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Qu’est-ce que le rococo ?
Le terme « rococo » est né de la fusion du style rocaille français et du baroque italien. Il fut inventé à la fin du XVIIIe siècle par le peintre néoclassique Pierre-Maurice Quay (1777-1803). Faisant son apparition en France aux alentours de 1730, le style rococo s’est ensuite diffusé au reste de l’Europe.
Mouvement de la légèreté, de la frivolité, de la lumière et de la transparence, le rococo cherche à refouler les angoisses d’une société en déclin. En effet, les fastes de Versailles et des cours transmettent une image erronée du XVIIe siècle. Le « Grand Siècle » fut en réalité très sombre tant sur le plan économique que social. Jamais les populations européennes n’ont été aussi misérables en raison des guerres, famines et épidémies qui firent tomber très bas l’espérance de vie. Le rococo déclina vers 1760 au profit du néoclassicisme et du romantisme.
Le rococo en France
Le XVIIe siècle fut marqué en France par le règne de Louis XIV. L’art était alors empreint d’un classicisme sévère et rigoureux. C’est à la mort du roi que le style décoratif put enfin se débrider. La rocaille puis le rococo sont les témoins d’une société devenue davantage légère et libertine.
La Régence de Philippe d’Orléans
À la mort de Louis XIV en 1715 son arrière-petit-fils et héritier Louis XV est encore mineur. C’est donc le neveu du roi, Philippe d’Orléans dit Le Régent (1674-1723), qui gouverna jusqu’à la majorité du dauphin en 1722.
Dès son arrivée au pouvoir, le Régent et la Cour quittèrent Versailles au profit de Paris qui devint le véritable foyer artistique de l’époque. Ce fut une période de bouleversements sociaux culturels : interventions des financiers auprès du Trésor, création de la Compagnie des Indes en 1716, investissement dans les arts des membres des branches cadettes de la famille royale (Orléans, Bourbon-Condé) ainsi que des enfants légitimes de Louis XIV (duc du Maine, comte de Toulouse). Les nouveaux riches participèrent à l’orientation du goût et furent à l’initiative de grandes collections.
Les mœurs ont évolué, la population aspire à une vie plus facile d’où le développement des objets et meubles luxueux. Charles Cressent (1685-1768) est l’ébéniste emblématique de la Régence. Il est connu pour ses placages à décor de frisage et la qualité de ses bronzes dorés.
Artistiquement, la Régence s’étend au-delà du règne de Philippe d’Orléans et correspond aux années 1700-1730. Par la suite Louis XV développa un nouveau style décoratif : la rocaille.
La rocaille Louis XV
Sous le règne de Louis XV (1710-1774), le pays connut une longue période de paix. Le commerce avec les colonies d’Amérique et les comptoirs d’Extrême-Orient inonda le marché de toutes sortes d’objets de luxe et de denrées exotiques.
Le style rocaille est le fait des ornemanistes (décorateurs d’intérieur). Il s’agit d’un style extrêmement moderne pour l’époque marqué par la recherche d’une qualité technique exceptionnelle. De nouveaux meubles ont fait leur apparition : secrétaire à abattant, secrétaire de pente, dessertes, coiffeuses, etc. Les façades des meubles sont galbées, les pieds chantournés, les marqueteries et placages rehaussés par des bronzes dorés à la ciselure fine et délicate. Les éléments d’ornementation reprennent les motifs des grotesques de la Renaissance (masques, feuilles d’acanthe, coquille).
Le commerce avec les colonies permit l’importation de bois indigène, mais également de paravents provenant d’Asie. Ainsi les ébénistes découpaient des derniers afin d’orner leurs meubles de laque de Chine et du Japon (motifs en résine). Mais ce procédé étant contraignant, les frères Martin, vernisseurs du roi, mirent au point vers 1750 un vernis portant aujourd’hui leur nom et imitant la laque. Ce vernis Martin est moins brillant, mais permet de varier les fonds et décors.
Jean Pillement (1728-1808) et Juste-Aurèle Meissonnier (1695-1750) sont les deux principaux ornemanistes du style rocaille. Pillement est l’auteur de boiseries rocaille à décor de chinoiseries tandis que Meissonnier réalisa des projets de meubles, boiseries et orfèvreries aux courbes exagérées. Du côté des ébénistes nous retrouvons le célèbre Bernard II van Riesenburg dit « BVRB II » (1700-1770) qui réalisa de nombreuses commandes issues de la reine Marie Lezczynska et de la marquise de Pompadour. Il est connu pour la virtuosité de ses meubles usants des placages de laque du Japon à fond noir ainsi que des placages de porcelaine. Nicolas Heurtaut (1720-1771) est l’un des plus grands chaisiers menuisiers de son époque. Ses réalisations illustrent un style rocaille puissant et solide.
Les fêtes galantes
Si le mobilier se caractérise par ses courbes parfois exagérées, la peinture rococo se veut théâtrale. Les compositions, les mises en place des personnages, les postures et déguisements témoignent d’une volonté de montrer le monde non pas tel qu’il est, mais tel que les peintres voudraient qu’il soit. Les scènes représentées sont légères et frivoles. Les peintres dépeignent tantôt l’aristocratie tantôt la bourgeoisie.
Bien que décédé en 1721, Antoine Watteau (1684-1721) demeure le peintre emblématique du rococo. Ses compositions idylliques illustrent une vie de songe consacrée à de douces conversations dans des parcs, de belles femmes et des amants charmants. L’atmosphère est douce et mélancolique, la lumière fait chatoyer les étoffes des costumes. C’est la naissance des fêtes galantes. Son œuvre la plus célèbre « Embarquement pour l’Ile de Cythère » fut peinte vers 1718. Des amants sont représentés dans un paysage enchanté, attendant de monter dans une gondole dorée partant pour l’île. Les tons sont chauds, la lumière diffuse, les personnages heureux et les vêtements précieux.
Ses élèves Jean-Baptiste Pater (1695-1736) et Nicolas Lancret (1690-1743) ont poursuivi l’œuvre du maître sans jamais l’égaler pour autant. De leur côté, François Boucher (1703-1770) puis Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) instillèrent davantage d’érotisme et de sentiments amoureux dans leurs portraits, leurs paysages ainsi que dans leurs scènes mythologiques. Les nus de Boucher sont roses et pulpeux. Sous prétexte de thèmes liés au jeu et à la joie de courtiser, Fragonard orchestra de savantes chorégraphies dans des clairières ou charmantes alcôves.
Nicolas Largillière (1656-1746) et Élisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842) sont les principaux portraitistes du rococo. Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779) excella dans ses scènes de genre et ses natures mortes au caractère intime. Tout comme les peintres de genre flamand du XVIIe siècle, Chardin s’attacha à la vie quotidienne, à la représentation des scènes paisibles de la vie populaire, au caractère anecdotique.
Bien que prédominante, la peinture à l’huile n’est pas le seul procédé par lequel les artistes se sont exprimés.
Le développement du pastel
Le pastel est un matériau artificiel probablement inventé en France au XVIe siècle. Ce dernier donna son nom à une technique intermédiaire entre le dessin et la peinture. Au XVIIIe siècle certains artistes se sont spécialisés dans le pastel. Cette technique était alors particulièrement appréciée pour ses tons délicats, son velouté et son rendu d’une grande douceur. Maurice Quentin de la Tour (1704-1788), Jean-Etienne Liotard (1702-1789) et la Vénitienne Rosalba Carriera (1675-1757) réalisèrent de nombreux portraits au pastel.
Huiles sur toile, dessins, aquarelles, pastels ; les artistes eurent l’occasion d’exposer leurs divers médiums à l’occasion de salons officiels.
L’apparition de la critique d’art
L’Académie royale de peinture et de sculpture développa au cours du XVIIIe siècle la mise en place d’expositions officielles d’œuvres d’art français ouvertes au public. Ces salons eurent régulièrement lieu, un jury décidait de l’admission des artistes. La peinture d’histoire ainsi que la peinture mythologique étaient encore considérées comme les genres les plus importants au détriment des paysages, scènes de genre et natures mortes.
Certains se spécialisèrent alors dans la critique d’art. Ceci fut le cas du philosophe Denis Diderot (1713-1784) qui rédigea neuf « Salons » entre 1759 et 1781. Héraut de Chardin et Greuze, il était également le principal détracteur de Boucher s’indignant qu’un tel artiste consacre son talent à la réalisation de scènes pastorales badines.
Les peintres pouvaient choisir de tenir compte ou non des critiques émises et ainsi suivre les recommandations de l’Académie afin d’atteindre la reconnaissance de leur vivant.
Le rococo en Italie
Ville incontournable du Grand Tour — voyage éducatif des aristocrates et des bourgeois du XVIIIe siècle — Rome demeure la capitale artistique de l’Italie. Toutefois, les grands génies du XVIIIe siècle se sont principalement illustrés à Venise. La sérénissime accueillit de nombreux artistes dont le peintre de décors intérieurs Giovanni Battista Tiepolo et le védutiste Antonio Canale dit Canaletto.
Des décors intérieurs grandioses
Maitrisant la technique de la peinture à fresque, les artistes italiens étaient demandés dans toute l’Europe du XVIIIe siècle pour la décoration intérieure des palais et autres édifices.
Giovanni Battista Tiepolo (1696-1770) est célèbre pour ses fresques gigantesques. Il travailla en Italie, mais également en Allemagne et en Espagne. Contrairement aux artistes baroques, il n’utilisa pas la technique du clair-obscur, mais employa des tonalités claires. Il réinventa la lumière à travers des scènes pleines de fantaisie aux couleurs vives. Ses compositions religieuses et mythologiques revêtent un aspect théâtral. Ces scènes solaires trouvent leur inspiration dans la Renaissance vénitienne auprès de Titien et Véronèse. Giambattista Tiepolo obtint son premier succès avec la décoration de la galerie du palais de l’archevêque d’Udine.
Son fils, Giovanni Domenico Tiepolo (1727-1804), s’attacha dans un premier temps à suivre la tradition picturale familiale. Il parvint toutefois à développer sa personnalité propre et se dirigea vers la caricature et le grotesque. Giandomenico réalisa des fresques fantaisistes mettant en scène des personnages de la commedia dell’arte.
Des vedute idylliques
L’art italien innova à travers le développement de la peinture et de la gravure de vedute (de vues), c’est-à-dire de la peinture de paysages urbains. À l’époque, les voyageurs désiraient emporter des souvenirs de leur séjour italien. Venise offrit aux peintres des thèmes incomparables grâce à ses canaux, à la place Saint-Marc, au palais des Doges ou encore au pont des Soupirs.
Maître absolu de la perspective, Antonio Canale (1697-1768) fit de Venise l’œuvre de sa vie. Ses vues de la ville à l’extraordinaire précision firent l’objet d’un marché au succès franc. Les pays du Nord et notamment l’Angleterre ont acquis de nombreuses œuvres du védutiste à tel point qu’aujourd’hui peu de ses œuvres sont visibles en Italie. La magnificence des vedute réside dans la subtile combinaison de l’eau — omniprésente à Venise — et de la lumière.
Son élève et beau-frère de Giambattista Tiepolo, Francesco Guardi (1712-1793), s’est démarqué du maître grâce à sa touche brillante et à ses tons pastel. Ses compositions illustrent des vues d’ensemble où les gondoliers sont suggérés par quelques taches de couleur subtilement juxtaposées. Tout comme Canaletto, les vues de Guardi insèrent des capricci (caprices), c’est-à-dire des éléments fictifs afin de charmer l’œil du spectateur. Ces compositions assemblant motifs architecturaux vénitiens et ruines sont empreintes de poésie.
L’art du caprice était grandement apprécié au XVIIIe siècle. Giovanni Paolo Pannini (1691-1765) en est la figure principale. Le français Hubert Robert (1733-1808) s’installa à Rome et réalisa de magnifiques compositions dont la « Vue imaginaire de la grande galerie du Louvre en ruines » en 1796. Ses constructions imaginaires ont fait de lui un précurseur du romantisme.
Le rococo en Angleterre
En marge du rococo français et italien, l’Angleterre développa son propre style national à travers l’art du portrait. Cette tradition du portrait trouve ses origines au XVIe siècle. En effet d’illustres portraitistes dont Hans Holbein le Jeune (1497-1543) et Antoine Van Dyck (1599-1641) avaient alors séjourné en Angleterre et travaillé pour le roi. Par la suite, la victoire du protestantisme ainsi que la révolution industrielle anglaise modifièrent les équilibres sociaux ce qui ouvrit un nouveau rapport entre l’art et la bourgeoisie. Le portrait n’était plus alors réservé à la seule aristocratie. Au XVIIIe siècle toute une génération de portraitistes de génie se développa en Angleterre.
Le satirique William Hogarth
Le graveur et peintre William Hogarth (1697-1764) mit son talent au service de la satire dans le but de représenter la société de son époque. Ce dernier chercha à créer un nouveau genre de peinture qui put toucher certaines catégories de ses concitoyens afin de concurrencer les maitres étrangers dont les œuvres étaient vendues si cher. Il souhaitait donner une utilité évidente à la peinture tout en respectant la tradition puritaine. Hogarth réalisa ainsi des tableaux à portée moralisatrice intelligible à n’importe quel spectateur. Ses compositions tendent aux tableaux vivants où chaque personnage joue un rôle précis et s’exprime en gestes clairs. Hogarth s’attacha au caractère de ses personnages en misant sur leur expression du visage et leur attitude. N’ignorant pas l’art italien, il apprit de Francesco Guardi à suggérer une figure en quelques touches expressives.
Renommé de son vivant, William Hogarth ne réussit pas toutefois à détourner ses compatriotes de leur penchant pour la peinture ancienne. Les connaisseurs contemporains durent attendre presque une génération plus tard pour que naquît en Angleterre un peintre capable de satisfaire les aspirations de la société élégante.
L’élégant Joshua Reynolds
Sir Joshua Reynolds (1723-1792) amena l’art du portrait anglais à son paroxysme. Ayant séjourné en Italie, il soutenait la perfection artistique incomparable des maitres de la Renaissance italienne notamment le dessin de Raphaël et le coloris de Titien. En 1768 Reynolds fut nommé premier président de la Royal Academy of Arts où il exposa sa doctrine académique.
Reynolds peignit des portraits flatteurs et distingués tout en ajoutant une touche susceptible de caractériser le personnage représenté ainsi que son rôle social. Dans son « Portrait de Miss Bowles avec son chien » de 1775, Reynolds s’est attaché à représenter le caractère de l’enfant, sa douceur et son charme. Dans un portrait ressemblant « Le Prince Philippe d’Espagne » de 1659, Diégo Vélasquez s’était davantage attaché au traitement des chairs, des cheveux et du pelage du chien. Sur le plan technique, la composition de Reynolds peut donc sembler décevante. Toutefois, le peintre souhaitait simplement proposer une image touchante à travers une composition équilibrée.
En posant les bases théoriques du beau idéal, Joshua Reynolds ouvrit la voie au néoclassicisme. Au contraire, son contemporain Thomas Gainsborough dirigea l’art du portrait et de la peinture du paysage vers le romantisme.
Le romantique Thomas Gainsborough
Joshua Reynolds et Thomas Gainsborough (1727-1788) sont souvent comparés et opposés, ce qui n’est pas sans rappeler le contraste entre le savant Annibale Carrache et le révolutionnaire Caravage.
Le « Portrait de Miss Haverfield » peint vers 1780 illustres un art plus frais et spontané que l’art concerté de Reynolds. Gainsborough peignait sans arrière-pensée intellectuelle. Il n’avait que pour seul souci de mettre en valeur sa virtuosité de pinceau et sa sûreté de vision. Ainsi, ses chairs, tissus et dentelles sont-elles mieux rendues qu’avec Reynolds. Ses portraits ont une délicatesse et un raffinement qui n’est pas sans rappeler Antoine Watteau.
La principale différence entre les deux artistes réside dans leur caractère. Là où Joshua Reynolds aimait les mondanités, Thomas Gainsborough se plaisait dans le calme de la campagne. Si le premier faisait prévaloir la peinture d’histoire, le second excellait dans la peinture de paysage. Et c’est sans enthousiasme que les deux artistes consacraient leur temps à d’incessantes commandes de portraits.
Francisco de Goya ou la vision désenchanteresse
À la fin du XVIIIe siècle, Francisco de Goya (1746-1828) rompit avec les compositions aux caprices idylliques. L’imaginaire merveilleux laissa alors place au cauchemar de la réalité. S’il réalisa de nombreux portraits de cour, l’artiste espagnol dénonça à travers ses compositions visionnaires l’asservissement, la bêtise, la cruauté, l’inhumanité des hommes. En ce sens « Les fusillades du 3 mai 1808 » est une œuvre emblématique. Ce tableau relate le soulèvement du peuple de Madrid contre les troupes napoléoniennes. De nombreux innocents furent fusillés. À travers cette œuvre Goya chercha à construire une histoire nationale. L’homme central revêt le blanc de l’innocence, les bras écartés en référence au Christ sur la croix, les soldats français sont dans la pénombre, le ciel est noir, la lumière du côté des innocents. Goya ne cache rien : au premier plan sont visibles les cadavres des hommes morts juchés de sang.
Les Anglais Johann Heinrich Füssli (1741-1825) et William Blake (1757-1827) se sont également penchés sur cette expression du vrai par le cauchemar. La vérité n’est plus sublimée et ne peut plus se satisfaire des frivolités, des allégories ou des caprices. La voie est dorénavant ouverte au romantisme…
Le rococo face au marché de l’art
Le rococo n’est pas en reste sur le marché de l’art. Encore en juin dernier un tableau de François Boucher « Joueur de vielle » fut vendu 494 000 euros. À la même période, une pendule à musique au rhinocéros d’époque Louis XV s’est envolée à 492 500 euros chez Sotheby’s Paris. N’hésitez pas à contacter Mr Expert pour faire expertiser un tableau ou un meuble Rococo !
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