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Le monde rural vu par les artistes du XIXe siècle
Le monde rural et paysan connaît, au XIXe siècle, de grandes mutations. Aux rythmes lents et aux gestes millénaires s’ajoutent les caractéristiques de la ruralité moderne : le dépeuplement dû à l’exode rural qui s’accélère à partir de 1870, l’effacement de la vie communautaire et surtout, le passage de la propriété aristocratique ou bourgeoise de la terre à une exploitation personnelle, aidée par la mécanisation du travail (charrue à soc, batteuse et moissonneuses intègrent les campagnes).
À ces bouleversements et au profond enracinement rural de la France font échos la littérature et les arts visuels qui prennent la campagne et les paysans pour sujets (les œuvres littéraires, les Paysans de Balzac ou La terre de Zola, étant souvent à destination d’un public bourgeois et citadin décrivent la vie paysanne de manière bien plus triviale que les peintres). Les peintres de la vie quotidienne quant à eux, quelle que soit l’école à laquelle ils appartiennent, choisissent plus souvent de dépeindre la vie rurale que la vie urbaine, pourtant en pleine expansion.
L’école de Barbizon : l’étude de la nature
L’école de Barbizon désigne de manière informelle un groupe d’artistes s’étant établi dans le village éponyme à la lisière de la forêt de Fontainebleau pour peindre la nature sur le motif, à la suite de Camille Corot. L’influence de John Constable, dont les toiles sont exposées au Salon de 1824, et la création du tube de gouache en 1841 accélèrent l’exode de ces peintres surnommés les « pleinairistes » par la presse de l’époque.
Durant près de cinquante ans, de 1825 à 1875, les peintres affluent dans le petit village de Barbizon. Pour autant, le terme d’école est aujourd’hui considéré comme impropre par les historiens de l’art, en regard de production diversifiée de ces artistes. En marge du paysage codifié et académique, les « Barbizonnais » souhaitent prendre la nature comme sujet, et pour la rendre au mieux, l’observer et la peindre sur le vif. Parmi eux, Camille Corot apparait un temps comme un chef de file et un pionnier, aux côtés de Théodore Rousseau, très attaché à Barbizon où il passait tous ses étés. Hors de la voie tracée par Rousseau, le plus puriste des barbizonnais, d’autres tentent d’autres cheminements, comme Rosa Bonheur, la première peintre femme ayant reçu la Légion d’honneur des mains de l’impératrice Eugénie, qui se spécialise dans la représentation d’animaux de ferme ou encore Jean-François Millet et Gustave Courbet qui délaissent la simple représentation de la nature pour rendre l’aprêté de la vie paysanne et rurale.
Le réalisme : exaltation et misère de la vie paysanne
Pour Courbet comme pour Millet, le réalisme en peinture n’est pas une tentative d’imitation servile du réel, il souhaite « traduire les mœurs, les idées, l’aspect de son époque ». Contemporain de l’invention et de la diffusion de la photographie, il s’en sert dans son œuvre pour pouvoir produire ce qu’il nomme de « l’art vivant », sensible dans l’oeuvre ci-dessus. Au contraire de Daumier, également considéré comme un peintre réaliste par Champfleury, Courbet n’a pas vocation à exposer ses idées politiques dans ses œuvres, bien qu’il ne cache pas la rudesse de la vie à la campagne, rendue sans théâtralité.
D’autres réalistes, comme Jean-François Millet ou Jules Breton donnent une image nostalgique du monde rural. Dans l’œuvre ci-dessous, le peintre représente un souvenir : « L’Angélus est un tableau que j’ai fait en pensant comment, en travaillant autrefois dans les champs, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l’angélus pour ces pauvres morts », 1865. Le tableau connaitra un destin particulier : objet d’un incroyable engouement patriotique lors de son achat par le Louvre en 1889, il est lacéré en 1932 puis devient au cours du XXe siècle, une œuvre iconique mondialement célèbre.
L’impressionnisme et le post-impressionnisme.
Les peintres des avant-gardes de la fin du XIXe siècle cherchent plus que jamais à travailler en plein air : la sortie hors de l’atelier leur apparait comme la seule voie pour oublier les conventions et rajeunir leur peinture. Ainsi, les peintres impressionnistes et post-impressionnistes comme Monet, Pissarro, Gauguin, Emile Bernard ou Van Gogh s’intéressent de très près à la retranscription de la nature, proche ou lointaine. Certains, comme Gauguin, recherchent la nature primitive tantôt en Bretagne (notamment à Pont-Aven), tantôt dans les iles du Pacifique.
Au contraire des Barbizonnais et des réalistes, le sujet rural n’est pour eux qu’un prétexte à l’application de leurs recherches plastiques. Dans Les Meules, une suite de vingt-cinq tableaux réalisés entre 1890 et 1891, Claude Monet explore la répétition d’un même motif à des jours et des saisons différentes, comme un prétexte à un travail minutieux et patient sur les rendus des effets lumineux et atmosphériques. Le motif des meules de foin est un topo de la représentation de la nature au XIXe siècle : peintes par Millet, Pissaro, Van Gogh, les meules suffisent à désigner la moisson et le travail paysan. L’année suivante, Monet poursuivra ses travaux sur la série en prenant pour thème un sujet urbain : la cathédrale de Rouen.
Les artistes du XXe siècle préféreront à la ruralité le dynamisme de la ville, qui sera là encore, le terrain d’expérimentations picturales et techniques, du fauvisme au futurisme en passant par le Pop Art.
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