la République de Venise pour conserver le secret de ses recettes techniques, l’Europe entière dès le XVIIe siècle produit des verres à la manière de Venise. Certains pays se démarquent dans leur production, ainsi, le verre de bohème, aussi transparent que le verre vénitien, mais plus lourd et solide, s’adapte très bien au décor à froid telle que la gravure à la roue et peut-être comparée au cristal de roche, c’est d’ailleurs à cela qu’il tient son nom de « cristal de Bohème ». On attribue la découverte de cette technique de gravure sur verre à Caspar Lehmann (1570-1622), artisan verrier qui travaillait au service de Rodolphe II de Prague. Ses œuvres, qui ne passent jamais en vente, peuvent être admirées au Musée des Beaux-Arts de Prague. La diffusion de cette technique dans les pays germaniques contribuera largement à la richesse des arts décoratifs du style Baroque et on trouve souvent en vente des objets en cristal de Bohème plus tardifs.
Qu’en est-il de la France ? Étonnamment, les XVIIe et XVIIIe siècles, qui sont si riches d’un point de vue de l’art décoratif, ne produisent que peu de verreries d’exceptions et se concentrent plutôt sur la production utilitaire. Un siècle plus tard, on aura l’idée d’attribuer à chaque verre son propre liquide et la fabrication du verre se fera industrielle, tandis que les productions d’exceptions des grands noms du XIXe et du XXe siècles, comme Baccarat François-Eugène Rousseau et Émile Gallé, rendront tout son éclat au verre français.
Les ventes de verreries sont pléthores dans les salles des ventes françaises et la qualité des objets proposés varie considérablement. Néanmoins, de très belles pièces créent souvent la surprise, comme cette bouteille piriforme de Nevers, datée du XVIIe siècle et vendue chez De Ricqlès plus de 19 800 euros. Il est ainsi nécessaire de s’assurer d’une bonne expertise de son objet avant de confier à vendre ses pièces de verrerie, qui seront potentiellement noyées dans un lot.
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