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Comment reconnaitre le mobilier des années trente ? Histoire et caractéristiques.
Aux années folles de 1920-1929, période d’accalmie entre les deux grandes guerres mondiales, succèdent une décennie marquée par des bouleversements politiques radicaux et les revirements économiques. Au sein du chaos néanmoins, de grandes nouveautés apparaissent dans l’histoire de la peinture et de la sculpture : les mouvements cubistes, futuristes et dada seront le point de départ d’un nouveau dialogue entre l’ancien et le moderne.
La querelle entre deux visions de l’art
Un nouveau dialogue entre l’Ancien et le Moderne
Concernant le mobilier et les arts décoratifs, une semblable querelle se fait jour, qui crée ensuite un clivage entre deux modes de pensées diamétralement opposés : d’un côté, les architectes et décorateurs de l’UAM, l’Union des Artistes Modernes, fondée en 1929, qui revendiquent une alliance de l’art et de l’industrie dans le but de créer un cadre de vie moderne adaptée à la vie contemporaine. De l’autre, des artisans se réclamant de l’héritage d’un savoir-faire artisanal traditionnel et national, qui induit dans les styles, et parfois même dans les techniques, un retour au mobilier du XIXe siècle.
Il s’agit donc d’une époque d’intenses mutations et d’une grande cohabitation de styles. Au début du siècle, les productions métalliques d’artistes extrêmement novateurs comme Robert Mallet-Stevens côtoient par exemple les marqueteries et les matières précieuses du grand Jacques-Emile Ruhlmann, le « Riesener de l’Art Déco ».
L’union des Artistes Modernes
L’Union des Artistes Modernes, que l’on connaît plus largement sous l’acronyme UAM est un mouvement d’artistes, de décorateurs et d’architectes fondé à l’issue du Salon des Artistes Décorateurs de 1929. Les membres de ce mouvement, parmi lesquels on trouve quelques-uns des noms les plus importants de l’art du XXIe siècle, tels Charlotte Perriand, Jean Prouvé, Jean Puiforcat, Robert Mallet-Stevens et Charles-Edouard Jeanneret, plus connu sous le nom de Le Corbusier, tentent de s’émanciper des règles décoratives pour se concentrer sur la fonction et la structure des arts décoratifs et de l’architecture. Parallèlement, ils exploitent de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques dans le but de les adapter à la vie moderne. Ils souhaitent également l’abolition de la hiérarchie entre les arts qualifiés de majeurs, les Beaux-Arts, et les arts mineurs, le mobilier et les arts décoratifs ; ils prônent « un art pur, un art social, accessible à tous et non une imitation faite pour la vanité de quelques-uns » comme décrit dans leur manifeste de 1934.
Les critiques sont immédiates, venant tant du public que des grands noms institutionnels et portent sur les fondements mêmes du groupe, à savoir l’utilisation des matériaux de l’industrie et la suppression de l’ornement.
Après la mort de Robert Mallet-Stevens en 1945, l’Union des Artistes Modernes s’essouffle quelque peu, et malgré quelques expositions innovantes telles la série des « Formes Utiles — Objets de notre temps », qui se tiendront annuellement entre 1949 et 1957, l’UAM ne séduit plus à cause de sa spécialisation toujours plus grande dans le design industriel.
Le mobilier : expérimentations et nouveaux matériaux
Le tube et l’acier
Le travail sur les nouveaux matériaux est au cœur des préoccupations artistiques innovantes des artistes décorateurs des années 30 et s’inscrivent pour certains dans la droite ligne des créations de leurs prédécesseurs et collègues. C’est le cas par exemple pour l’utilisation de deux matériaux qui vont faire leur chemin dans le mobilier moderne, le tube et l’acier, qui avaient déjà été exploités en 1923 par Robert Mallet-Stevens pour les sièges de la Villa Noailles à Hyères, puis en 1930 pour ceux de la villa Cavrois à Croix. Ces chaises, produites en série, connaîtront un succès retentissant et international et on les trouve encore aujourd’hui en salle des ventes, parfois pour des prix abordables. Six chaises métalliques modèles Villa Cavrois ont d’ailleurs été adjugées 880 euros en 2017 chez la maison Pousse-Cornet. Le tube et l’acier deviennent alors les matériaux de base de tous les ensembles présentés au Salon des Artistes Décorateurs en 1928 par Charlotte Perriand, René Herbst, Djo Bourgeois, Mallet-Stevens et Le Corbusier.
Le métal devient également le matériau de la standardisation du mobilier : le tube nickelé, chromé ou peint s’associe au verre clair ou teinté, au bois naturel, au miroir ou au cuir, révélant des surfaces nettes et sans décors qui font la renommée de leurs créateurs, comme le Fauteuil transatlantique d’Eileen Gray, en bois, métal et cuir synthétique, datant de 1929. Comptez environ 3000 à 4000 euros pour une réédition moderne.
Le renouveau des matières naturelles
Dans les pays scandinaves, on observe tout au long des années 30 une réelle appropriation du bois (tek, pin, hêtre ou bouleau), mis en valeur grâce à des techniques nouvelles, telles les feuilles de contre-plaqués courbées ou moulées ou encore les structures en bouleau lamellé, collé et courbé.
Un des plus grands représentants du mobilier scandinave des années 30 est sans nul doute Alvar Aalto, dont le modèle de fauteuil Tank, conçu vers 1935-36, a fait sa renommée.
En France, face à la suprématie de l’ornement s’oppose une tendance prenant en compte la précarité économique ainsi que le goût nouveau pour la vie en plein air. Charlotte Perriand, André Arbus, Étienne Kohlmann et autres utilisent alors des matériaux naturels tels que le cuir, le bois, la vannerie, la corde. Au niveau des tissus, la percale et le chintz remplacent les soieries.
La fin des années trente, qui coïncident avec l’entrée en guerre de la France, voit la fuite de nombre de ces grands artistes, comme Charlotte Perriand, qui part au Japon. D’autres, comme André Arbus, continuent de produire malgré la pénurie de bois d’exportation et l’exil d’une grande partie de la clientèle.
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