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Le portrait hollandais
L’art du portrait dans la Hollande du XVIIIe siècle est un sujet de recherche inépuisable. En effet, jamais en Europe on n’avait diffusé à ce point l’art de la représentation dans toutes les classes sociales de la société, le portrait prenant place à mi-chemin entre la sphère privée et la sphère publique. En effet, il sert autant à commémorer un événement de la vie qu’à représenter une expression faciale exagérée, comme dans les Tronie, ou à témoigner de la réussite sociale des personnes représentées. Ainsi, les portraits de cette période se distinguent par leur très grande variété : autoportraits, portraits de genre, d’enfants, de groupe, portraits d’habits ou encore portraits d’intérieurs, à la grande puissance méditative, comme dans les toiles de Vermeer. Leur puissant réalisme et leur exceptionnelle qualité d’exécution contribuent à la renommée internationale de certains artistes du XVIIe siècle, tel Rembrandt.
Le portrait de groupe
Au XVIIe siècle, le portrait de groupe n’est pas un genre propre aux Pays-Bas, bien qu’ils sont le moteur de l’impulsion donnée à ce genre, on le retrouve autant en Italie qu’en France (cf. Charles Lebrun, Portrait d’Everard Jabach et sa famille, vers 1660, New York, Metropolitan Museum). Le portrait de groupe hollandais présente néanmoins des spécificités ; ainsi, si en Italie les personnages du portrait de groupe se subordonnent à une action commune, comme souvent dans la peinture d’histoire, ce n’est pas le cas dans les peintures de groupe hollandaises. En effet, au lieu de se fondre sur une unité interne comme la peinture d’histoire italienne et française, la peinture hollandaise se forme sur une unité externe : le prolongement avec le spectateur. Ce qui intéresse les peintres c’est l’instant saisi et l’unité du tableau qui est établie grâce au lien entre l’individualité des personnages et le spectateur.
Ces caractéristiques se retrouvent dans tous les types de portraits de groupe. Ainsi, dans les portraits de famille de Franz Hals, qui ont récemment été mis à l’honneur par la Fondation Custodia lors d’une magnifique exposition, les personnages interagissent librement entre eux, enfants et parents se répondant par des gestes ou des jeux de regards. Les personnages interpellent également le spectateur, comme dans Portrait de famille dans un paysage, 1645-48, Madrid, musée Thyssen-Bornemisza ; Franz Hals a considérablement renouvelé ce genre en y insérant une grande fraîcheur grâce aux habituels éclats de rire de ses personnages, qui ont fait son succès. Notons également que certains artistes se spécialisent dans la peinture d’enfants, comme Judith Leyster.
Le type du portrait de groupe hollandais le plus connu est sans nul doute le portrait de corporation, dit aussi portrait civique, qui représente les membres les plus éminent d’une guilde. Ce sous-genre a été magnifiquement illustré par Rembrandt dans La leçon d’anatomie du docteur Tulp, 1632, La Haye, Mauritshuis, qui représente, sous le prétexte d’un théâtre anatomique, la communauté de la guilde des chirurgiens. De même, le plus grand chef-d’œuvre de l’artiste, La ronde de nuit, 1642, Amsterdam, Rijksmuseum, est l’un des portraits militaires les plus célèbres au monde. L’agitation générale, la diversité des costumes et des expressions ainsi que l’interaction de certains personnages avec le spectateur, contribuent à créer un univers fourmillant de vie.
Le portrait individuel
Les deux grands maîtres évoqués plus hauts, Franz Hals et Rembrandt, se sont également illustrés dans des portraits individuels. Ainsi, Le Bouffon au luth de Franz Hals, vers 1624-26, Paris, Musée du Louvre est traité avec une liberté de touche extraordinaire, qui donne une grande vivacité à ce portrait de jeune homme au sourire malicieux. Cette toile a souvent été rapprochée du portrait de genre qui met en scène des personnages du petit peuple, dans une composition où s’instille parfois une mise en garde des dangers liés au plaisir des sens.
Hals traite également des portraits plus guindés, liés à la noblesse ou à la grande bourgeoisie, qui se rapprochent souvent du « portrait d’habit », autre sous-genre du portrait qui se caractérise par une mise en valeur des atours des personnages représentés, comme dans Le Cavalier Riant, 1624, Wallace Collection. La représentation de ces parures sert moins à refléter l’intérêt des habitants pour l’habillement qu’à témoigner de leur réussite sociale. Ainsi, dans le double portrait des Epoux Soolmans, 1635, Musée du Louvre et Rijksmuseum, Rembrandt représente les éblouissants effets des étoffes noires, qui étaient alors les plus luxueuses, la fluidité des soies et des satins ainsi que toute l’extravagance des chausses de l’époux.
Rembrandt s’amusait d’ailleurs beaucoup à vêtir ses modèles de manière fantasque ou exotique lorsqu’il réalisait des portraits allégoriques ou historiés, comme Aristote contemplant le buste d’Homère, 1653, Metropolitan Museum of Art. Il s’est également représenté lui-même dans de nombreux autoportraits, parfois paré d’attributs montrant sa réussite sociale, comme en témoigne la chaîne d’or de l’Autoportrait daté de 1630 et conservé aux Offices de Florence.
Vermeer ou la méditation symbolique
Les scènes d’intérieur du XVIIe siècle hollandais se rapprochent souvent de la scène de genre populaire, comme pour les tabagies d’Adrian Brouwer ou de David Téniers ou encore les grandes toiles de Jan Steen. Néanmoins, un peintre exceptionnel s’illustre magnifiquement dans des toiles à mi-chemin entre le portrait et la scène de genre : Johannes Vermeer. Ainsi, dans La Laitière, 1660, Rijksmuseum, il réussit l’équilibre parfait entre une scène de genre populaire, campé dans un intérieur simple, et un portrait à la grande intériorité qui a parfois été rapproché de l’allégorie de la Tempérance ou de la Constance.
De même, ses portraits de jeunes femmes, coupées en buste, sont empreints de symboles à la portée méditative, morale ou religieuse. Ainsi, dans un de ses plus grands chefs d’œuvres, La Jeune fille à la perle, 1665, La Haye, Mauritshuis, la perle a été communément interprétée comme un symbole de chasteté, en lien avec la mythologie chrétienne.
Ces portraits d’intérieurs, empreints d’une grande intériorité, connaissent en Hollande une immense postérité et orneront les œuvres de Nicolas Maes, Gabriel Metsu ou encore Gerard Ter Borch.
La très grande diversité des types de portraits dans les Pays-Bas au XVIIe siècle est la source d’une insatiable curiosité de la part des chercheurs, mais également des collectionneurs et des musées, qui se disputent les toiles des grands maîtres dans les ventes aux enchères publiques. Fort heureusement, la production de portraits hollandais a été telle qu’on en retrouve régulièrement sur le marché. N’hésitez pas à faire estimer votre portrait de famille, il s’agit peut-être de l’œuvre d’un grand maître du XVIIe siècle !