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Qui sont les grands ébénistes de l’Empire ?
Le style faste de l’Empire, également nommé « style Napoléon Ier » s’étend en France durant plus de vingt ans, durant tout le premier quart du XIXe siècle. Il est marqué par la personnalité de quelques grands ébénistes, qui ont contribué à l’invention et à la diffusion des formes mobilières et ornementales.
Avant l’Empire : Georges Jacob, le pionnier
Actif durant l’Ancien Régime Georges Jacob s’est spécialisé dans la la production de bois de sièges et de lits d’une qualité exceptionnelle. Il s’illustra notamment dans la production de tout le mobilier en acajou de Louis-Philippe Joseph d’Orléans, duc de Chartres (d’après les dessins de David) et réalisé dans le « style étrusque ». S’inspirant du mobilier anglais il est un des premiers ébénistes français à utiliser l’acajou pour les sièges, mettant également en forme le nouvel engouement pour l’Antiquité grecque et romaine. Il compose ainsi pour le peintre Jacques-Louis David tout un ameublement pour son atelier du Louvre, dont le célèbre peintre se servira dans la composition de nombre de ses tableaux d’histoire, comme Les Licteurs rapportent à Brutus le corps de ses fils, une toile présentée au Salon de 1789 (Musée du Louvre) et ses portraits, comme celui ici reproduit de Madame Récamier, 1800, également conservé au Louvre.
Ce mobilier, typique de la collaboration entre le peintre et l’ébéniste, est pénétré de l’antique tel qu’on se l’imaginait en ce XIXe siècle naissant. Les lits, fauteuils et chaises sont copiés d’après des vases étrusques tandis que l’acajou foncé se répandait, imitant ainsi la patine du bronze. Cette esthétique sera fondatrice pour le mobilier impérial.
Georges Jacob crée aussi un certain nombre d’innovations formelles, tels les pieds en console dits « pieds Jacob » qui ont été largement diffusés et popularisés dans le mobilier français du XIXe. De même pour les pieds fuselés, sculptés de cannelures ou encore les supports d’accotoirs en forme de balustre, qui s’épanouiront durant le Directoire et l’Empire. Le 3 avril 1796, George Jacob cède son entreprise à deux de ses fils, Georges II et François-Honoré Georges qui créent dans un premier temps la « Maison Jacob frères » établie rue Meslée qui produira jusqu’en 1803, date de la mort de Georges II, un nombre incalculable de meubles en tout genre.
Jacob-Desmalter, 1770-1841
Plus qu’aucune autre maison, Jacob-Desmalter incarne le style Empire et la diversité de sa production. À la mort de son frère, François-Honoré-Georges constitue avec son père une nouvelle société : « JACOB D. R. MESLEE » qui durera neuf ans. Il est alors le fournisseur principal du Garde-Meuble mais ne limite pas son activité aux commandes officielles : il travaille non seulement pour les plus grands dignitaires de l’empire et des commanditaires privés, mais un tiers de sa production est aussi exportée. Son « entreprise » employait entre 300 et 350 employés en temps normal, sauf durant la crise des années 1806-1807, et se caractérisait, à l’instar de Jacob-Frères, par la grande diversité de son travail qui regroupait plusieurs ateliers, dont un de bronzier qui servait à produire les bronzes d’ornement des mobiliers.
Les meubles de la maison Jacob-Desmalter sont très variés : certains sont en bois peint vert antique, d’autres incrustes d’ébène, de nacre ou en acajou ornés de bronzes. D’autres encore sont ornés de plaques de porcelaine de Wedgwood ou recomposés d’après des éléments anciens, comme le mobilier de la petite chambre de l’Empereur à Fontainebleau, réalisé d’après d’anciens mobiliers d’André-Charles Boulle.
Les meubles destinés aux particuliers sont moins lourds et présentent moins de bronze que ceux présentés en collection publiques, telle l’armoire basse présentée si-dessus, ornée de deux plateaux de malachite.
Avec le retour au pouvoir des Bourbons, la maison Jacob-Desmalter perd le quasi-monopole qu’il avait connu sous le régime précédent plusieurs ébénistes se partageant alors les commandes officielles.
La maison Lignereux, puis Thomire-Duterme.
Martin-Éloi Lignereux, ancien associé du marchand-mercier Daguerre rachète à la mort de ce dernier son fonds de commerce rue Saint-Honoré (la maison déménagera plusieurs fois au cours de son histoire). Il emploie alors l’ébéniste Adam Weisweiler et le bronzier Pierre-Philippe Thomire, deux des plus grands artisans de l’époque. Il impulse de nouveaux modèles dans le mobilier, il va notamment être à l’origine de la vogue des lits en nacelle et des chiffonniers à l’égyptienne.
En 1894, Lignereux vend son fonds de commerce à Thomire, qui s’associe rapidement avec A.-F. Duterme. Tous deux sont à la tête de deux établissements, qui emploient régulièrement entre 700 et 800 ouvriers.
Durant l’Empire, Thomire-Duterme est chargé de nombreux travaux pour le Garde-Meuble et devient le plus grand pourvoyeur de bronzes dorés et reçoit plusieurs fois des médailles d’or aux Expositions des produits de l’industrie, comme en 1809. Les commandes affluent également à partir du mariage de l’empereur avec Marie-Louise d’Autriche en 1810. Ses meubles sont caractérisés par l’omniprésence, la richesse et la grande qualité des bronzes dorés, comme sur le célèbre Berceau du roi de Rome aux Tuileries, réalisé en 1811 et aujourd’hui conservé au musée du château de Fontainebleau.
La maison Thomire-Duterme continua à travailler avec le célèbre ébéniste franco-allemand Adam Weisweiler, qui fournissait des modèles à suivre, comme les tables en piétement en X en métal, qui connurent un grand succès. Le mobilier Thomire-Duterne, plus rare que leurs bronzes, est aujourd’hui très convoité par les collectionneurs, ainsi, en 2014, la maison Muizon-Rieunier a vendu une rare paire de tables rectangulaires en acajou avec piétement en X en acier doré (un modèle proche de celui livré en 1810 pour le salon des jeux de l’impératrice au Grand Trianon), adjugé à Drouot 75 000 euros, doublant presque son estimation d’origine.
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