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Qui sont les artistes du Bateau-Lavoir ?
Sur une petite place de Montmartre, un amas hétéroclite de poutres, de planches et de verrières constituant simple bâtisse en bois appartient à l’histoire de l’art moderne. Lieu de dévoilement des Demoiselles d’Avignon de Picasso et foyer pour nombre d’artistes des grandes avant-gardes du XXe siècle (Van Dongen, Juan Gris, Constantin Brancusi et d’autres qui ne faisaient parfois que passer, comme Braque, Léger, Matisse…), ce vieux bâtiment connut, jusqu’à la Première Guerre mondiale, une intense activité créatrice. S’y côtoyaient peintres, écrivains et poètes (Guillaume Apollinaire, Pierre Mac Orlan, Max Jacob), que venaient visiter marchands (Ambroise Vollard, Daniel-Henry Kahnweiler) et collectionneurs (Gertrude et Leo Stein). Histoire d’un lieu fondateur de la vie artistique parisienne au XXe siècle.
En 1860, une fabrique de pianos (bientôt désaffectée) remplace la guinguette qui égayait l’ancienne place Ravignan. En 1889, la fabrique est rachetée par un entrepreneur qui, voulant en tirer des rentes, la fait transformer en une vingtaine d’ateliers d’artistes agrémentés de verrières, mais sans aucun confort : glacials en hiver, étouffants en été, avec un seul point d’eau. La répartition de ces ateliers, de part et d’autre d’un long couloir (comme les cabines d’un paquebot) aurait inspiré Max Jacob pour le nom de bateau, associé ironiquement à « Lavoir », au regard du seul point d’eau et d’aisance de la maison.
Fauves et cubistes : la rencontre de Picasso et Van Dongen au Bateau-Lavoir.
Le premier artiste à s’installer au Bateau-Lavoir, que l’on nomme encore alors « La maison du Trappeur » est Maxime Maufra en 1893, un peintre et lithographe à peine revenus de Pont-Aven où il avait connu Paul Gauguin, qu’il fait venir auprès de lui à Montmartre. Autour de 1900, les ateliers sont occupés par deux groupes d’artistes : les Italiens et les Espagnols, dont le céramiste Paco Durrio. Pablo Picasso lui arrive en 1904, il restera au Bateau-Lavoir cinq ans, mais y conservera un atelier jusqu’en 1912, au moment ou Van Dongen quitte Montmartre pour Montparnasse. Il n’est pas encore l’artiste légendaire qu’il deviendra, son ami et critique André Salmon, se remémorant l’atelier du peintre, le décrit comme suit :
Un an après l’arrivée de Picasso, Van Dongen s’y installe avec son épouse et leur fille, dans l’un des plus petits ateliers du Bateau-Lavoir. Il n’y restera qu’un an et demi, mais son passage à Montmartre sera décisif dans l’évolution de sa manière vers le fauvisme. Picasso et lui sont proches, ils se rendent au cirque pour croquer sur le vif danseuses et acrobates. Van Dongen réalise aussi nombre de portraits de femmes, dont un de Fernande Olivier, la femme de Picasso, en 1907, la même année où le peintre catalan dévoile un tableau qui l’a occupé des mois durant : Les demoiselles d’Avignon.
Splendeurs et déclin du Bateau-Lavoir
En 1908, l’année de l’installation d’André Salmon dans le foyer de Montmartre a lieu l’un des événements les plus marquants de l’histoire du lieu : l’extraordinaire banquet organisé par Picasso et Apollinaire en l’honneur du douanier Rousseau, dont Picasso vient de découvrir la peinture. Sous une banderole « Hommage à Rousseau » se sont alors réunis Picasso, André Salmon, Apollinaire, George Braque, Max Jacob, Marie Laurencin, les collectionneurs Gertrude et Leo Stein : presque tous ceux qui font la modernité du XXe siècle sont là, fréquentant aussi d’autres artistes de la Butte, comme Maurice Utrillo.
Ce fut les derniers grands feux du légendaire Bateau-Lavoir, dont le déclin commence vers 1910. Picasso est parti et à Van Dongen qui connait désormais le succès succède Juan Gris, qui partira peu après. Certains artistes sont appelés sur le front dès 1914 et d’autres, à l’instar du peintre hollandais, délaissent Montmartre pour Montparnasse et la Ruche.
Le Bateau-Lavoir aujourd’hui
Sur décision d’André Malraux, le site est classé en 1969 aux Monuments Historiques, mais il est ravagé par un incendie quelques mois plus tard, en 1970, qui détruit toute la structure en bois, sauf la façade. Le site est ensuite racheté par la ville de Paris lors d’une vente aux enchères mémorable. En 1978, l’architecte Claude Charpentier reconstruit entièrement le bâtiment, cette fois en béton, et y établit, dans la droite lignée de la pépinières d’artistes du XXe siècle, vingt-cinq ateliers d’artistes occupés par des peintres et des photographes, tout en veillant à conserver l’esprit multiculturel du lieu : on y trouve notamment la peintre Nadia Saikali et le photographe Hachiro Kanno.
Les conditions de vie du lieu ont, heureusement, également changé : les espaces sont sécurisés, gérés par la ville de Paris, et on y trouve une salle d’exposition aménagée au sous-sol où a eu lieu en 2018 une exposition célébrant les quarante ans du « nouveau » Bateau-Lavoir.
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