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Comment reconnaitre et comprendre l’iconographie du baptême du Christ ?
Sources textuelles et traditions
Le baptême de Jésus Christ est mentionné par chacun des Évangélistes et sauf quelques différences mineures, leurs récits concordent. Jésus, venant de Galilée, arrive sur les bords du Jourdain et demande à Jean de le baptiser. Ce dernier, dans un élan d’humilité refuse tout d’abord, déclarant au Christ : « C’est moi qui aurait besoin d’être baptisé par toi ». Mais Jésus réussit à le convaincre, lui disant qu’il s’agit ce faisant d’accomplir la justice ordonnée par Dieu. Après que le Christ ait été baptisé, l’Esprit de Dieu est descendu du Ciel « comme une colombe » et une voix venue des Cieux se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, objet de ma prédilection ».
Les Pères de l’Eglise ont vu dans cet événement la manifestation de la Trinité : Dieu le Père s’incarnant dans la voie venue du Ciel, la colombe symbolisant l’Esprit Saint et Jésus le Fils. La tradition a également vu dans le passage de la Mer Rouge par Moïse, un épisode de l’Ancien Testament, une préfiguration du baptême de Jésus.
Représentations dans les arts
Les anciens témoignages
Cet épisode a été représenté très tôt, dès l’ère paléochrétienne. Une fresque des catacombes de Calixte à Rome présente les trois éléments constituant la théophanie : le Christ, la Colombe et le Ciel qui s’ouvre. Au contraire de la plupart des représentations paléochrétiennes, le Christ n’est ici pas représenté comme un enfant mais comme un adulte. A cette composition relativement simple s’ajoutent au fil des siècles des éléments accessoires qui enrichissent la scène, comme des diacres ou des anges qui, sur l’autre rive du Jourdain, s’apprêtent à donner un vêtement à Jésus, comme dans la fresque datée de 1300 – 1330 de l’église romane de Saint André de Taxat.
Dans certaines compositions anciennes (paléochrétiennes et médiévales) en Orient et en Occident, le Jourdain est personnifié selon la tradition antique de personnification des fleuves et des rivières, et peut-être présenté sous l’aspect d’un dieu fluvial barbu, comme dans la mosaïque datée de la moitié du Vème siècle de l’église San Vitale de Ravenne où est également représentée descendant sur le Christ la Colombe du Saint Esprit. Un cerf peut parfois se désaltérer dans l’eau du Jourdain et la main de Dieu descendre sur la scène.
Des représentations en lien avec le rituel du baptême
Les caractéristiques et personnages propres aux illustrations du baptême du Christ changent considérablement d’une période à une autre, selon les évolutions de la liturgie. Au IXe et Xe siècles, la Colombe descendant du Ciel verse l’huile consacrée à partir d’une ampoule directement sur la tête du Christ. Ce même thème est repris dans les iconographies consacrées au baptême de Clovis et bientôt confondu avec l’apposition du saint Chrème utilisée dans l’onction des rois de France.
Au XIIIe et XIVe siècles, le rituel du baptême change : dès lors, le baptisé n’est plus immergé en tout ou partie dans l’eau, mais on lui verse sur la tête de l’eau depuis une jarre, une coquille ou une ampoule : il s’agit du rite de l’infusion. Certains artistes, comme le grand orfèvre Nicolas de Verdun dans son retable en émaux et réalisé vers 1181 et conservé dans le monastère de Klosterneuburg en Autriche adopte pour une solution mixte où Jésus est encore à demi immergé dans l’eau du Jourdain.
A la Renaissance : une représentation humaniste
Dès le Quattrocento, les artistes italiens mettent l’accent sur l’acte du baptême en lui-même, en mettant de côté les signes de la Théophanie : les Cieux s’entrouvrant ou la main de Dieu. C’est le cas notamment pour Piero della Francesca dans son célèbre Baptême du Christ peint à tempera sur bois en 1448-1450 et conservé à la National Gallery de Londres. Cette œuvre, originalement commandée pour la cathédrale de la petite ville de Borgo Sansepolcro en Toscane était un élément central de retable et est considéré comme l’un des plus beaux exemples de la pittura di Luce, la peinture de la lumière, une manière claire qui se développa dans la région de Florence au XVe siècle.
Ce chef d’oeuvre de celui qu’on a plus tard qualifié de « peintre mathématique » représente au centre le Christ en position de prière baptisé par Saint Jean-Baptiste, à droite un catéchumène se déshabillant pour le baptême et des dignitaires et à droite trois anges qui participent à la solennité de l’instant. Le Saint Esprit est simplement figuré par la Colombe descendant sur la tête du Christ.
Des représentations variées, plus ou moins proches des Écritures
D’autres artistes, comme Paolo Véronèse, se livrent à des interprétations plus libres des Écritures. Dans sa toile conservée à la pinacothèque de Brera à Milan, le peintre retranscrit le baptême comme une manifestation de la lumière divine et figure à l’arrière plan un épisode de la tentation du Christ.
Au XVIIe siècle, Nicolas Poussin dans la première série des « Sept Sacrements », une série de toiles qu’il effectue pour son mécène Cassiano Dal Pozzo, retranscrit un savant baptême du Christ aujourd’hui conservé à la National Gallery of Art de Washington. La scène est représentée dans un paysage et le Christ est déporté sur la partie droite du tableau. A sa droite se déploie une scène figurant probablement le paradis avec deux anges sans ailes. A gauche du Christ, la vie terrestre se dévoile : plusieurs personnages effrayés semblent obéir en hâte à la voix céleste qu’un des hommes désigne du doigt. La révélation du fils de Dieu est ici sensible.
Dans les siècles suivants, les artistes retiennent généralement les deux figures principales (Jésus et Saint Jean-Baptiste) et y associent parfois le chœur des anges.
Bibliographie : Michel Pastoureau, Gaston Duchet-Suchaux, La Bible et les saints, Collection Tout l’Art, 1994.