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L’École d’Hanoï, entre traditions occidentale, chinoise et vietnamienne
Fondée en 1925 sous l’ancien empire colonial français de l’Indochine française, l’École des Beaux-Arts du Vietnam est une école d’art située à Hanoï.
Cette école forma de nombreux artistes vietnamiens à la touche reconnaissable. De manière générale, ces artistes sont désignés par le terme « d’École d’Hanoï ». Leurs œuvres sont aujourd’hui très recherchées et prisées sur le marché de l’art européen et asiatique.
L’histoire de l’École d’Hanoï
Ses origines
L’École des Beaux-Arts de l’Indochine (EBAI) fut fondée en 1925 par le gouvernement colonial français. Ce même gouvernement était déjà à l’origine de l’École nationale des Beaux-Arts d’Alger fondée en 1843 ainsi que de l’École des Beaux-Arts de Tunis datant de 1923.
L’institution d’Indochine était ouverte à tous les étudiants d’Indochine française souhaitant s’orienter vers l’art. Dans les faits, la majorité d’entre eux venaient d’Hanoï et du Tonkin.
Toute une génération d’artistes fut ainsi initiée à la peinture de tradition occidentale, ouvrant la voie à un style d’art moderne propre au Vietnam.
Les peintres français Victor Tardieu (1870-1937) et vietnamien Nguyen Nam Son (1890-1973) furent chargés de la création de l’École des Beaux-Arts. Tardieu étudia à l’École des Beaux-Arts de Lyon, à l’Académie Julian ainsi qu’à l’École des Beaux-Arts de Paris. Ancien élève du peintre académique Léon Bonnat (1833-1922), il exposa à divers Salons de Paris.
Tardieu fut également le premier directeur de l’institution jusqu’en 1936. Le sculpteur Évariste Jonchère (1892-1956) lui succéda jusqu’en 1945.
Nombre des artistes qui enseignèrent au sein de l’école étaient des gagnants du Prix d’Indochine institué en 1910. À partir de 1925, remporter ce prix lui permettait d’enseigner durant une année à l’École des Beaux-Arts du Vietnam. Parmi ces professeurs figuraient les peintres Joseph Inguimberty (1896-1971) et Alix Aymé (1894-1989).
L’après Seconde Guerre mondiale
À partir d’août 1945, l’école fut reprise par le gouvernement provisoire de la République démocratique du Vietnam. Lorsque la lutte contre la présence française s’intensifia vers 1950, l’école fut transférée dans une province adjacente sous la direction du peintre To Ngoc Van (1906-1954).
La fin de la guerre d’Indochine en 1954 marqua également le retour des professeurs et des étudiants à Hanoï. Une nouvelle école fut instituée en 1957, à savoir l’École supérieure des Beaux-Arts d’Hanoï. En 1981 elle fut renommée Université des Beaux-Arts de Hanoï.
Les artistes majeurs de l’École de Hanoï
Nguyen Phan Chanh (1892-1984)
Nguyen Phan Chanh intégra l’École des Beaux-Arts de l’Indochine dès son ouverture en 1925. Il fut diplômé cinq ans plus tard en 1930.
Ses œuvres dépeignent le monde rural à travers des tonalités issues de la terre (brun, noir, ocre) rehaussées de blanc. Ses compositions illustrent le mélange des cultures chinoise et occidentale. En effet, Phan Chanh peignait sur soie et apposait calligraphie et monogramme tout en ajoutant de larges aplats.
En 2020, Christie’s Hong Kong adjugea la gouache Les Couturières (1930) 945 233 euros.
Lê Thi Luu (1911-1988)
Rare femme étudiante de l’École des Beaux-Arts de l’Indochine, Lê Thi Luu sera la première à poursuivre une carrière de peintre professionnel. Aux côtés des peintres Mai-Thu, Lê Pho et Vu Cao Dam, elle compose ce quatuor vietnamien qui s’installa en France à la fin des années 1930.
Les compositions de Lê Thi Luu illustrent femmes et enfants dans un style classique. Les lignes et les couleurs sont empreintes de douceur.
Sotheby’s Hong Kong adjugea en 2021 l’aquarelle Woman and Children (1960) pour 590 947 euros.
Mai Trung Thu (1906-1980)
Mai Trung Thu fait partie de la première promotion de l’École des Beaux-Arts de l’Indochine avec Lê Pho et Vu Cao Dam notamment. Il participa à l’Exposition coloniale de 1931 et découvrit la France où il demeura de 1937 jusqu’à la fin de sa vie.
Le peintre vietnamien se consacra à la gouache et à l’encre sur soie, procédé typiquement asiatique. Cela permit à Mai Thu de développer un art riche en références stylistiques de l’art chinois et vietnamien.
En 2021, Sotheby’s Hong Kong établit un nouveau record en adjugeant le Portrait de Mademoiselle Phuong (1930) pour 2 148 900 euros.
Lê Pho (1907-2001)
Fils du vice-roi du Tonkin, Le Pho intégra l’École des Beaux-Arts de l’Indochine dès 1925. Il fut l’assistant de Victor Tardieu durant l’Exposition coloniale de 1931 à Paris. L’artiste vietnamien profita de cet évènement pour visiter la France et voyager en Europe. Ceci lui permit d’approfondir sa connaissance de l’art occidental.
De retour à Paris en 1937 il y demeura jusqu’à la fin de sa vie. À cette occasion Lê Pho côtoya le milieu des artistes modernes et d’avant-garde.
La première période de production du peintre qui s’achève en 1945 est marquée par un style classique. Ses figures, scènes et natures mortes sont peintes à l’aquarelle sur un support de soie.
Le style de Lê Pho s’est ensuite modernisé, ouvrant la voie à une seconde période de production. Empeignée de la culture française et occidentale, la touche de Lê Pho devint fragmentée, impressionniste tandis que les couleurs s’accrurent sous l’influence de Pierre Bonnard (1867-1947). L’artiste se tourna vers l’huile sur toile au détriment de la peinture sur soie.
En 2019, Christie’s Hong Kong vendit l’huile sur toile Nue (1931) pour 1 022 868 euros.
Vu Cao Dam (1908-2000)
Issu d’une famille francophone et francophile, Vu Cao Dam baigna dans un univers érudit. Il intégra l’École des Beaux-Arts de l’Indochine en 1926.
À l’instar de ses camarades, il participa à l’Exposition coloniale de 1931 à Paris. Dès lors Vu Cao Dam décida de s’établir dans la capitale française.
L’artiste vietnamien est principalement connu pour ses sculptures même s’il réalisa de nombreuses peintures sur soie.
Ses œuvres illustrent scènes de genre et scène religieuse. L’artiste portait un intérêt certain pour la représentation de la figure humaine.
En 2020, Christie’s Hong Kong vendit l’aquarelle sur soie Femmes au bain (1944) pour 690 339 euros.
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