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Le Nouveau Réalisme
Le Nouveau Réalisme est un mouvement artistique d’envergure, qui éclot en France après la Seconde Guerre mondiale et dure une dizaine d’années, intenses et prolifiques tant sur le plan pratique que théorique pour les artistes du mouvement qui s’extrairont par la suite de l’expérience collective pour poursuivre des chemins personnels.
Ce mouvement s’inscrit dans une mouvance générale, à la fin des années 50, de renouvellement des langages artistiques (nouvelle vague au cinéma, néo-dada dans les arts visuels, nouveau roman en littérature). La société française est alors marquée par deux entités grandissantes, l’influence des États-Unis et le Capitalisme, qui tous deux produisent un incalculable nombre d’images auxquels les artistes réagissent.
Paris et New York sont alors les deux grands pôles de la création artistique occidentale : en Juin 1961, une exposition intitulée « Nouveau Réalisme à Paris et à New York » s’ouvre à Paris, l’année suivant à New York, dans la galerie Sidney Janis. Ces deux expositions lient au Pop Art américain les artistes européens du Nouveau Réalisme, qui ont, plus récemment, été célébrés dans une exposition au Grand Palais tenue en 2007 sous le commissariat de Cécile Debray.
Pierre Restany, le chef d’orchestre du nouveau réalisme
La date de naissance du mouvement est généralement arrêtée par les historiens d’art au 27 octobre 1960 lors de la publication de la Déclaration Constitutive du Nouveau Réalisme orchestrée par Pierre Restany qui réunit sous la même bannière des artistes qui revendiquent des pratiques diverses mais dont les travaux relèvent, selon lui, de « nouvelles pratiques du réel » visant à « mettre à mort la peinture de chevalet ». Parmi les signataires de la déclaration, qui a valeur de manifeste, on retrouve Yves Klein, Arman, Dufrêne, Jacques Villeglé, Raymond Hains, Daniel Spoerri, Jean Tinguely et Pierre Restany lui-même.
À ce groupe nodal s’ajouteront bientôt d’autres grandes figures de l’art français : Nikki de Saint-Phalle, Mimmo Rotella, Gérard Deschamps et Christo. Malgré leurs parcours et leurs méthodes variables, tous se reconnaissent par leur volonté de s’approprier le réel, ce qui sera qualifié par Restany de « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire », tout en explorant « la passionnante aventure du réel perçu en soi ».
Nouvelles pratiques du réel et identités fortes
Lacération, accumulation et compression
Pour travailler le réel, se l’approprier, les artistes s’essaient à des formes inédites. Raymond Hains et Jacques Villeglé décollent ainsi des affiches publicitaires lacérées dans la rue, qu’ils retravaillent par la suite, de manière individuelle depuis 1949 puis travaillant en commun jusqu’en 1954. Mimmo Rotella adoptera le même processus de création en 1953. À ces décollages sont associés un intérêt fort et ludique pour les jeux du langage, sensible dès la première œuvre de Villeglé et Hains, Ach Alma Manetro (tous deux co-signeront trois autres affiches). Photographies de textes déformés, calembours et bribes mis en forme gouverneront pour une grande part l’œuvre de Raymond Hains.
D’autres, comme Arman, opèrent plutôt la transformation du réel par la déformation des objets. En 1959, l’artiste commence des Accumulations, des assemblages d’objets standardisés et ses Poubelles, des détritus domestiques exposés dans une boite transparente, bientôt rejoint par les Colères, des destructions violentes. L’art d’Arman est très influencé par les Compressions que César expose à Paris en 1960.
Gérard Deschamps prend également ce parti, mais dans une veine plus décorative : il accumule des tissus et des pièces de vêtements. Daniel Spoerri quant à lui invente ses Tableaux-Pièges qu’il définit ainsi en 1966 : « Tableau-piège : des objets trouvés au hasard, en ordre ou en désordre (sur des tables, dans des boîtes, dans des tiroirs, etc.) sont fixés (“piégés”) tels quels. Seul le plan est changé : dès lors que le résultat est appelé tableau, ce qui était à l’horizontale est mis à la verticale. ». En tenant de fixer le réel, comme dans Marché aux puces (hommage à Giacometti), 1961, Centre Pompidou, Spoerri transforme son œuvre en un défi lancé à la fuite du temps.
Assemblage et empaquetage
Pratiquement toutes les œuvres des artistes liés au groupe des Nouveaux Réalistes pourraient être qualifiées d’assemblages, mais c’est particulièrement pour celles de Jean Tinguely que cette dénomination est pertinente. Avec l’Enfer, un petit début une œuvre réalisée tardivement en 1984, Jean Tinguely aborde de monumentaux assemblages, qu’il ne cesse de retravailler, même après l’acquisition de l’œuvre par le Musée national d’art moderne. Sur une estrade, de nombreuses sculptures mobiles et sonores s’associent à des éléments végétaux et animaux, ainsi que des objets manufacturés. Ce fatras organisé et l’une des œuvres les plus abouties de l’artiste.
L’assemblage sera aussi une des grandes aspirations de Nikki de Saint Phalle, qui travaille avec davantage de violence et de spontanéité que Tinguely, notamment dans ses tableaux-reliefs colorés par des tirs de carabine dans une série de performances filmées en 1960-1962.
Quant à Christo, récemment disparu, il commence ses célèbres empaquetages à partir de 1958. Travaillant avec sa femme Jeanne-Claude, il débute par l’empaquetage et l’assemblage de petits objets divers, comme dans Look. Sa pratique devient monumentale à partir de 1968, confirmant au Land Art dans son travail sur l’empaquetage de monuments urbains, comme le Pont-Neuf à Paris en 1985 ou encore l’encerclement des îles de la baie de Biscayne à Miami, une installation qui dura deux semaines et qui aura nécessité 600 000 mètres carrés de polypropylène. Malgré sa disparition et selon son vœu, la prochaine installation de Christo (l’emballage de l’Arc de Triomphe) devrait être maintenue en 2021, preuve que pour les Nouveaux Réalistes, « la passionnante aventure du réel perçu en soi » ne s’arrête pas à la mort.
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