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Les grands maîtres surréalistes
Le surréalisme est un mouvement d’avant-garde artistique et littéraire qui naît à Paris après la Seconde Guerre mondiale. Au nihilisme du mouvement dada, dans lequel le mouvement prend sa source, les surréalistes opposent une soif de vie et de création souhaitant « changer la vie » selon le mot d’Arthur Rimbaud. La création officielle du groupe, initiée par André Breton dans ses Manifestes du Surréalisme, est actée en 1924 qui le baptiste surréalisme en hommage à Guillaume Apollinaire.
Les surréalistes sont profondément marqués par les travaux de Sigmund Freud, dont certains extraits de la Psychanalyse des rêves sont publiés en France dès 1900. Ils placent ainsi au cœur de leurs préoccupations un art qui puise dans une science faite de secrets et de mystères où l’automatisme, l’inconscient, le hasard et le rêve poussent à l’expérimentation de nouvelles techniques de création basées sur l’art collectif, la transgression des dogmes artistiques et l’évocation de thèmes nouveaux. Ces nouvelles pratiques sont la base des grandes innovations des maîtres surréalistes comme André Breton, Masson, Man Ray, Max Ernst, Miró, Dali et Magritte, qui tendent tous à rendre visible le rêve tout en libérant l’artiste dans son acte créatif.
Hasard et automatisme
André Masson et l’automatisme
L’automatisme est utilisé par les surréalistes comme un moyen de dépasser les cadres formels de la raison tout en niant le savoir-faire artistique. Il est tout d’abord appliqué à l’écriture notamment par André Breton et Philippe Soupault dans Les champs magnétiques, un long poème en prose écrit à deux mains et publié en 1919. Dans les arts visuels, l’automatisme est appliqué à des jeux collectifs, comme le cadavre exquis, qui aura une grande postérité chez les Nouveaux Surréalistes Victor Brauner et Jacques Herold. Dès 1924, le peintre André Masson adapte l’automatisme au dessin. Le crayon suit alors la pensée de l’auteur, sans composition préalable, faisant émerger un magma de lignes que l’artiste retravaille par la suite, comme dans le Dessin automatique, 1925, conservé au Musée National d’Art Moderne.
Max Ernst : collage, grattage, décalcomanie
Le hasard attire également les surréalistes par sa proximité avec l’automatisme et son mode de fonctionnement aléatoire, presque inconscient. Les artistes, pour se rapprocher au mieux du hasard créatif, se servent des objets de leur environnement pour composer leurs œuvres. Ils reprennent ainsi des techniques déjà existantes, comme le collage développé par Picasso et Braque, mais ils diffèrent dans leurs intentions. Au lieu d’insérer du réel, comme les cubistes, ils souhaitent représenter le rêve et suggérer de nouvelles associations visuelles. Max Ernst porte ainsi à son apogée le collage surréaliste dans son grand roman, La femme 100 têtes, publié en 1929, où il crée 147 collages différents comme Loplop, l’hirondelle passe.
Ernst poursuit ensuite ses expérimentations techniques, s’essayant au frottage, au grattage, mais surtout à la décalcomanie, qui donnera lieu à son plus grand chef-d’œuvre, L’Europe après la pluie, dont il y aura deux versions qui constituent le sommet de ses expérimentations sur la décalcomanie. Il y travaille par accumulation de papiers peints et par des contrastes de textures et de couleurs pour rendre la représentation d’un monde en monstrueuse métamorphose.
W. Paalen et le fumage
L’artiste autrichien Wolfgang Paalen invente quant à lui la technique du fumage, promenant au hasard la flamme d’une bougie sur un support et redessinant les formes à la peinture à l’huile, comme dans Les Étrangers, une toile de 1937 conservée dans une collection particulière. Ce paysage insensé fait de formes indéfinies participe à un sentiment d’inquiétante étrangeté, selon le mot de Freud. La recherche de ce sentiment sera le point d’orgue des nouvelles expériences surréalistes.
La technique au service de l’inquiétante étrangeté
Man Ray et ses rayogrammes
La photographie se soumet elle aussi au hasard sous l’impulsion de Man Ray, qui réutilise en 1922 la technique du rayogramme, ou rayographie, qui permet la création de photographies réalisées sans l’aide d’un appareil, simplement en plaçant des objets sur une plaque photosensible.
L’exposition excessive à la lumière produit des effets d’aura qui gomment la précision de la forme, faisant naître des images étranges, comme une part cachée de la réalité. Cette technique est vouée à une grande postérité, notamment chez Christian Schad et Lázló Moholy-Nagy.
Réalités opposées : Dali et Magritte
Les surréalistes expérimentent aussi des techniques mentales non plastiques, comme la libre association de réalités opposées qui permet de donner à voir une vision proche de celle d’un rêve. De Chirico, Dali et Magritte en sont les plus grands représentants, peignant des univers où se mêlent modernité, antiquités et allégories chez De Chirico ou des contrastes absurdes chez Dali. Tout comme lui, Magritte emploie des techniques classiques pour interroger le visible et sonder l’invisible. Il crée ainsi le courant du surréalisme vériste à partir de 1920, dans lequel s’inscrit L’empire des lumières, une série de tableaux peints en 1954 et représentant une scène urbaine nocturne contrastant avec un ciel de pleine journée. Cette association de deux réalités opposées qui sème le trouble et l’inquiétude chez le spectateur, sera bientôt un des motifs fétiches du cinéma surréaliste.
Cinéma surréaliste
Luis Bunuel et Salvador Dali créent à partir de 1926 un film réalisé à deux mains, dans la droite lignée des cadavres exquis des débuts du surréalisme, inspiré des rêves des deux artistes : Un chien andalou. Considéré comme le film surréaliste par excellence, cette œuvre muette de 16 minutes mêle l’onirisme, les peurs phobiques et l’érotisme dans la volonté toujours de faire se confronter des réalités contradictoires. Ce film deviendra une méthode pour le cinéma qui cherchera bientôt à aller au-delà des réalités et du rêve : vers le cauchemar.
Les expérimentations techniques mises en place par les surréalistes dans les années 1920 vont se poursuivre jusqu’à la mort d’André Breton en 1966. Elles ont participé à mettre en œuvre un vocabulaire iconographique merveilleux et onirique visant à dialoguer avec l’inconscient et libérer l’artiste des carcans de sa raison, de son éducation ou de sa formation artistique. La conception participative qui a animé les cadavres exquis des débuts trouvera sa voie dans les installations muséographiques de Marcel Duchamp, notamment pour First Papers of Surrealism, une exposition new-yorkaise de 1942 dont les fils tendus tout au long du parcours, obligeait les spectateurs à se contorsionner et à adopter des positions et des points de vue hasardeux, comme dans un rêve.
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