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Qu’est-ce que l’expressionnisme ?
L’expressionnisme dans les arts recouvre la capacité à traduire l’expression des sentiments ou certains aspects de la réalité par des rendus dynamiques et marquants pour le spectateur. Cette définition générale peut s’appliquer aux arts de l’Antiquité à nos jours. Donatello par exemple tend à la fin de sa vie à une plus grande expressivité des formes comme l’illustre sa Marie Madeleine repentante du Museo dell’opera Del Duomo.
Quatre siècles plus tard, les travaux tardifs de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, par leur retranscription des tourments de l’artiste, sont qualifiés d’expressionnistes. Plus spécifiquement, le terme qualifie un courant artistique apparu au début du XXe siècle en Europe du Nord et touchant à plusieurs pratiques, arts visuels, littérature, architecture, théâtre, cinéma, danse, tous caractérisés par une vision émotionnelle et subjective de la réalité.
Sources et origine de l’expressionnisme
Le mouvement expressionniste nait au confluent de plusieurs sources d’influences. La longue tradition de l’expressivité des formes en Europe du Nord qui apparait dès la fin du Moyen Âge (comme en témoignent les estampes de Matthias Grünewald ou les sculptures souabes) converge au début du XXe siècle avec l’extension européenne du fauvisme et un sentiment général profondément pessimiste, marqué par une grande récession économique et un climat social tendu, les signes avant-coureurs de la Première Guerre mondiale.
Ce mouvement d’avant-garde prend le contre-pied d’une retranscription fidèle de la réalité vantée par l’impressionnisme finissant et les développements de la photographie. Les artistes tendent à privilégier l’expressivité au détriment des codes académiques ou formels qui régissent habituellement les arts (lois de la perspective, couleurs naturalistes, composition équilibrée). En peinture, deux grands groupes sont principalement associés à l’expressionnisme : Die Brücke (Le Pont) et Der Blaue Reiter (Le Cavalier Bleu).
Die Brücke (Le pont)
Le groupe Die Brücke est formé à Dresde en 1905 par quatre étudiants et amis, E. L. Kirchner l’âme du groupe, F. Beyl, E. Heckel et K. Schmidt-Rottlluff. Formant une sorte de corporation, ils mettent en commun l’atelier, les modèles et le matériel constituant ainsi une réelle communauté artistique, telle que l’avait imaginé Van Gogh. Cet idéal d’union artistique nécessite l’agrandissement du groupe nodal, bientôt rejoint par E. Nolde, O. Müller, M. Pechstein et d’autres. En 1911, la Brücke déménage à Berlin, une ville plus proche des avant-gardes artistiques.
Die Brücke souhaite établir un lien, un pont, entre tous les artistes et artisans qui souhaitent participer à la création de l’art de demain, en cohésion avec « la vie sonore et colorée avec toutes ses pulsations » (Kirchner à C. Valentin, 1937). Néanmoins, Die Brücke ne formule pas de doctrines théoriques précises et réglementées comme le font les futuristes, le but premier est l’expérimentation en lien avec les idées nouvelles des philosophes et des poètes de leur temps, Nietzche, Rilke ou encore Stefan George. Les artistes de Die Brücke prônent la révolte d’un art anticonformiste, profondément lié au vécu de chacun, mais où la communauté de style prime (dans les expositions, les œuvres sont rarement signées avant de s’individualiser de plus en plus après 1911).
Leurs œuvres sont donc marquées par des caractéristiques formelles communes à tous les membres du groupe, telle l’importance donnée aux couleurs primaires, un cadrage resserré où les motifs de l’arrière-plan participent à la composition générale et une importance considérable du nu féminin. Certains artistes, comme Kirchner, cherchent à bousculer le spectateur par la violence des couleurs et de la composition peignant des ombres vertes comme Matisse et tordant violemment les formes.
Le groupe est dissout en 1913. Il subira a posteriori les vicissitudes réservées à l’art d’avant-garde allemand et sera qualifié d’art dégénéré par les nazis.
Der Blaue Reiter (Le cavalier bleu)
Au début du XXe siècle, Munich est une ville en pleine effervescence où se rencontrent nombre d’artistes issus des différentes avant-gardes européennes, notamment de la Sécession Munichoise et du Jugendstil. Parmi eux, Vassily Kandinsky, une figure forte de la cité des arts marqué par une réelle passion mystique et qui crée avec son ami Franz Marc un mouvement ouvert, Der Blaue Reiter. Ils seront très rapidement rejoint par August Macke, entre autres, un de leurs proches amis, Alexei van Jawlensky qui se refuse à passer le cap de l’abstraction et Alfred Kubin, un prophète annonciateur de l’œuvre de Kafka. Tous sont plus ou moins marqués par le simultanéisme des Delaunay, Sonia et Robert. Néanmoins, le Blaue Reiter n’a pas d’adhérents et encore moins de programme doctrinal, à part le souci constant de comprendre les liens qui unissent l’esprit à l’art, théorisé par Kandinsky en 1910 dans Du spirituel dans l’art.
Pour Kandinsky et les autres, la seule et unique loi de l’artiste est sa nécessité intérieure qui le pousse à insuffler un pouvoir expressif aux formes et aux couleurs. Au contraire des artistes de la Brücke, ils ne recherchent pas une communauté d’artistes et de formes, mais souhaitent montrer, par la variété des formes représentées, comment le désir et la réalité propres à chaque peintre se révèlent. August Macke considère ainsi la forme peinte comme « l’expression de forces intérieures ».
Le début de la Première Guerre mondiale marque un coup d’arrêt au groupe, en emportant deux de ses plus grands représentants, August Macke et Franz Marc. Le groupe sera officiellement dissout en 1919. Kandinsky suivra, comme d’autres, la voie de l’abstraction.
Le terme expressionniste est fortement controversé par les historiens de l’art qui se refusent à englober sous une formulation générique les artistes de la Brücke et ceux du Blaue Reiter, tout en les confondant avec le lyrisme poétique des Delaunay et le romantisme sombre de Franz Marc. En cela il faut comprendre que tout n’est pas dans l’expressionnisme le résultat d’une expressivité exacerbée et incontrôlée.